Loustal, immuable et en perpétuel renouvellement

Les amateurs le savent : il y a dans tout dessin bien plus qu’une illustration. Le dessin propose un point de vue, un sentiment, une temporalité, une musicalité qui traduisent pour ainsi dire l’âme du dessinateur. C’est quasiment de l’ordre de la médiumnité, de la magie. Loustal, depuis les années 1980, est immédiatement reconnaissable. C’est un dessin-signature. Il fait aussi partie des dessinateurs qui gèrent le mieux la représentation du temps qui passe, la petite musique de la vie. Et de musique il est souvent question chez lui, ce n’est pas un hasard.

"Black Dog" Loustal & J.-C. Götting

© Casterman

La nostalgie s’accorde très bien avec ce mode de narration, car l’œil s’attarde sur des objets familiers qu’il reconnaît et qu’il situe dans une époque qui est souvent celle de la jeunesse du lecteur quand ce n’est pas d’avant sa naissance, c’est à dire d’une sorte de paradis perdu peuplé des héros des BD de notre enfance à ceux de films-cultes de l’histoire du cinéma. Des images qui s’impriment dans notre mémoire et qui constituent notre culture.

Or, Loustal, comme d’autres auteurs de sa génération : Yves Chaland, Serge Clerc, mais même aussi, dans des registres différents, Schuiten ou Yslaire, fait partie de ceux qui arpègent le mieux de ces jeux d’aller et venir entre le passé et le présent, qui diffusent le mieux leur "petite musique". Et quand celle-ci est jouée en duo avec un autre virtuose, comme c’est le cas de Black Dog dont le scénario est un remake de Noir, un album datant de 2012 signé Jean-Claude Götting (Ed. Barbier & Mathon), un dessinateur qui ressort de la même famille esthétique que Loustal, la chose enchante très souvent

"Black Dog" Loustal & J.-C. Götting

© Casterman

Polar et chien noirs

"Barney et la note bleue" Loustal & Ph. Paringaux - Ed. Casterman

Nous sommes dans un polar. On trouve un cadavre au doigt coupé échoué sur les rochers en bord d’océan. Plus tard, une jeune femme trouve son chien tué dans sa piscine... Le ciel est bleu, les villas superbes, les femmes sculpturales... mais le drame est là, tapi dans la matière charbonneuse du trait, prêt à bondir.... Par un habile jeu de flashbacks et un décalage ironique entre les dialogues et les récitatifs, les auteurs arrivent à imprimer leur rythme dans ce petit polar impeccable.

Ce n’est pas la première fois que les deux auteurs travaillent sur la même partition : on se souvient du très simenonien Pigalle 62-27.

Prolongeant le concert, on relit avec plaisir Barney et la note bleue, cet hommage de Loustal & Paringaux au saxophoniste Barney Wilen, un album qui scella la réputation du duo lors de sa première publication en 1987. On y retrouvait déjà le Loustal contemplatif alternant les saturations colorées avec des pages aux teintes douces et transparentes. Cette réédition est proposée avec un CD où Barney Wilen joue avec son ensemble. Une occasion de confronter la musique de cet artiste avec celle des images de Loustal

Loustal, dont les planches de Black Dog s’accrochent aux cimaises de la galerie parisienne Barbier et Mathon jusqu’au 11 juin 2016 et qui sera l’invité d’honneur des prochaines Rencontre Chaland de Nérac 2016. Nous aurons donc l’occasion de vous en reparler.

"Barney et la note bleue" Loustal & Ph. Paringaux

© Casterman