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Livre Paris, un premier bilan (1/2) : les colères du temps

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 21 mars 2016                      Lien  
Le salon du livre de Paris, Livre Paris, a fermé ses portes hier sur une baisse de fréquentation de 15%. La scène BD a généré 27 événements en trois jours : débats, drawing shows, cosplay... Des personnalités marquantes et quelques peoples politiques ont émaillé sa programmation. Petit résumé en deux parties dont la première un peu les colères du temps.

Livre Paris, un premier bilan (1/2) : les colères du tempsDès jeudi, dans le débat Ras-le-bol du politiquement correct animé par Delphine Peras de L’Express, l’une des lignes forces de la programmation apparaissait : Résistance(s). Sur le plateau, le dessinateur iranien Kianoush Ramezani expliquait dans un phrasé posé, au français parfait ("C’est beaucoup de travail..."), à quel point il était dangereux d’être caricaturiste en Iran d’où il s’est retrouvé chassé par les mollahs, menacé de mort, d’avoir les mains brisées ou d’être embastillé pendant de longues années.

Sur l’écran défilent ses dessins, fins élégants, incisifs. Ayant quitté son pays, il a retrouvé la liberté de s’exprimer, grâce au Net sur la toile duquel il publie à partir de la Norvège. Il nous dit que notre précieuse liberté est en danger, que les mollahs qui instrumentalisent la religion pour conserver le pouvoir sont en train de gagner : nous en sommes à modérer nos propos, à nous autocensurer par le simple effet de leurs injonctions.

Bien sûr qu’il y a des caricaturistes en Iran, il y a aussi des minorités religieuses (les sunnites, même les juifs, qui ont des représentants au parlement iranien...), mais c’est au prix d’une opposition bâillonnée, muette sous peine de mort, dans un pays où un concept juridique comme "l’atteinte à la terre", qui recouvre aussi bien des délits d’opinion qu’un adultère, peut vous faire pendre.

Kianoush Ramezani, Delphine Peras, Yan Lindingre et Jean-Luc Fromental

Alors évidemment, face à cela, le politiquement correct rampant qui affecte nos rédactions, essentiellement due à une hystérisation du débat depuis l’assassinat des dessinateurs de Charlie Hebdo, rend les choses moins libres : une simple couverture de Fluide Glacial moquant les Chinois devient une affaire d’état.

Cet effet de loupe, Jean-Luc Fromental le constate. Il est le prétexte pour les tenants d’un ordre moral, jusqu’ici contenu depuis les années 1970, et qui revient en force pour essayer de régimenter les consciences. La liberté est un combat.

Réveiller les citoyens

Même constat dans le débat animé par Renaud Dely d’Arte le samedi : l’historien Pascal Ory, l’auteur de Que dit Charlie ?, 13 leçons d’histoire (Gallimard) rappelait de presse, au statut bâtard, méprisé par le monde de la BD comme par celui des journalistes, avait, lors de ce fatal jour de janvier, obtenu une reconnaissance "par le sang". Il a rappelé le rôle historique de ces journaux dans le combat pour les libertés publiques.

À ses côtés, le dessinateur syrien Hamid Sulaiman, auteur d’un ouvrage qui vient de paraître chez Arte Edition / Ca et là, Freedom Hospital et qui raconte les premiers jours de la guerre en Syrie, fait le constat que dans son pays, les citoyens sont dans une situation dramatique depuis trois ans, que les idéaux de liberté et de démocratie qui sont agités dans le confort des capitales occidentales se traduisent par des tragédies sur le terrain.

Rutu Modan, Renaud Dely, Pascal Ory, Olivier Randon et Hamid Soulaiman

L’auteure israélienne de BD Rutu Modan (Exit Wounds et La Propriété, chez Actes Sud) , couverte de récompenses (Fauves d’Angoulême, Eisner Award, Max und Moritz award...) rappelle toute la complexité de la situation au Moyen-Orient simplifiée, sinon caricaturée par les médias. La bande dessinée, par sa dimension affective, par le temps qu’elle prend à faire cheminer la réflexion, peut rendre une complexité bien nécessaire pour pallier à ces simplifications.

Quant à Olivier Ranson, le dessinateur-vedette du Parisien, toujours très drôle, répondant à la question du débat "le dessin peut-il réveiller le citoyen ?", il revendique le dessin-choc qui surprend le lecteur et qui surtout, lui donne à réfléchir. Un peu comme une étincelle qui allumerait le feu de la réflexion.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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