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Loïc Saulin : « Dévoiler les pires travers de l’humanité sans cesser de l’aimer ! »

Par François Boudet le 10 juillet 2010                      Lien  
Loïc Saulin et Jérôme Farrugia viennent de réaliser {"À bas les hommes-pigeons !"}, un album dénonçant la société du spectacle et la recherche de boucs émissaires... Rencontre avec les auteurs.

"À bas les hommes-pigeons !" est votre premier album de bande dessinée, pouvez-vous nous en parler ?

Loïc Saulin : C’est l’histoire de deux amis, Paul et Jean, qui se révoltent contre les hommes-pigeons, ces êtres malfaisants qui seraient la cause de tous les problèmes de la société. Seulement, à vouloir annihiler ce bouc émissaire, c’est Jean qui deviendra la nouvelle tête de turc et se transformera en homme-chien. Les hommes-chiens seront chassés eux aussi, et le cycle de violence est bouclé !

Jérôme Farrugia : Notre album est une sorte de satire sociale qui verse dans l’absurde, passée au vitriol et quelque peu sous acide.

Est-ce une métaphore de nos sociétés capitalistes ou bien y-a-t-il des boucs émissaires dans toutes les sociétés ?

Loïc Saulin : Les sociétés ont malheureusement souvent besoin d’un système pour canaliser les tendances naturellement violentes des hommes. Que ce soit la désignation d’un bouc émissaire, un sacrifice aux dieux, une guerre contre le méchant pays voisin, n’importe quoi pourvu que cela solidarise le peuple et qu’il puisse se défouler unanimement et "cordialement". Dans nos "sociétés capitalistes", au contraire, j’ai plutôt l’impression que tout est fait pour désolidariser : le système médiatique fournissant un vaste panel de boucs émissaires et chacun se choisissant le sien. Ce qui a tendance à affaiblir et isoler chaque individu. Nous serions tous différents et la seule alternative qui ferait de nous des semblables serait ce modèle manufacturé du citoyen parfait, heureux et beau et riche et conforme et standardisé pour le plus grand bien de notre société.
L’idée de ces hommes-pigeons gras et laids, ainsi que le style graphique associé, me sont venus conjointement il y a trois ans. J’ai ensuite développé les grandes lignes de l’histoire et réalisé des premiers essais graphiques. Puis je suis allé voir mon ami scénariste pour étoffer tout ça, pour truffer de gags et d’expressions loufoques dont Jérôme a le secret !

Jérôme Farrugia : Je crois que là où il y a des problèmes (c’est à dire à peu près partout), on cherche toujours des fautifs ! Je ne pense pas que ce soit l’apanage de l’homo occidentalus. Mais il est vrai que nous nous sommes plus penchés sur la société que l’on connaissait le mieux, la nôtre !

Loïc Saulin : « Dévoiler les pires travers de l'humanité sans cesser de l'aimer ! »

Comment vous êtes-vous rencontrés et quelle est votre méthode de travail ?

Jérôme Farrugia Nous sommes des copains d’enfance ! Cela fait donc longtemps que l’on fait des bêtises, et dans bien des domaines. On a fait beaucoup de musique ensemble. En amphi, on inventait des proverbes débiles et des rébus tordus à base de jeux de mots et d’humour stupide.
Pour les Hommes-Pigeons", Loïc est donc arrivé un jour avec l’idée générale et une vision assez précise du début. On a commencé à en discuter de façon très informelle et les idées se sont mises à fuser ! Par la suite, nous avons gardé cette formule de brainstorming, se retrouvant de longues heures dans des cafés pour travailler sur le récit. Il faisait ensuite sa mayonnaise de dessinateur et m’envoyait des story-boards avec des intentions de dialogues ; à moi d’y mettre un peu de piquant !

Quelles sont vos influences éventuelles ? Le graphisme rappelle un peu celui de Vanoli...

Jérôme Farrugia : Pour le texte, nous nous sommes appuyés sur ce que l’on peut entendre d’incongru dans la rue, au bistrot, en faisant ses courses : un mot employé pour un sens qui n’est pas le sien. Bref, tous ces morceaux d’énormités structurées en phrases.

Loïc Saulin  : Concernant l’illustration, il y a bien sûr l’influence de Vanoli et aussi de Crécy ou Rabaté. Chez eux, il y a un peu de burlesque, tant dans le dessin que dans l’univers. Les personnages nous restent sympathiques, même les plus infâmes et les plus grossièrement caricaturés. Dévoiler les pires travers de l’humanité sans cesser de l’aimer !

Extrait d’À bas les hommes-pigeons !
© Loïc Saulin / Jérôme Farrugia / Des ronds dans l’O

Avez-vous rencontré vos lecteurs ? Quelles sont leurs réactions ?

Jérôme Farrugia : J’ai eu quelques retours de lecteurs, pour le moment très positifs ; mais bon, ce sont principalement des retours de copains ! (rires)

Loïc Saulin  : J’ai rencontré quelques futurs lecteurs lors de mes premières séances de dédicace. J’avais peur de cet instant fatidique où le dessinateur panique à l’idée de foirer son dessin tout en bredouillant, bafouillant pour finalement devenir quasi-autiste. Beaucoup de peur pour rien, car j’ai finalement appris que je pouvais dessiner, converser et même être décontracté et souriant, tout ça en même temps !

Quels sont vos projets respectifs à venir ?

Jérôme Farrugia : J’ai tourné un court métrage qui est actuellement en post-production. Loïc a d’ailleurs travaillé sur les costumes et les décors. Il y a aussi plusieurs projets d’écriture qui me trottent dans la tête mais tout ça est encore tellement brouillon que je n’ose pas en parler.

Loïc Saulin : Un autre projet de BD me turlupine depuis quelques années, basé sur un personnage absurde, là aussi : l’homme-toilettes. L’univers est toujours sur le principe des hommes-quelque chose, mais il ne sera pas question d’hommes-pigeons. J’ai aussi le projet de contribuer à sauver l’humanité et la planète. Enfin, une autre bande dessinée avec des chasseurs de zombies, pour varier les styles et les plaisirs !

Jérôme Farrugia et Loïc Saulin, deux joyeux drilles au salon Coeur du Polar, à Paris, le 13 juin 2010
© François Boudet

(par François Boudet)

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