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Les rats dans les murs - Reinhard Kleist - Akileos

Par Nicolas Fréret le 21 avril 2004                      Lien  
Recueil de quatre nouvelles graphiques librement adaptées d'un échantillon de l'œuvre posthume d'un maître de l'horreur, l'écrivain américain Howard Phillip Lovecraft. Par l'illustrateur allemand, Reinhard Kleist. Angoissant !

Lovecraft n’aura pas connu le succès de son vivant. A sa mort, en 1937 -à l’âge de 46 ans- un ami fidèle se charge de lui rendre justice littéraire. Son imaginaire sans limite, sa folie transcendante et son goût du surnaturel lugubre seront repris, pompés, inspirés maintes et maintes fois. Parmi ses fervents admirateurs, Kleist s’est attelé à la mise en image périlleuse de nouvelles courtes, cérébrales : « Celui qui hantait les ténèbres », « Horreur à Red Hook », « Les rats dans les murs » et « Air frais ». Publié une première fois aux Editions 52, ce recueil bouillonnant de psychoses absolues vient d’être réédité, de bien belle manière, chez Akiléos.

Lovecraft était vraisemblablement un auteur tourmenté. Il n’a que trois ans lorsque son père est interné en hôpital psychiatrique, sa mère lui emboîtera rapidement le pas, si bien que le jeune H.P - à croire que le nom était prémédité- est élevé par une amie de la famille, une poétesse. Il grandit reclus dans une immense demeure et passe le plus clair de son temps dans la bibliothèque, bourrée de récits d’horreurs, de contes fantastiques et de précis d’astronomie. Il s’imbibe, se nourrit sans relâche. Il écrit très tôt mais publie rarement, en tout cas pas suffisamment pour vivre de son art. Il semble fuir la lumière, il laisse en permanence les volets fermés, ne travaille que la nuit. Son passé, son univers se poseront en postulat de base de ses histoires torturées.

Kleist s’est amusé à mettre en scène à plusieurs reprises son inspirateur, qu’il dépeint dans ses courtes mais intenses nouvelles, comme on l’aurait imaginé sans l’avoir jamais vu : grand, sec, blême, la parfaite caricature du croque-mort. L’environnement décrit est absolument impensable en couleur -bien que la couverture s’y aventure à tort. Le noir et blanc sublime, comme de fait, un dessin volontairement dépouillé, empreint d’ombres tenaces, obsédantes, de clairs obscurs inquiétants. L’expressionnisme graphique colle à la singularité du propos formellement désespéré de l’auteur historique. Ambiances pesantes, atmosphères glauques et sordides, profondeurs de champ vertigineuses. Reinhard parvient à mettre en relief l’hystérie paranoïaque avancée, l’irrémédiable folie furieuse d’âmes perdues dans les ténèbres névrotiques. Tout est joué d’avance dans le monde de Lovecraft, on est déjà de l’autre côté, le paranormal. Aucune échappatoire n’est envisageable. Le récit n’a, par essence horrifique, aucune issue. Les amateurs du genre peuvent se ruer les yeux fermés sur le cadeau offert par l’illustrateur allemand.

(par Nicolas Fréret)

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