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Librairie Utopia : "Le comics est un marché de niche en Belgique"

Par Christian MISSIA DIO le 19 septembre 2015                      Lien  
[Comme nous vous l'avions annoncé dans un précédent article de la rédaction->http://www.actuabd.com/La-rentree-BD-2015-un-tour-de], cette période de rentrée est particulièrement propice à la multiplications des festivals et autres conventions. Acteurs majeurs dans la chaîne de distribution du livre, les libraires sont souvent les représentants des éditeurs durant ces grands messes. On parle trop peu des libraires... Rencontre avec l'un d'eux.

D’un avis général, la présence dans les salons est peu rentable pour les libraires car elle les oblige souvent à fermer boutique lorsqu’ils manquent de personnel qualifié, du moins le temps de leur présence à un événement. De plus, les ventes ne sont pas forcément plus élevées que d’ordinaire, parfois même moins bonnes que prévu en ces temps de crise économique. Toutefois, les compensations en termes d’image et de publicité en valent la chandelle au vu de la généralisation de cette pratique dans le milieu de l’édition. Lors de la dernière édition de la Fête de la BD de Bruxelles , nous avons été à la rencontre de l’un de ces libraires supplétifs, il s’agit de la librairie Utopia spécialisée dans la vente de comics et de goodies.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Jamal et je travaille pour la librairie Utopia qui est située dans la rue du Midi à Bruxelles, à deux pas de la Grand Place. Nous sommes spécialisés dans les comics US, aussi bien en VF qu’en VO.

Vous êtes présents durant cette Fête de la BD en tant que représentant des éditions Panini et Urban Comics. Quel est l’intérêt pour un libraire de représenter ces éditeurs ?

Pour un libraire, il y a deux intérêts : premièrement, il s’agit de marquer son amitié envers les maisons d’éditions. Dans notre cas il s’agit d’Urban Comics et Panini avec qui nous travaillons énormément dans le domaine des versions françaises de comics.

Deuxièmement, notre présence dans des salons, des foires ou des conventions permettent à notre librairie de sortir un peu du lot parce que nous sommes dans un marché de niche et le comics, en particulier en Belgique, est une petite niche. C’est l’occasion de se montrer, montrer que l’on existe et de permettre aussi au public de découvrir que les comics ce n’est pas que des supers-héros. Il y a des auteurs intéressants, des récits dramatiques, d’action, etc. Il s’agit de montrer la diversité de ce genre de bande dessinée.

Librairie Utopia : "Le comics est un marché de niche en Belgique"

Ces dix dernières années, les supers héros de comics ont atteint un niveau de popularité rarement égalé grâce au cinéma. Se répercute-t-elle en termes de chiffre de vente de BD dans votre librairie ?

Je vais être honnête avec vous : non. Ce qui fonctionne dans les films, séries et dans les dessins animés, malheureusement, ne se retrouve pas dans le monde du comics.

La plupart des comics existent depuis les années cinquante ou soixante et il y a une continuité qui peut être difficile d’accès pour les nouveaux lecteurs. Nous nous retrouvons bien sûr avec quelques jeunes qui commencent à lire des comics mais c’est plus par passion. Ils en achètent plus par coup de cœur qu’autre chose.

À côté de cela, nous avons surtout des lecteurs âgés de trente, quarante, cinquante ans et même soixante ans, qui ont été piqué par le virus durant leur jeunesse et qui continuent à lire des comics régulièrement. Les adaptations de comics au cinémai ne sont pas toujours à la hauteur des fans les plus exigeants. Et c’est parfois difficile pour eux d’accepter cela. Mais ce qui compte, c’est que ces films, ces séries TV et ces dessins animés puissent exister. C’est déjà cela.

Que pensez-vous des initiatives de Marvel et DC Comics pour fédérer de nouveaux publics auprès de leurs catalogues, entre l’opération New 52 chez DC et une prise en compte plus grande encore de la diversité sexuelle et ethnique chez Marvel avec, par exemple, la version féminine de Thor, la nouvelle Miss Marvel qui est pakistanaise et musulmane pratiquante ou encore Miles Morales, le nouveau Spider-Man afro-latino. Ces initiatives ont-elles eu un impact auprès de votre lectorat, selon vous ?

Honnêtement pour le marché belge non, on ne voit pas vraiment d’effet. Miss Marvel, qui est au demeurant un très bon titre, très bien dessiné et très bien écrit, mais qui ne touche pas spécialement les gens, ce qui fait que nous, dans notre boutique, nous essayons de mettre ce personnage-là en avant. C’est vraiment un aspect important de notre travail : nous mettons en avant les titres, récents ou anciens, que nous jugeons excellents. Nous tentons de faire découvrir à notre public de nouveaux titres, des auteurs ou des personnages. Nous les motivons dans cette voie car c’est une excellente porte d’entrée dans l’univers des comics. Inutile aussi de préciser que les plus gros lectorats de comics se situent surtout aux États-Unis et en Grande Bretagne, c’est donc là-bas que ce genre d’initiatives de modernisation des catalogues a le plus d’impact.

