Un grand et beau format, pour coller à l’ampleur des planches de la série originelle, du fondamental Little Nemo in Slumberland imaginé et réalisé par Windsor McCay à l’orée du XXe siècle. C’est déjà un bon parti-pris choisi par Eric Shanower et Gabriel Rodriguez, les auteurs auxquels fut confié ce projet d’un Retour à Slumberland sur quatre numéros.
Côté dessin, ce Nemo fait peau neuve : chevelure plus claire pour le héros éponyme, histoire de le différencier de son illustre ainé, et un trait plus rond, limite cartoon, bien ancré dans l’air du temps, pour l’ensemble des personnages enfantins. C’est mignon, mais assez loin de la finesse et de l’élégance de Windsor McCay.
L’histoire se situe de nos jours. La fille du Roi Morphée cherche un nouveau compagnon de jeu et jette son dévolu sur un petit James dont le deuxième prénom est Nemo. Mais celui-ci, qui n’a pas vraiment envie de jouer à la dinette avec la Princesse, après être parvenu à Slumberland, se fait rapidement embarqué par Flip dans diverses explorations du Pays des Songes.
Et de sentir poindre déjà une première, et majeure, différence avec l’œuvre d’origine, dont la narration était, du moins à ses débuts, construite autour de l’unité de la planche, alors que nous avons droit, ici, plutôt à des aventures filées sur plusieurs pages successives. Une narration qui relève, dans sa structure, davantage du comics d’aujourd’hui.
Sur le fond, l’ensemble demeure assez anecdotique et oubliable malgré quelques jolies idées ponctuelles et des intentions très claires des auteurs, entre hommage et tentatives de renouvellement. Après un premier chapitre consacré à l’arrivée de Nemo à Slumberland et reprenant l’idée des réveils violents, le deuxième investit l’imaginaire merveilleux par les biais des jardins de la Princesse tandis que le quatrième renvoie aux grands voyages quasi gullivériens de la fin des aventures du premier Nemo.
Le troisième chapitre, dédié à l’exploration de la Tour Tesselée, constitue le point d’orgue du volume . C’est dans cet épisode que quelques planches exploitent directement la question du format pour s’en emparer et y opérer une recherche graphique assez dans l’esprit du travail de Windsor McCay. En témoigne ces escaliers de Penrose, infinis donc, ces pavages ou encore ces upside down, ou palindromes graphiques.
Du côté des personnages, nous avons droit également à une (relative) modernisation de leur caractérisation. Ainsi la Princesse s’affirme davantage et Nemo résiste un peu plus peut-être. Mais si Flip demeure le roublard qu’il est, il perd rapidement son cigare au profit d’un sucre d’orge, et même si les auteurs s’amusent de cette nécessaire (?) transformation, une drôle d’impression s’en dégage, celle d’une oeuvre assagie, voire édulcorée, ce qui pour le pays des bonbons est un comble.
L’intention globale semble être de proposer aux plus jeunes une porte d’entrée moderne à l’œuvre de McCay, jugée, en comparaison, peut-être trop complexe pour les enfants. C’est en tout cas le positionnement adopté par Urban Comics, l’éditeur ayant placé le titre dans sa collection "Kids". Et, envisagé ainsi, comme une sorte d’initiation à l’univers féérique arpenté par Nemo, ce Retour à Slumberland peut apparaître comme une bonne idée.
(par Aurélien Pigeat)
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