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Lisa Kirby : « Ce "musée en ligne" contribuera à mieux faire connaître l’apport de Jack Kirby à l’industrie du comic-book »

Par François Peneaud le 18 octobre 2005                      Lien  
Lisa Kirby est la fille de l'artiste américain Jack Kirby, l'un des plus célébrés de sa profession. En partenariat avec deux autres personnes qui contribuaient déjà à faire vivre l'oeuvre de son père (que nous vous présentons dans [un autre article->2830]), elle vient de lancer un "musée en ligne" consacrée à son père. Lisa Kirby nous parle de ce projet et de l'héritage du co-créateur des Fantastic Four, des X-Men et de plein d'autres personnages et séries maintenant classiques.

Qui a eu l’idée d’un musée consacré à Jack Kirby ?

L’idée en a tout d’abord été lancée par Randolph Hoppe, un des administrateurs du musée. Des groupes de discussion sur Jack Kirby sont sur des serveurs de Randolph, qui conçoit des sites web. L’idée lui est venue pendant des conversations qu’il devrait y avoir une bibliographie en ligne des travaux de Kirby. Il avait aussi une certaine expérience en rapport avec des associations sans but lucratif, ce qui lui a donné l’idée d’un programme éducatif du même ordre. Randolph en parla en 2004 à John Morrow, l’éditeur du magazine The Jack Kirby Collector. John Morrow me contacta en 2005 avec un projet plus détaillé, pour voir si la succession Kirby pourrait être intéressée. Après avoir entendu le projet complet et la déclaration d’intention, j’ai tout de suite accepté.

Quelles ont été vos motivations ?

Pour moi, d’abord celle d’apprendre au public à connaître la personnalité de Jack Kirby et sa contribution à l’industrie de la bande dessinée américaine. Il est temps que mon père soit reconnu à sa juste valeur. J’ai pensé que c’était une possibilité intéressante, que nous pourrions toucher le grand public comme les fans de BD.
Je n’ai pas eu à réfléchir longtemps pour décider de rejoindre ce projet. Il m’a semblé immédiatement qu’il s’agissait d’une excellente idée. Je savais qu’avec l’aide de Randolph Hoppe et de John Morrow, ce projet aiderait à faire vivre l’héritage culturel de mon père.

Lisa Kirby : « Ce "musée en ligne" contribuera à mieux faire connaître l'apport de Jack Kirby à l'industrie du comic-book »
Kirby dessine des monstres (1960)

Avez-vous senti une résistance à ce projet, ou non ? Les éditeurs de Jack Kirby se sont-ils rendu utiles ?

Au contraire, il y a eu une réaction très positive de la part des fans et des éditeurs. J’ai reçu beaucoup de courriels de la part de fans, de professionnels, et d’éducateurs qui nous ont envoyé leur meilleurs vœux pour que ce projet aboutisse. J’adore lire des commentaires de gens qui racontent combien le travail de mon père a joué un rôle dans leur vie, ou comment il a influencé leur propre travail d’une façon ou d’une autre.

Vous avez parlé de la reconnaissance que mérite votre père. À votre avis, qu’a-t-il apporté de plus important au monde des comics ?

Je pense que mon père a eu une grande influence sur l’industrie du comic-book en général. Dès ses premiers travaux avec Joe Simon dans les années 40 sur le personnage de Captain America, jusqu’à l’apogée des super-héros Marvel dans les années 60. Quand je parle de « juste valeur », je veux dire qu’il n’a pas été assez reconnu comme créateur de son travail, en particulier au regard de la popularité des films de super-héros qui sortent depuis quelques années [1]. J’étais heureuse de voir le nom de mon père en bonne place au générique du film des Fantastic Four.

De façon pratique, comment ce musée va-t-il contribuer à montrer le travail de votre père aux lecteurs de BD et au public en général ?

Bien que l’influence de mon père soit bien connue des amateurs, ce n’est pas vraiment le cas du grand public. J’espère qu’avec ce musée en ligne, nous pourrons élargir la portée de son travail. Le but du musée est de promouvoir l’étude, la compréhension, la préservation et l’appréciation du travail de Jack Kirby. J’espère qu’en visitant ce site, les gens comprendront mieux qui était Jack Kirby, et ce qu’il a apporté à l’industrie du comic book..

Quels sont les premiers projets du musée ?

Tout d’abord de bâtir en collaboration un catalogue raisonné en ligne complet de l’œuvre de Jack Kirby. Nous allons aussi travailler sur d’autres présentations pour les médias, entre autres par des entretiens et des documentaires.