Spider-Men
Miles Morales et Peter Parker.
Brian Michael Bendis & Sara Pichelli d’après l’univers créé par Stan Lee et Steve Ditko (c) Marvel Comics

Ces dernières années, nous avons assisté à une production en croissance dans le domaine de la BD. Est-ce la même chose dans le domaine des comics ? Comment gérez-vous cela au quotidien dans votre librairie ?

Et bien c’est simple : la surproduction il faut absolument la gérer, car on ne peut pas pousser les murs. Nous faisons entrer d’office toutes les nouveautés et puis après, dans nos rayons, nous gardons ce qui marche le mieux, ainsi que nos coups de cœur. Malheureusement, nous sommes obligés de mettre le reste de côté et nous travaillons sur commande pour ces titres-là. C’est la seule façon pour nous de tenir et de survivre. il faut garder une certaine logique.

Nous aimerions bien garder tous les titres mais, aujourd’hui, c’est très difficile. Il suffit de voir nos stands. Si vous regarder la partie Urban Comics, vous constaterez que nous avons réussi à mettre 70% du catalogue. Dans l’idéal, il nous aurait fallu un stand beaucoup plus grand parce qu’il y a aussi des titres comme 100 Bullets, Fables ou The Sixth Gun, qui sont d’autres excellents titres du catalogue Urban. Il y a aussi le catalogue de Dark Horse et celui d’Image Comics. Nous aimerions bien les mettre en avant mais c’est difficile.

La nouvelle Miss Marvel
Kamala Khan est la nouvelle héroïne de cette série.
G. Willow Wilson & Adrian Alphona (c) Marvel Comics

Vous êtes aussi actif sur le marché de la VO Que représente-t-il sur le territoire belge ?

Alors, la VO a diminué depuis quelques temps car Urban s’est lancé dans la course avec Panini. Certains titres ont pris beaucoup d’importance en français, que ce soit chez DC Comics ou Marvel Comics, Dark Horse et Vertigo, et même ceux qui sortent chez Image Comics tels que Walking Dead. Donc il y a beaucoup plus de traductions et elles se vendent mieux. L’autre raison, c’est le prix : les titres en VO sont bien plus chers que les traductions en français ; la différence de prix peut aller jusqu’à 10 ou 15 euros entre une VO et une VF !

La particularité de la Belgique est qu’une partie du pays est néerlandophone. Les Flamands continuent de lire en anglais car il y a peu de traductions en néerlandais. Et puis, il y a les puristes qui continuent de lire en VO car les titres sont beaucoup plus rapidement disponibles qu’en VF, avec souvent plusieurs mois d’avance et il est agréable pour eux de garder cette avance.

C’est la rentrée, période est synonyme de grosses sorties. Quels sont les titres-phares pour cette période ?

Pour les titres-phares ce n’est pas très compliqué : ceux qui sont attendus sont surtout les nouveaux Batman, en général ;car ils ont énormément de succès ! Il suffit de voir le nombre d’albums qui sortent sur ce personnage chez Urban, le Chevalier Noir est le porte-drapeau de cet éditeur.

Ce qui est aussi souvent attendu, ce sont les rééditions telles que Hellblazer/Constantine, Sandman, Swamp Thing, etc. Les lecteurs les plus endurcis et les plus vieux espèrent revoir le plus vite possible les rééditions d’Alan Moore et celles d’autres grands auteurs donc, ils sont patients.

Moi personnellement, mon coup de cœur va peut-être semblé bizarre à certaines personnes mais c’est Harley Quinn. J’étais parti en reculant mais ; au final, après lecture, je dois reconnaître que c’est vraiment très bien écrit. Le dessin est superbe, les histoires sont géniales et le personnage est très attachant au point que je suis curieux de lire le Suicide Squad grâce à elle.

Le second titre, c’est Injustice, que j’ai boudé pendant longtemps car c’est une adaptation du jeu vidéo et celui-ci ne m’avait pas plu. J’avais mis ça un peu de côté mais, aujourd’hui, je comprends pourquoi il a été n°1 aux USA et dans plusieurs autres pays du monde parce que c’est vraiment très bon. L’histoire est intelligente et le dessin de bonne qualité. La continuité de l’histoire est vraiment bien. C’est une belle surprise.

Chez Panini Comics, j’attends avec impatience le nouveau Miss Marvel parce que je trouve qu’ils ont été intelligents d’introduire enfin un nouveau personnage, en l’occurrence une jeune fille qui est pour moi une sorte de Spider-Man au féminin qui rêve d’être une super-héroïne, qui a des pouvoirs mais qui doit composer avec sa vie de famille, le côté religieux qui entre aussi en ligne de compte et sa vie secrète de Miss Marvel. Le personnage est très attachant. J’ai une fille de 12 ans à qui j’ai donné le titre et elle l’a adoré aussi.

J’aime aussi le catalogue de Panini Fusion et je salue leur initiative de sortir le catalogue Valiant qui, malgré certaines critiques, est assez qualitatif. J’espère qu’ils ne vont pas le laisser tomber. Chez Urban, des titres comme Southern Bastards, Black Science, ainsi que les albums de Fábio Moon et Gabriel Bá.

Propos recueillis par Christian Missia Dio

Voir en ligne : Librairie Utopia

(par Christian MISSIA DIO)

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En médaillon : Jamal, libraire chez Utopia.

Photos : Christian MISSIA DIO

 
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