Nous sommes en mai 2017, dans un pays qui ressemble à s’y méprendre à la France, à trois jours du résultat des "élections" présidentielles. L’expression est – ô combien ! – d’actualité, mais les guillemets sont indispensables ici, car le mode de scrutin a connu une réforme qui se veut à la fois moderne et proche des aspirations populaires. En effet, ce fameux résultat sera déterminé par les réseaux sociaux : celui ou celle qui aura le plus d’ "amis" deviendra le nouveau président !
Alexandre Géraudie nous plonge donc en pleine politique fiction. Il ne fait certes que caricaturer certains aspects de notre monde actuel, mais il le fait avec humour, et s’il n’y avait pas ses personnages farfelus et ses situations absurdes, on se dit qu’il ne s’éloignerait finalement pas tant que ça de notre réalité.
Qui s’affronte pour obtenir le fauteuil tant convoité ? D’un côté, Catherine Sauzet, présidente sortante, "Le changement dans la continuité" : certains ne reculent devant rien pour se présenter de nouveau... De l’autre, Raoul Fallieri, adepte de Gérard Lenorman et d’alcools forts. Malheureusement pour Mme Sauzet, à trois jours de la clôture des "votes", un truand aussi effrayant qu’azimuté s’échappe d’une prison de haute sécurité, construite spécialement pour lui. Il est vrai que ce Rodrigo Delgado s’est déjà évadé une bonne trentaine de fois, alors prendre la clé des champs en se cachant dans un panier à linge, cela ne lui fait pas peur !
L’élue se retrouve immédiatement devancée sur les réseaux sociaux. C’est la panique. Mais un renversement de situation n’est pas à exclure avec Alexandre Géraudie. D’autant qu’à cette situation déjà passablement tordue s’ajoute une panoplie de personnages, tous plus veules et inconstants les uns que les autres. Un duo de policiers de choc composé d’une froussarde sympathique mais décourageante et d’un bedonnant corrompu jusqu’à la moelle se retrouve à faire la circulation sur la voie publique. Le frère de ladite timorée n’a qu’un but dans la vie : faire le buzz sur Internet. Et peu importe si sa sœur en pâtit. Quant à la bande de gangsters, elle vaut son pesant de pop-corn.
Bref, il convient dans ce livre de ne pas trop se prendre au sérieux. Ce qui n’empêche pas, bon an mal an, de dénoncer quelques-uns des travers de nos sociétés contemporaines. Qu’il s’agisse de la course à la popularité des hommes et femmes politiques ou de la manie de tout un chacun de filmer le moindre événement avec son smartphone, Alexandre Géraudie se fait observateur de nos tics sociaux. Les médias – télévision et Internet surtout – en prennent pour leur grade. La police est passée à la moulinette, mais la pègre n’est pas épargnée.
Tant par son esthétique – un noir et blanc sans affectation ni recherche graphique particulière – que par sa verve – humour potache et dérision sans prétention – le travail d’Alexandre Géraudie se rattache sans nul doute à l’esprit "fanzine", qu’il doit affectionner. Nous retrouvons là bien des traits communs avec Daniel Selig, son compagnon de route chez Flblb comme chez Les Machines.
La satire en est encore à ses débuts. Trois tomes sont annoncés. Et le récit ne fait effectivement que démarrer. Nous sommes donc curieux de découvrir les deux prochaines journées qui sont censées changer le monde : bien d’autres de nos mauvaises habitudes méritent d’être caricaturées par Alexandre Géraudie.
(par Frédéric HOJLO)
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