Lag et Chiko ont pénétré au cœur de la capitale de l’Amberground, lieu sacré et coupé du reste de leur monde, sujet à maintes rumeurs qui en font un paradis réservé aux élus et aux méritants… en particulier les Letter Bees, les facteurs qui, dans ce monde, s’occupent d’une tâche aussi prestigieuse que cruciale : livrer les lettres des habitants recelant la part de leur cœur qu’ils envoient à leurs proches. Une forme de pollinisation en quelque sorte, qui maintient la vie.
Mais ce que découvrent Lag et Chiko dans cette ville sacrée se révèle bien entendu assez éloigné de l’utopie attendue. Ses habitants se trouvent en effet endormis au sein d’un énorme système servant à alimenter, via leur « cœur », une arme tirant sur le Soleil artificiel, unique source de lumière de leur monde qui ne connaît que les ténèbres.
Cependant, et c’était la grande révélation du dernier acte du récit, ce Soleil artificiel est en réalité la prison de Spirytus, l’insecte-armure de légende, dont le réveil sonnerait la fin de leur monde. Le but ultime des dirigeants de la Capitale se révèle alors de trouver un Letter Bee capable d’utiliser leur arme, combinée aux cœurs de ses habitants, afin de détruire définitivement Spirytus.
C’est dans ce but que de nombreuses expériences furent effectuées par le passé, amenant à des injustices qui aboutirent à leur tour à un mouvement révolutionnaire qui arrive dans le récit à une puissance critique, tandis que Spirytus de son côté s’avère être sur le point de se réveiller !
C’est dans ce contexte que Lag et Chiko débarquent à la Capitale, derniers d’une longue série de Letter Bees élus afin de détruire Spirytus, sans succès jusqu’à présent. Qui, entre Chiko, championne des révolutionnaires, dont le plan consiste à se sacrifier et à donner leur cœur à cette dernière, et Lag, le pleurnicheur dépositaire des souvenirs de l’Amberground, sauvera le monde ? C’est que nous propose de découvrir le vingtième et dernier tome de la série !
Publié au Japon de 2006 à 2015, Hiroyuki Asada achève donc sa série après neuf ans de travail en proposant une jolie fin, mi-candide, mi-mélancolique, à l’image de l’ensemble de son manga. Le final lui-même offre en fin de compte peu de surprises ou de révélations, tout ayant été déjà expliqué ou présenté dans les tomes précédents.
On pourra ainsi reprocher à cette série d’avoir sans doute trop tiré le récit en longueur, se répétant un peu sur la fin, avec des révélations trop diluées et lentes, qui laissent deviner trop facilement le dénouement et certains secrets, réduisant ainsi l’impact de son grand final.
C’est donc sur ce faible fil narratif que Spirytus commence à se réveiller et à dévorer des villages entiers, dans un cheminement poétique et symbolique qui ne répond malheureusement pas à toutes les énigmes de la série. En effet, Hiroyuki Asada avait semé toute une série d’étrangetés et de bizarreries dans l’univers qu’il a créé, conférant un parfum de mystère à ce monde étrange, qui resteront en partie une énigme... un choix cependant pas forcément préjudiciable à la qualité du manga.
La force de l’œuvre de Hiroyuki Asada a toujours été en effet d’avoir su magnifier l’exaltation des sentiments et des situations tragiques via un prisme relativement candide, assuré par le regard pur et innocent de son héros. Une réussite due tout autant à ses talents de narrateur qu’à son style graphique, noir et intense, faisant la part belle aux contrastes et à une beauté de « verre » qui semble figée dans le temps.
En ce sens, ce dernier tome réussit une fois encore de nouveau à emporter l’adhésion en nous proposant des moments qui sonnent particulièrement justes et d’une grande beauté lyrique, à l’image d’une série qui aura su nous envoûter et nous émouvoir.
Cette quête étrange, tenant du conte merveilleux et de l’allégorie, où des facteurs parcourent un monde de ténèbres afin de livrer de précieuses lettres, contenant le cœur et la chaleur de ses habitants, qui se débattent dans un monde difficile mais non dénoué d’espoir, se termine donc sur cette envolée poétique. Une belle aventure à découvrir.
(par Guillaume Boutet)
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Letter Bee T20. Par Hiroyuki Asada. Traduction Jean-Benoït Silvestre. Kana, Collection "Shônen". Sortie le 23 septembre 2016. 260 pages. 6,85 euros.
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