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Les noces de Mickey et de l’univers Marvel : un rapprochement logique

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 1er septembre 2009                      Lien  
Hier, l’annonce a fait le tour du monde : Mickey fait main basse sur Marvel. Cette prise de contrôle en plein milieu de la crise financière qui a fait tanguer les places internationales montre d’abord la santé insolente de l’industrie des loisirs dans ces circonstances, ensuite la valeur d’une création qui a vécu bien des aléas avant cette sortie brillante.
Les noces de Mickey et de l'univers Marvel : un rapprochement logique
Mickey Mouse as Wolverine par Khary Randolph
Super Punch

Marvel, c’est 5000 personnages développés depuis 1939 lorsqu’un éditeur de pulps, Martin Goodman, lance sous le label Timely Publications, le premier fascicule de Marvel Comics et deux super-héros appelés à une belle carrière : Human Torch et Sub-Mariner. Rebaptisant sa société Atlas , puis Marvel, Goodman engage en 1939, un assistant du nom de Stanley Lieber qui devint véritablement l’âme de la « Maison des idées » sous le pseudonyme de Stan Lee. Goodman s’attache très vite un dessinateur de génie, Jacob Kurtzberg alias Jack Kirby, qui lance en mars 1941 Captain America, le premier blockbuster de la compagnie.

Mais c’est à partir de 1962 qu’apparaissent les créations majeures qui changeront la face du comic-book : Spider-Man (1962) et X-Men (1963).

Le temps des financiers

Spidey Mouse par Emilio J.Lopez.
Super Punch

En 1986, le société entre dans un cycle financier un peu hasardeux : Vendue à New World Entertainment, elle est bientôt rachetée par McAndrews & Forbes, propriété du magnat des finances Ron Perelman.

En 1991, la société est cotée en bourse. Mais un conflit entre actionnaires, un manque vital de stratégie et des maladresses cumulées du management provoquent le départ des best-sellers de la maison (Todd McFarlane, Jim Lee, Erik Larsen, Rob Liefeld, Marc Silvestri, Whilce Portacio et Jim Valentino s’en vont fonder leur propre label, Image, en 1992).

En décembre 1996, Marvel dépose le bilan et se met sous la protection de l’article Chapter 11, l’équivalent de notre Redressement judiciaire.

Un autre magnat des finances, Carl Icahn, en prend le contrôle avec Bonholders et sort Marvel de la faillite à partir de 1996. C’est le début d’un retour au succès qui est marqué par la sortie en salle des films X-Men (2000) et Spider-Man (2002), avec la réussite que l’on connaît.

Beauty and The Thing par A. David Lewis
Super Punch

Un rapprochement logique

Le fait que Disney s’intéresse à Marvel est finalement assez logique. Cet univers a fait la preuve de sa longévité sur le grand comme le petit écran. Les adaptations du catalogue Marvel se multiplient, additionnant les succès aux succès. Par ailleurs, Disney ayant acquis Pixar, dispose de la meilleure machine à produire du dessin animé en ce moment. Mais son catalogue a surtout été développé en direction des enfants, un secteur où Disney est un incontestable leader. L’acquisition de Marvel correspond à une politique de chaînage du catalogue, élargissant son audience aux adolescents et aux jeunes adultes.

Il est bon aussi qu’un label d’édition soit adossé à un groupe aussi puissant et aussi bien diversifié que Disney. Le parallèle peut être fait avec DC Comics, adossé au puissant groupe Time Warner. Au fond, la rivalité quasi séculaire entre DC et Marvel se trouve ici reconduite entre Disney et Warner.

Une bonne nouvelle

Donald Wolverine par Themrock
Super Punch

C’est bonne chose pour les créateurs de bande dessinée, car elle concrétise la valorisation du 9ème art comme une source incontournable d’idées d’adaptations. Entre Tintin et Spider-Man, Batman et Lucky Luke, Watchmen et Persepolis, son succès ne se dément pas, en dépit de quelques ratés. Actuellement, entre 5 et 10% livres adaptés au cinéma sont issus de bandes dessinées.

