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Li-Chin Lin ("Formose") : " Comme Marjane Satrapi sans doute, j’ai fini par raconter mes origines en dessins."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 21 janvier 2012                      Lien  
Li-Chin Lin est née à Taïwan en 1973. Après des études en histoire à Taïwan et des débuts professionnels dans une société d’import/export puis pour le Web , elle vient faire des études artistiques en France à l’École Supérieure de l’Image d’Angoulême, puis à l’école d’animation La Poudrière à Valence. Après la publication de quelques livres pour enfants à Taïwan, elle publie son premier roman graphique chez Çà & Là : "Formose".
Li-Chin Lin ("Formose") : " Comme Marjane Satrapi sans doute, j'ai fini par raconter mes origines en dessins."
"Formose" de Çà & Là

Comment en êtes-vous venue à publier en France ?

C’est purement par hasard. Je suis venue en France en 1999 faire des études d’illustration. Mon objectif était d’entrer dans la fameuse école des Arts décoratifs de Strasbourg.

Comment connaissiez-vous cette école à Taïwan ?

Grâce à l’Internet. Après quelques années de boulot qui ne m’intéressaient pas vraiment, j’ai voulu apprendre l’illustration à l’étranger. Comme je n’avais pas beaucoup d’argent, il m’était impossible d’aller aux USA. Comme j’avais déjà appris l’espagnol et le français à la fac, je visais Barcelone, la France ou l’Italie. Comme il y avait plus d’informations sur le sujet sur l’Internet en France, j’ai choisi la France ! Comme tous les étudiants étrangers, on vise en premier lieu les écoles les plus connues : Arts déco de Paris ou de Strasbourg...

Comment saviez-vous que Strasbourg était réputée ?

J’ai contacté quelques illustrateurs par Internet et c’est celle-ci qui m’a été recommandée. Je n’ai pas réussi à passer le concours d’entrée. Après un an d’études de français, je me suis dit que la bande dessinée était proche de l’illustration -je me suis rendu compte ensuite que cela n’était pas vrai- et j’ai jeté mon dévolu sur l’école de la BD d’Angoulême, l’École supérieure de l’image (ESI). Je suis tombée sur un enseignement qui m’a beaucoup plu. À Taïwan, on n’enseigne pas vraiment la BD ( le "comics" ou le "manga") dans les écoles, que ce soit aux Arts appliqués ou aux Beaux-arts. J’étais finalement ravie de pouvoir étudier à l’ESI.

Vous choisissez cependant pour votre première bande dessinée d’évoquer... Taïwan.

C’est normal pour une bande dessinée un peu autobiographique ! Peut-être à cause de l’éloignement et parce qu’ici on me demandait souvent : "Vous êtes chinoise ?" et que je devais nuancer en expliquant que j’étais taïwanaise. La plupart confondent déjà Taïwan et Thaïlande... Alors, comme Marjane Satrapi sans doute, à force d’expliquer mes origines, j’ai fini par le faire en dessins.

Mais il y a aussi une autre raison : un éditeur de Corée, Kim Dae Jong de Saï Comics, qui publie Persepolis de Marjane Satrapi, avait contacté une copine pour qu’elle raconte l’histoire de Taïwan. Elle avait plus de difficulté que moi, en raison de son parcours personnel, de raconter cette histoire, en particulier les choses un peu cachées de l’histoire officielle. J’ai commencé à discuter avec Kim Dae Jong, mais il avait des soucis à ce moment-là. J’ai donc proposé l’affaire à Çà & Là. Ils m’ont accompagnée dans le projet.

Li-Chin Lin en décembre 2011
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Comment vous ont-ils accompagnée ?

Dans l’écriture du français -le mien est encore imparfait, d’abord. Puis en me demandant de supprimer les choses un peu redondantes ou de changer l’ordre des chapitres...

Pensez-vous que votre ouvrage puisse intéresser les Taïwanais ?

Quand j’ai achevé mon livre, je ne le pensais vraiment pas. Mais récemment, les limites dans la liberté d’expression ont été levée dans mon pays. Finalement, je pense que certains jeunes Taïwanais qui connaissent mal leur histoire ou qui, comme moi, en ont reçu une version où certaines choses étaient cachées ou dénaturées, pourront s’intéresser à une histoire qui reste un peu méconnue, même par eux. Mais nous devons trouver une format adaptée pour le publier à Taïwan, ce qui n’est pas le cas pour l’instant.

"Formose" de Li-Chin Lin
(c) Çà & Là
Le Fanzine Comics Special N°3 - Prix de la BD alternative à Angoulême 2010

Que pensez-vous de l’initiative du gouvernement taïwanais d’être présent à Angoulême ?

Je pense que la promotion de la bande dessinée et de la culture taïwanaise est une bonne chose. Vous savez, en 2010, j’ai eu le Fauve d’Angoulême dans les mains : le fanzine dans lequel je publiais, Special comics n°3, publié à Nanjing en Chine, avait reçu le prix de la bande dessinée alternative. C’est suite à cela que le gouvernement taïwanais a eu cette idée.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Li-Chin Lin sera présente sur le Stand Çà & Là lors du Festival d’Angoulême 2012

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1 Message :
  • Malgre le discours nationaliste du gouvernement chinois actuel, la Chine n’est pas unique mais plurielle. Il conviendrait de dire les Chines. Certains Chinois disent avec humour que Taiwan est une fille qui a quitte la demeure familiale et ne veut pas revenir. Et sans doute avec raison : l’histoire de Taiwan, avec sa population autochtone, disputee pendant des siecles entre la Chine et le Japon, cree un sentiment d’identite taiwanaise.

    De meme que les Hongkongais, apres 155 annees de vie avec les Britanniques ont une mentalite bien differente de celle des "Chinois", qu’ils appellent les Gens du Continent. Et quand on leur demande s’ils sont chinois, ils repondent qu’ils sont hongkongais...

    (pardon pour l’absence d’accents dans ce message, mais le clavier sur lequel j’ecris n’en a pas)
    Ah, tres bonne annee du Dragon Noir, 龙年快乐!

    Répondre à ce message

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