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Luc Bossé (Éditions Pow Pow) : « Les auteurs qui m’influencent le plus sont ceux qui sont près de moi. »

Par Marianne St-Jacques le 1er octobre 2012                      Lien  
Auteur de BD, blogueur et lauréat du Concours Hachette Canada ([{Le Démon du hockey}->http://www.actuabd.com/Le-Demon-du-hockey-Collectif]), Luc Bossé s’est lancé dans l’édition indépendante en 2010, mettant ainsi sur pied les Éditions Pow Pow, qui publient à la fois des auteurs québécois connus et des auteurs émergents. Un projet stimulant et rassembleur et qui permet de découvrir les différentes facettes du métier. Entrevue.

Quand la maison a-t-elle été fondée ? Qu’est-ce qui vous a poussé à fonder une maison d’édition ?

Officiellement, la maison d’édition a commencé ses activités en novembre 2010. Je me suis lancé dans l’aventure de l’édition un peu naïvement et un peu par hasard, sans connaître quoi que ce soit à l’édition. L’idée d’avoir le contrôle sur toute la chaîne de production d’un livre me plaisait bien. J’étais entouré d’auteurs de BD et Zviane m’a proposé un projet (Apnée). Entre temps, Francis Desharnais et Pierre Bouchard me proposaient aussi un projet (Motel Galactic). Avec ces auteurs de talent, ça jetait les bases de la maison d’édition.

D’où vient le nom de la maison ?

Le nom vient d’une BD que j’avais faite en fanzine, Ninja Pow Pow. Le nom est resté. J’aimais la sonorité et la simplicité du nom. Facile à retenir.

Vous n’avez toujours pas de ligne éditoriale définie. Peut-on commencer à voir une orientation particulière ? Quels sont les principes esthétiques qui motivent vos choix ?

Je ne me suis jamais vraiment arrêté à définir une ligne éditoriale précise. J’ai l’impression que la ligne éditoriale ressemble plus à mes goûts de lecture qu’autre chose. Je cherche aussi des auteurs avec lesquels j’aimerais travailler, bâtir des projets avec eux. Pour l’instant, une saveur québécoise m’attire également. Le marché de la bande dessinée francophone est saturé d’excellents livres qui viennent de l’extérieur du Québec. Je crois qu’il y a encore beaucoup de place pour la bande dessinée québécoise.

Seriez-vous prêts à publier des auteurs francophones étrangers ou des traductions, si l’occasion se présentait (un peu comme La Pastèque) ?

Pour l’instant, nous nous concentrons sur les auteurs québécois. Il y a beaucoup de talent local à explorer. Mais, il est difficile de prévoir ce qui se passera plus tard. Peut-être que nous recevrons un projet européen qui nous forcera la main à le publier. Et ce sera tant mieux !

Luc Bossé (Éditions Pow Pow) : « Les auteurs qui m'influencent le plus sont ceux qui sont près de moi. »
Le kiosque Pow Pow au Festival de la BD francophone de Québec 2012
photo © Éditions Pow Pow

Comment faire pour se tailler une place dans un petit marché comme celui-ci de la BD québécoise, un marché qui est d’ailleurs assez bien rempli depuis quelques années avec Glénat Québec, qui a une orientation un peu plus commerciale, la Pastèque, qui s’est imposée comme l’éditeur indépendant de référence, et Les 400 coups qui complètent le tout ? Comment faire pour se démarquer ?

J’ai l’impression que les Québécois associent encore beaucoup la bande dessinée à la littérature jeunesse. Dans les 10 dernières années, cette mentalité commence à changer grâce à des maisons d’édition comme La Pastèque et Mécanique générale. Des auteurs comme Michel Rabagliati ont ouvert les yeux de certains lecteurs à la BD plus « adulte ». Cela dit, avec tout le talent qui commence à émerger, je crois qu’il y a encore de la place pour la BD québécoise dans le marché ; comme le prouvent d’autres maisons d’édition émergentes qui se lancent dans l’aventure comme La Mauvaise tête, Premières lignes et Front froid.