Prévoyez-vous un musée dans le monde réel dans l’avenir ?

Pour l’instant, nous nous concentrons principalement sur le site web, mais qui sait ce que l’avenir nous réserve...

Le musée Kirby est-il en relation avec les autres musées de comics qui existent déjà ?

Nous sommes déjà en contact avec quelques-uns des plus importants musées de comics et de cartoons, et avec des conventions. Ils nous ont beaucoup aidé. Nous espérons nous associer à eux pour une rétrospective artistique Jack Kirby, peut-être pour le début 2007.

J’aimerais parler de la façon dont votre père a été traité par ses éditeurs, et admiré par les générations d’artistes qui l’ont suivi.
Est-ce que Jack Kirby n’appréciait pas la façon dont son travail a littéralement été pillé ou est-ce qu’il considérait cela comme un hommage ?

Je pense que mon père considérait cela comme un hommage. J’ai eu une discussion à ce sujet avec Michael Thibodeaux, un ami de la famille et assistant de mon père pendant des années. Il se rappelle que mon père lui avait dit qu’il trouvait très bien fait le travail de Keith Giffen sur les Defenders. Jack respectait également le travail de John Buscema sur les Fantastic Four. Il était impressionné par sa science de l’anatomie et le découpage de ses planches.

Certains des nombreux personnages Marvel créés par Jack Kirby

Et le fait qu’il ne recevait pas d’argent des nombreuses réimpressions de son travail ? Cela lui semblait-il injuste, ou seulement la façon normale dont les choses se passaient ?

Je suis sûre qu’il en était très frustré. Surtout avec le succès de nombre des personnages Marvel.

Le problème encore plus important dans ce domaine est le fait que votre famille et vous-même n’avez rien perçu sur le récent film des Fantastic Four (personnages co-créés par Jack Kirby et Stan Lee), alors que Stan Lee a gagné une somme importante - comme avec les autres films Marvel.

Oui, je trouve cela désolant. C’est seulement récemment avec le film des Fantastic Four que le nom de Jack Kirby a été crédité au générique aux côtés celui de Stan Lee. Il semble que jusqu’à maintenant, le public ne se rendait pas compte qu’il y avait un autre homme impliqué dans la création de ces personnages. J’espère que dans l’avenir, ils continueront à placer son nom conjointement à celui de Stan dans les prochains films.

On peut sentir ici et là quelques allusions au Judaïsme, par exemple dans les New Gods. Vers la fin de sa vie, Jack Kirby semblait plus enclin à discuter en public de sa judéïté. Est-ce que son identité juive était importante pour lui, et dans quelle mesure se retrouve-t-elle dans son travail ?

C’est une question intéressante. Le Judaïsme était un facteur important de la vie privée de mon père. Il a grandi dans une famille juive très conservatrice. Je ne pense que cela ait joué un grand rôle dans son travail. Bien sûr, le personnage de Ben Grimm, The Thing [La Chose, dans les Quatre Fantastiques], était un Juif de Brooklyn.
Mon père était intéressé par toutes les religions et les mythologies. Je pense que l’ambiance générale de son travail ne suivait pas une religion spécifique, mais était d’une nature spirituelle plus universelle. Il était plus intéressé par l’Humanité comme un tout, et par la façon dont nous sommes tous reliés à l’univers. Il me semble que dans ses histoires, le Bien triomphe toujours du Mal. J’ai l’impression que cette idée lui tenait à cœur aussi dans sa vie personnelle. Il réussissait toujours à trouver le bon côté des gens.

Quelle est votre vision personnelle du travail de votre père ? Le lisiez-vous quand vous étiez jeune, ou l’avez-vous découvert plus tard ?

Quand j’étais jeune, je pensais au travail de mon père comme à un métier qu’il faisait pour gagner sa vie. Je suis sûre que d’une certaine façon, je sentais qu’il s’agissait d’une profession différente de celle de la plupart des parents de mes amis. Ce n’est que quand je suis devenue adolescente que j’ai pris conscience de la célébrité de mon père dans l’industrie des comics. En tant qu’adulte, je prends vraiment plaisir à lire ses histoires et je suis toujours frappée par son talent artistique.

(par François Peneaud)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Propos recueillis et traduits de l’anglais par François Peneaud.

Lire aussi notre article : Jack Kirby, ou le retour à la source.

[1Par exemple X-Men ou Fantastic Four NDLR.

 
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