L’aventure d’Eliane Bar a commencé à Bruxelles il y a quelque quarante ans, dans un petit magasin de la rue de l’Hôtel des Monnaies. Une aventure de libraire qui a évolué avec l’arrivée de Cédric Wrzesinski et de sa passion pour les comics, et, plus tard, avec l’installation dans un grand espace de la rue de Tamines.
Au fil des années, le nombre de librairies consacrées exclusivement à la bande dessinée à fondu comme neige au soleil à Bruxelles. Pourquoi ? Par l’importance évidente qu’ont prise, peu à peu, les grandes surfaces d’abord, les groupes virtuels ensuite.
Mais, derrière le leurre des prix bas, derrière la sensation de facilité de commande et de choix, c’est une autre réalité qui se cache : la mise en avant de ce que des adeptes du marketing veulent rentabiliser. Le résultat, c’est une uniformisation de ce qui est vendu, selon deux axes : les titres à succès confirmés, pour leur scénariste, leur dessinateur ou leur « durée », et les titres correspondant à une mode (la BD alternative, les romans graphiques, et, plus généralement, les auteurs qui réussissent à ce qu’on parle d’eux un peu partout.) Et c’est contre ce nivellement que les libraires spécialisés, en Belgique, en France, en Navarre et en Suisse, se doivent de se battre. En proposant autre chose… En osant mettre en évidence et défendre des titres qui n’ont pas l’heur de plaire à l’intelligentsia bien en place dans certains médias.
Je le disais, Forbidden world n’a pas attendu la crise que nous connaissons pour comprendre que la vente par correspondance, au-delà du contact avec le client, devient une réalité à ne pas nier.
Cela dit, force est de reconnaître qu’il était temps d’étayer cette volonté à pouvoir, virtuellement, conseiller, tout en perfectionnant le système des commandes. Internet se doit, pour ce faire, d’être apprivoisé, d’être en relation facile avec les lecteurs, les vrais, ceux qui savent encore le plaisir qu’il y a à feuilleter un livre, à en sentir les pages crisser légèrement sous les doigts. Et là aussi, les choses semblent évoluer dans le bon sens.
Le monde de l’édition de BD a bien changé en quarante ans, à tous les niveaux.
Il vaudra un jour que l’on rende justice à tous ces libraires qui à Bruxelles, à Paris, ailleurs, ont fait de la bande dessinée plus qu’un simple objet de « consommation-jeunesse ». Parmi ces pionniers, Eliane Bar et, donc, ce magasin qui va désormais se conjuguer de deux manières différentes, l’occasion et le neuf.
Les nouveautés, chaque année (je ne parle pas du triste 2020…) sont de plus en plus pléthoriques. Plus de 5.000 nouveaux albums (nouvelles éditions comprises) voient le jour en douze mois, et les présenter tous tient de l’impossible.
Mais avec la nouvelle structure, BDweb.fr, qui se met en place dès le début du mois de janvier, gageons que c’est un choix important qui va être fait, qui va être proposé… Et le site web de ce nouveau magasin, déjà en ligne, devrait permettre à chacune, à chacun, de se balader dans un affichage des nouveautés avec facilité, le tout agrémenté de coups de cœur, de quelques avis, aussi, de quelques chroniques, sans doute, très bientôt.
En ces temps où le monde des indépendants qui consacrent leur temps à la culture voit leur situation s’étioler de plus en plus, il est réjouissant de voir qu’un magasin prend des risques, se tourne résolument vers l’avenir, propose un service de vente par correspondance qui promet d’être d’une belle efficacité. Un exemple, sans doute, à suivre, de Genève à Bruxelles, en passant par Paris et Fort de France, pour que la bande dessinée reste un art, neuvième ou pas, populaire !
Voir en ligne : le site de BDweb
(par Jacques Schraûwen)
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