Olivier Delcroix n’en revient toujours pas. Le spécialiste pour la bande dessinée du Figaro est le sujet du pénultième billet d’humeur que M. Nick Rodwell a publié sur son blog avec un titre pénétré d’un drôle d’humour : « Olivier Delcroix est un con(frère) » (31 juillet 2009).
« Olivier Delcroix est un menteur » explique en substance le fantasque patron de Moulinsart, prenant soudain un ton familier : « …quand j’ai dû préciser à un des Directeurs de son journal qu’il est un menteur - et si ce journal voulait travailler avec nous, il est inutile de nous envoyer encore Oli le Menteur. Ce qui m’a soufflé : tout le monde semblait d’accord. Personne - je répète : personne - ne m’a contredit. En d’autres termes, personne n’a jamais affirmé qu’il était honnête. »
Pourquoi M. Delcroix est-il un menteur ? Mystère. M. Rodwell ne prend pas soin d’éclairer le lecteur. Il explique en revanche avec force détails comment il l’a diffamé auprès de ses collègues et de ses supérieurs.
« Tout vient du livre que j’ai publié sur Tintin [1], nous explique le journaliste. J’y raconte une anecdote concernant un documentaire que j’avais tourné pour Arte sur les « mythes de la bande dessinée ». Nous avons interrogé M. Rodwell trois fois. Il a été incapable de formuler pourquoi Tintin était un mythe. Il bloquait sur cette question. J’ai raconté cela et depuis, je suis dans son collimateur. J’étais au courant de ses interventions auprès de ma direction. Cela ne les a pas impressionnés puisque j’ai été depuis promu chef de service, en charge de la culture pour le journal ! Ce que raconte M. Rodwell sont des élucubrations. »
Haro sur les journalistes !
La philippique rodwélienne ne s’arrête pas au confrère du Figaro. Hugues Dayez de la RTBF, la chaîne nationale francophone belge, et Albert Algoud, journaliste à Canal Plus et ancien rédacteur-en-chef de Fluide Glacial, tous deux auteurs d’ouvrages sur Tintin ou sur Moulinsart, font eux aussi l’objet de propos alacres.
Auparavant, c’était un journaliste du Monde,traité de « neuneu », tandis que dans le dernier billet publié ce matin (7 août), c’est notre consœur Sophie Flouquet, journaliste du Journal des Arts qui se fait agresser avec force insinuations.
Que Nick Rodwell se venge des journalistes sur son blog, pourquoi pas ? Cela ne relèvera pas son image déjà très dégradée. Là où il va trop loin, c’est lorsque, « fouillant dans la vie privée » (ce sont les propres termes de M. Rodwell ) de ces journalistes, il essaie de trouver une explication fumeuse à l’hostilité qu’il leur suppose à son égard : ce sont les problèmes familiaux ou personnels qui sont responsables de leur relation passionnée avec Tintin, source de leur conflit avec Moulinsart. Il pointe par exemple le fait que MM. Algoud et Dayez ont des enfants handicapés. Comprenant leur douleur, il ne s’appesantit pas sur leur cas.
« Oli le menteur », en revanche, a droit à toute son attention et la thèse de M. Rodwell est que sa relation conflictuelle avec son père, grand amateur de Tintin, est à l’origine de sa mauvaise relation avec Moulinsart : « Oli s’est senti poussé à écrire un livre sur Tintin, le lien fondamental entre lui et son père. Et Oli n’a pas accepté que l’oeuvre d’Hergé puisse être protégée. Et Oli refusa d’accepter les directives de Moulinsart s.a. La personne chez Moulinsart, en charge des droits sur les visuels liés à Hergé, s’est vue confrontée à un journaliste qui savait tout et se montrait obsédé par sa relation avec son père. » De la même manière, Sophie Flouquet, décèle-t-il, a peut-être eu des problèmes avec son « identité sexuelle ».
Propos délirants qui reviendraient à considérer que toute critique vis-à-vis de la politique commerciale de Moulinsart relèverait de la pathologie !
On peut comprendre que M. Rodwell soit meurtri par l’accueil fait à l’ouverture du Musée Hergé et à l’annonce prochaine de films, signés Spielberg et Jackson, adaptés de Tintin, à propos desquels le Journal de France 2 s’est cru obligé de rappeler la gestion vétilleuse des droits d’Hergé par Moulinsart, contribuant encore à dégrader l’image de son patron.
Il est vrai qu’il fait l’objet depuis près de vingt ans d’attaques d’une violence inouïe, souvent injustifiées et parfois injustifiables, et que les procès d’intention qui lui ont été faits (nous n’avons pas manqué de le signaler ici), étaient parfois malhonnêtes et trop souvent à charge. Il faut reconnaître que les journalistes –certains parmi ceux qu’il cite- ont nourri depuis bien trop longtemps son ressentiment.
On comprend aussi qu’en ce moment la pression doit être énorme entre les angoisses suscitées par l’ouverture du Musée Hergé (atteindra-t-il le cap des 200. 0000 visiteurs ?) et le raz-de-marée que provoquera immanquablement le lancement des films de Spielberg et Jackson avec, à la clef sans doute, une dépossession de l’univers qu’il contrôle avec tant de vigueur depuis près de vingt ans.
Un triomphe, un malheur
Hergé est son triomphe, car franchement, aucune licence de bande dessinée européenne n’a jamais eu un tel crédit à Hollywood, ni un tel monument (le Musée Hergé) à sa gloire, fut-il un « mausolée » ; mais aussi son malheur, car Rodwell est devenu, beaucoup par sa faute, le « croquemitaine » de la BD européenne.
« La pression est trop forte » résume sobrement Olivier Delcroix qui étudie en ce moment avec les services du Figaro quelle position ils vont prendre par rapport à cet article qu’ils jugent diffamatoire. Il prédit d’autres dérapages avant le bouquet final des trois films d’Hollywood qui seront pour lui à la fois un aboutissement et une petite mort, car quoi faire après ça ?
La conclusion est à un internaute anglophone s’adressant à Nick Rodwell sur son forum : “ It is a disgrace that the good name of Herge is stained by cheap personal attacks“ (il est déshonorant que le beau nom d’Hergé soit ainsi souillé par de basses attaques personnelles).
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[1] Générations Tintin, édition des équateurs, voir notre chronique dans nos pages.
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