Le mot de la fin, je le laisse à mon ami l’historien anglais des comics Paul Gravett qui s’interroge de savoir si « The House of Ideas » n’est pas devenue « The Mouse of Ideas ». Les créateurs de comics n’ont d’ailleurs pas tardé à réagir, comme en témoignent nos amis de Super-Punch dont nous reproduisons quelques dessins ici..

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Le médaillon et toutes les illustrations de cet articles sont issus de Super-Punch.blogspot.com.

 
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7 Messages :
  • Quelques petites précisions. En fait, Stan Lee était le neveu de Martin Goodman, ce qui explique son embauche comme garçon de bureau vers 1940, à 18 ans.

    Et Captain America fut créé par le tandem Joe Simon et Jack Kirby. Il est probable que Simon était responsable du script et de l’encrage, Kirby assurait le dessin de façon vigoureuse et dynamique, assumant évidemment le découpage et la mise en scène. De mémoire, Stan Lee fut le témoin de la prodigieuse efficacité de Kirby jusqu’à ce que Kirby ne parte combattre les nazis. Peu aprés, Stan Lee écrivit des épisodes de Captain America, notamment pour John Romita, mais aprés la guerre ce genre de personnage patriotique s’essoufflait.

    Je ne peux que conseiller à ceux que ce sujet intéresse la lecture du livre de Ronan Ro intitulé Tales to Astonish : Jack kirby, Stan Lee, and the american Comic Book revolution.

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    • Répondu par Alex le 1er septembre 2009 à  21:15 :

      Quelques petites précisions. En fait, Stan Lee était le neveu de Martin Goodman, ce qui explique son embauche comme garçon de bureau vers 1940, à 18 ans.

      Tout à fait ! L’histoire de Timely/Atlas/Marvel couvre un pan tellement énorme de l’histoire de la bd qu’il vaut vraiment la peine de se pencher en détails sur ses multiples transformations de par les décennies. Ce n’est pas la première fois que cette compagnie subit des tranformations radicales. En fait, plus qu’une compagnie fer de lance de la création c’est un véritable "caméléon" qui a toujours suivi l’air du temps, mais en y appliquant un "streamlining" absolument révolutionnaire. Le pouvoir d’adaptation de cette compagnie est confondant.

      Et pour préciser votre message Mr Dartay, je confirmerais que Simon était bel et bien scénariste, artiste mais aussi directeur artistique de Timely. Et je crois que, plus que l’enrôlement de Kirby sous les drapeaux, c’est son départ avec Simon pour National (DC) qui motiva Stan Lee -le "grouillot" de bureau, occasionnellement scénariste- à s’improviser chef d’entreprise- après sa période sous les drapeaux.

      Merci d’avoir partagé vos réflexions sur une période qui me tient à coeur.

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      • Répondu par Michel Dartay le 2 septembre 2009 à  00:43 :

        Je suis moins enthousiaste que vous sur l’histoire de Timely/Atlas, une toute petite maison d’édition peu innovante (à part le Captain America de Simon et Kirby, qui rencontra un énorme succès auprés du public, cela sur une période de l’ordre d’un an environ). Il s’agissait d’une maison familiale, gérée par les Goodman qui tentaient de surfer sur les modes. En 1961, la maison est au bord du dépôt de bilan. Goodman passe plus de temps au golf qu’à gérer ses affaires, ses titres peu inspirés se vendent mal. Un éditeur de DC lui confie son étonnement devant les bonnes ventes de la JLA, sorte de retour du super-héros en groupe. Quelques mois après sort donc le premier Fantastic Four. Il s’agit d’une version modernisée (avec une femme sexy et un monstre de pierre) des Challengers of the Unknown, sur lesquels a travaillé Kirby quelques années auparavant chez DC. Le script du scénario original de Stan the man Lee tient sur une demie-page....et l’on sait ce qu’il advint de la série quand Jack Kirby la quitta après plus d’une centaine de numéros. Pour Spider-Man : il semblerait qu’il s’agisse d’un concept de Simon et Kirby (Kirby en avait montré quelques sketchs à Stan qui demanda ensuite à Steve Ditko de le mettre en image). Pour Thor : on connait la passion de Kirby pour les dieux qu’il développa plus tard chez DC (New Gods, Forever People, etc) ou à nouveau chez Marvel, mais en solo (the Eternals).

