Les Pays d’Amir – Par Séverine Vidal et Adrian Huelva – Editions Bamboo/Grand Angle

Après avoir fui son pays, Amir, jeune réfugié syrien, perd le peu qu’il possédait dans l’incendie du squat occupé avec ses compagnons de misère.

Il est alors recueilli par Solange, une infirmière qui effectue des maraudes. Très touchée par la situation du jeune homme, elle décide de l’héberger chez elle. Jack, son mari et ses trois enfants se montrent d’abord surpris, un peu réticents puis finissent par accepter et l’intégrer à la vie de famille.

Il n’en va pas de même avec Armand, le père de Solange, restaurateur aigri, raciste aux idées très arrêtées sur les choses et les gens ! Des problèmes de santé ne permettent plus au vieil homme de gérer son établissement, malgré l’aide de la sœur de l’infirmière, Héléna qui travaille pour le restaurant. Amir propose alors de les faire profiter de ses talents de cuisinier et permettre ainsi de continuer à faire tourner la boutique. Ce qui revient peu ou prou à écarter Armand de plus en plus malade. Une décision qui ne sera pas sans perturber la vie familiale poussée dans ses partis pris et retranchements.

Venue à l’écriture par la littérature jeunesse, Séverine Vidal avait déjà fait une entrée remarquée (et remarquable) au sein du label Grand Angle avec Le Plongeon dessiné par Victor L. Pine. Elle confirme son attachement aux sujets de société difficiles en les mettant en scène de manière réaliste et attachante.

Sans pathos, sans excès, l’histoire inscrite dans un quotidien vraisemblable, fait la part belle à des personnages traités avec finesse et subtilité à travers leur convictions, leurs faiblesses et leurs failles. Rythmé par la présentation de recettes orientales, procédé habile pour aérer la narration du récit tout en restant en phase avec le sujet du livre, l’album se lit avec plaisir.

Le graphisme fluide et élégant du dessinateur espagnol Adrian Huelva sert avec beaucoup de justesse et de lisibilité le propos. L’harmonie des couleurs jouant des différences de gris colorés et d’ambiances solaires contribue à souligner l’élégance de son trait.

Fruit d’un travail en ateliers d’écriture et du profond intérêt pour le sujet de la part de ses auteurs, le récit évite soigneusement les facilités et les clichés. Les réticences et les difficultés des uns et des autres sont illustrées avec beaucoup de tact et d’objectivité.

Dans un registre voisin de l’album de David Ratte, Réfugiés climatiques et castagnettes, (même éditeur) ce one-shot décline une parole humaniste et très mature dans une opposition talentueuse à certains discours xénophobes à l’emporte-pièce !