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Les univers fantastiques de Touïs

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 avril 2018                      Lien  
Touïs, pseudonyme du dessinateur belge Vivian Miessen, a laissé une trace vive dans "Pilote" avec « Le Sergent Laterreur », une bande dessinée scénarisée par Gérard Frydman. C’était au début des années 1970, dans les années les plus expérimentales du magazine qui s'amusait à réfléchir, celles où les Grandes Gueules côtoyaient les signatures de Fred, Mandryka, F’murrr, Colman Cohen, ou Patrice Leconte. Mais ce n’est que la partie immergée d’un iceberg créatif qui touche aussi bien au cinéma d’animation que la peinture et la gravure. Une exposition lui est consacrée à Paris.
Les univers fantastiques de Touïs
Sergent Laterreur (sc. Gérald Frydman) à L’Association

C’est un grand jeune homme de 77 ans qui a fait profession d’être modeste. Et pourtant, quel parcours ! Fils du peintre belge Bellor (alias René Miessen), un artiste surréalisant, admirateur du Quattrocento surnommé « le peintre des secrets », par ailleurs un ami d’Hergé, le jeune Vivian a la chance de soumettre très tôt ses dessins au maître de l’Ecole de Bruxelles.

Dès ses 15 ans, il publie chez Dupuis dans Le Moustique où ses dessins voisinent avec ceux de Sempé, Morris, Will… Il fait un parcours scolaire à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, où Jacobs usa ses fonds de culotte, et à Saint-Luc, avant que Paape et Claude Renard y enseignent. Il fit un stage à l’agence de publicité OTP où il croise William Vance pour qui il dessinera anonymement une BD humoristique pour Tintin, Le Roi soleil.

En 1959, il fait un service militaire traumatisant prolongé par des jours de cachot (en Belgique, chaque jour de cachot se traduisait par un jour de service national supplémentaire.) Son père, ancien compagnon d’arme de Raymond Leblanc aux Chasseurs ardennais, lui présente le créateur du Journal Tintin. Celui-ci est en train de créer les Studios Belvision où il a l’ambition de tenir tête à Walt Disney.

Touïs fait partie des sept « cleaners » sous la houlette de Willy Lateste et y fait tout le parcours de ce métier en compagnie d’un futur compagnon de route, l’animateur Claude Lambert : tracage, coloriage, banc-titre…. Il est rejoint par Ray Goossens qui prend la tête du studio, occasion d’une première rupture avec Belvision pour qui il participera néanmoins, en indépendant, aux longs métrages Astérix et Cléopâtre, La Ballade des dalton, ou Le Temple du Soleil comme chef animateur.

Dans les studios TVAnimation des éditions Dupuis
Photo : DR

Chez Dupuis

Il est aussi de l’équipée de TVAnimation, le studio éphémère des éditions Dupuis. Il travaille avec Charles Degotte (Le Flagada) et Raoul Cauvin, le futur scénariste-star de Spirou, dans ce qui est davantage une activité expérimentale qu’un vrai business. Il projette d’animer Lucky Luke à sa façon, un peu parodique. À la vue des essais, Morris sourit, mais Goscinny est furax. Ray Goossens apparaît alors dans le paysage et Touïs prend la tangente, notamment en créant Le Sergent Laterreur que Goscinny, pas rancunier, publie dans Pilote (1971-1973).

Sergent Laterreur (sc. Gérald Frydman) à L’Association
Planche originale de Sergent Laterreur à la galerie P38 à Paris

Dans la lignée Underground d’un Moscoso, et dans la veine antimilitariste d’un Cabu, en contemporain de Pellaert ou de Tito Topin, ils livrent un œuvre "pop" qui a marqué son époque.

Quatre titres sont parus au Chant des muses

Touïs dessine aussi pour Wolinski dans Charlie Mensuel avant de travailler, d’Espagne où il réside désormais, pour Picha (Tarzoon de la Jungle, 1974, puis Le Chaînon manquant) et pour le Studio Idéfix qui vient d’être créé à Paris par Goscinny, Uderzo et Dargaud.

Ses derniers travaux seront pour Belvision encore où l’on met en route un projet d’adaptation en dessins animés de Corentin de Paul Cuvelier et pour diverses productions de tous ordres. Ses dernières BD ont été publiées dans Lapin à L’Association.

Touïs dans la Galerie P38 à Paris
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Aujourd’hui, Touïs est retraité au fin fond de la province française, « à la campagne », et se concentre sur son activité de peintre et de graveur, tandis que l’atelier Le Chant des muses (Béziers, dans l’Hérault, diffusion en direct pour les libraires) et L’Association éditent ses œuvres.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782844141712

L’Association ✏️ Touïs
 
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7 Messages :
  • Les univers fantastiques de Touïs
    18 avril 2018 10:14, par Ph.Capart

    Bonne idée de mettre le spot sur Vivian (Touïs) Miessen !
    (note : Ray Goossens était déjà à Belvision quand Vivian y entre (époque des Tintin - 5 minutes). C’est plus tard, à TVA-DUPUIS, que l’arrivée de Goossens décide Vivian à s’éjecter.)

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    • Répondu par Bertrand Pissavy-Yvernault le 18 avril 2018 à  11:50 :

      Très chouette article, Didier, sur un auteur méconnu. Merci !

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 avril 2018 à  23:46 :

      Vivian dit le contraire dans son autobiographie. Il serait arrivé avant Goossens chez Belvision.

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      • Répondu par Godard Christian le 19 avril 2018 à  15:17 :

        Touïs, j’avais été très fortement marqué par la personnalité HORS DU COMMUN de Touïs quand il était apparu dans Pilote, qui ne devait rien à personne, et qui éclatait à l’improviste, sans antécédents aucun , comme une promesse excitante.Et puis j’avais attendu la suite, attendu, et plus rien n’était arrivé jusqu’à moi, très déçu. Je suis heureux d’apprendre aujourd’hui qu’il a pu s’accomplir, pleinement, ailleurs. J’en suis heureux. Ca me rassure. Ce n’était pas qu’ une promesse et je ne m’étais pas trompé, donc... Longue vie à Touïs.

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      • Répondu par Ph.Capart le 30 avril 2018 à  15:09 :

        Ray Goossens remplace Yvan Szucs en 1959, ils travaillent sur les personnages de R.Macherot sur cellophanes. Vivian débarque en 1960. Enfin, c’est un détail mais il semble que l’histoire est faite de détails. Cheers, P.

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  • Les univers fantastiques de Touïs
    30 avril 2018 12:59, par Xavier Dole

    Merci pour ce bel article sur Touïs. Ça fait plaisir de voir réagir un peut sur un auteur un peu oublié mais qui me tient vraiment à cœur. Je suis Xavier Dole (des éditions Le Chant des Muses), et responsable des Touïs Comix 1, 2, 3 et 4.

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    • Répondu par Henri Khanan le 5 mai 2018 à  22:08 :

      Son Sergent La Terreur reste inoubliable et moderniste avant l’heure, une désopilante série psychédélique sur les vicissitudes de l’armée de terre, l’ineptie du système galonné...

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