Les sauvages — Par Nadar et J. Frey — Éd. Futuropolis

"Réaliser le rêve de Joanne, c’est aussi lui montrer que tout est possible. Lui transmettre un peu plus que mes angoisses". Tel est le beau défi qu’un parent peut offrir à son enfant, en l’occurrence ici, aller voir des animaux, avant qu’il ne soit trop tard. Julien Frey nous raconte la réalisation du rêve de sa fille : trois semaines en Indonésie, au printemps 2020, en (très bonne) compagnie de Johan Michaux, un biologiste belge spécialiste des espèces en danger (et qui signe d’ailleurs la postface) et de sa jeune thésarde Chloé. Ce séjour sera l’occasion de découvrir un autre monde, aux paysages exotiques.

Mais bien plus que ce "décor", ce sont ses "habitants" qui comptent le plus et en priorité les animaux : éléphants surtout, dragons de Komodo, gibbons, insectes (animaux moins visibles certes, mais les plus nombreux et de loin), les poissons aussi.

Julien Frey se donne le rôle de candide, sa fille et les deux scientifiques apportant le contenu, façon pour nous d’apprendre la complexité du vivant, et notamment du rôle de l’action humaine dans la déforestation de cette région, au profit d’immenses exploitations de palmiers, pour la fameuse huile de palme. Les politiques en prennent aussi pour leur grade. "L’écologie est le combat du siècle" disait le président Macron (cité ici), qui en même temps, selon sa formule consacrée, développait les importations d’huile de palme contre la vente d’armes et d’avions à l’Indonésie. On comprend ainsi que les sauvages ne sont pas ceux que l’on croit. Le problème, c’est que cette déforestation entraîne le recul des zones de vie des animaux sauvages, qui, de ce fait, se rapprochent de plus en plus des humains, entraînant les zoonoses, c’est-à-dire des maladies transmises à l’humain par les animaux. C’est d’ailleurs la cause probable de la COVID 19, qui commence précisément lors de ce séjour indonésien de Julien Frey et de sa fille !

Le propos n’est pas désespéré pour autant, car des solutions existent, comme le replantage massif de palétuviers pour reconstituer la mangrove, comme s’y emploient certains, depuis 30 ans.

Bel ouvrage humaniste et animaliste, cet album est aussi un beau récit de filiation, parfaitement servi par le dessin et les couleurs tout en douceur de Nadar, dont on avait déjà salué la dernière collaboration avec J. Frey, Fatty . Il est à mettre dans toutes les mains, celles des jeunes et celles de leurs parents.