        Le ressentiment que voua Kirby à la Marvel vient de ce qu’il en fut le principal créateur à tous les niveaux : style et mise en page dynamique, conception de nouveaux personnages, etc. Il imaginait lui-même les évènements de ses comics, Lee n’avait ensuite qu’à rajouter les dialogues en fonction des annotations dans les marges qui décrivait la scène. Le Silver Surfer est lui une création 100% Kirbyesque (ou Kirbyenne), le fait que Lee ait confié à John Buscema (en lui ordonnant d’imiter le style de Kirby) le lancement de sa série régulière est sans doute un des éléments de la cause de son départ vers DC vers 1969-1970

        Pour revenir à Captain America, Simon et Kirby réalisèrent ensemble un nouveau héros patriotique appellé Fighting American dans les années cinquante, chez un autre éditeur (normal, ils avaient été virés de la Timely/Atlas quand on avait appris qu’ils envisageaient d’aller voir ailleurs). Lee eut l’idée de le faire revenir à la vie dans le fameux Avengers 4 (vers 1963), histoire d’étayer un groupe composé de personnages récents. Le lecteur découvrait alors que Captain avait hiberné dans un bloc de glace, à la fin de la seconde guerre mondiale (alors qu’il avait participé à la guerre de Corée dans les années cinquante sous la plume de Lee !!!). Lorsqu’il revint chez Marvel vers 1974, Kirby accepta de reprendre Captain America, cela du numéro 193 à 213 environ, de mémoire, je n’ai pas les références précises sous les yeux), mais à la seule condition d’en être l’unique responsable (scénario et dessin).

        En résumé, le monde de Marvel est surtout merveilleux pour les lecteurs à qui il a apporté évasion et suspens pendant des années. Pour les auteurs qui ont contribué à ce formidable développement, l’aventure est plus amère. Ils ont été au mieux considérés comme des pigistes.

        Comme le déclara à peu prés Frank Miller à un San Diego Comicon : "L’histoire du développement des comics est celle de la spoliation du talent de ses auteurs". Nuff’said, comme dirait l’autre.

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        • Répondu par Alex le 4 septembre 2009 à  00:10 :

          Non, non. Vous vous méprenez Mr Dartay, je suis très très loin d’être un fan de Marvel. C’est la période qui me fascine. Pas de malaise...Merci encore pour ces dévellopements. Pourriez-vous m’indiquer l’éditeur de "Tales to Astonish et leur ISBN, merci.

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          • Répondu par Michel Dartay le 4 septembre 2009 à  09:52 :

            le livre (en anglais, et sans images) est paru chez Bloomsbury en 2004-2005. version broché à 14,95$. ISBN 1-58234-566-X

            J’ai acheté le mien chez amazon !°)

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  • "Par ailleurs, Disney ayant acquis Pixar, dispose de la meilleure machine à produire du dessin animé en ce moment."

    précisons qu’en janvier 2006, le groupe Disney a racheté Pixar par échange d’actions. Steve Jobs, le fondateur de Pixar et le génie d’Apple, est devenu administrateur du groupe et premier actionnaire individuel de Disney devant Roy E. Disney et Michael Eisner.

    Cela aura-t-il une incidence sur l’évolution des comics sur app store ?

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