Vous publiez des auteurs comme Michel Hellman et Sophie Bédard, deux auteurs bien connus du web, qui ont également quelques publications à leur actif – je pense notamment à Iceberg, de Michel Hellman (Colosse), qui était en nomination aux Joe Shuster Awards 2011, ou encore à Stie qu’on est pas ben, de Sophie Bédard, en collaboration avec Zviane – mais peu d’albums. Qu’est-ce qui vous attire chez ces auteurs ? Comment les avez-vous approchés ?

Ce sont pour la plupart des auteurs que je connaissais déjà personnellement. Pour Michel, je partageais un atelier avec lui. Il m’a parlé de son projet Mile End et ça m’a plu. Michel a beaucoup de talent et je suis content qu’il fasse partie de notre équipe. Sophie est une auteure à surveiller. Elle est encore très jeune et a beaucoup de potentiel. En général, Internet aide à découvrir de nouveaux talents. C’était le cas avec Samuel Cantin. Je suis tombé sur son blog Phobies des moments seuls et j’ai pris rendez-vous avec lui immédiatement. C’était un coup de cœur instantané. Il travaille déjà sur un deuxième livre pour Pow Pow.

Les auteurs de la maison, Michel Hellman, Sophie Bédard et Samuel Cantin, dans l’atelier des Éditions Pow Pow
photo © Éditions Pow Pow

Des albums comme Motel Galactic, ou encore Pain de viande avec dissonances (Zviane) sont plutôt déjantés, voire complètement absurdes ! Quels échos avez-vous eus de la part de vos lecteurs ?

Ce sont des livres plutôt « osés ». Motel Galactic peut faire peur aux non-initiés, mais une fois qu’ils plongent dans leur univers, les lecteurs aiment beaucoup. Le commentaire que j’entends le plus souvent est : « Stie que c’est cave ! ». Ce que je trouve être le meilleur commentaire. Zviane nous montre la profondeur de son imagination avec Pain de viande. Elle peut faire plusieurs styles d’histoires. Celui-ci est assez bien reçu. C’est intéressant de voir que chaque lecteur a une histoire favorite parmi les cinq du livre. Certaines histoires surprennent plus que d’autres.

Vos albums sont tous publiés sous le même format : couverture souple, noir et blanc (ou une seule couleur, dans le cas de Motel Galactic). Pensez-vous explorer d’autres formats à l’avenir ou bien s’agit-il d’un choix esthétique, voire d’une contrainte matérielle ?

L’idée initiale était d’avoir une collection cohérente graphiquement pour pouvoir être facilement repérable en librairie, d’avoir un sentiment de groupe. Avec le temps, il est certain que nous allons explorer d’autres avenues graphiques. D’ailleurs, un de nos prochains livres ne sera pas sur du carton brun.

Zviane et Sophie Bédard en dédicaces au kiosque Pow Pow, lors du Festival BD de Montréal 2012
photo © Éditions Pow Pow

L’un de vos premiers livres, Apnée, a remporté le Grand Prix de la Ville de Québec (meilleur album publié au Québec) en 2011 aux Prix Bédéis Causa (Festival de la BD francophone de Québec). Comment vivez-vous cela ? Quelle incidence cela a-t-il eu sur vos publications et sur la médiatisation de votre maison d’édition ?

C’était vraiment une belle marque de reconnaissance. Je ne sais pas s’il y a eu un impact médiatique important face à ces prix, mais c’est certain que c’est très motivant de pouvoir remporter un prix aussi tôt dans l’aventure Pow Pow. Peut-être que ça a aidé Pow Pow à avoir une crédibilité rapidement dans le milieu. Difficile à savoir. Mais de notre côté, ça nous motive à faire encore mieux.

Qui est, selon vous, le plus grand auteur québécois en ce moment ?

Ouf... Pas facile comme question. Il y en a plusieurs. Je crois que Michel Rabagliati est un des plus grands présentement, si on tient compte du fait que ses livres sont très rassembleurs et qu’il a converti plusieurs lecteurs à la BD. C’est son nom que j’entends le plus lors de festivals et événements. J’ai entendu souvent la phrase : « J’ai commencé à m’intéresser à la BD québécoise en lisant Paul. » Son impact sur le milieu de la BD québécoise est indéniable. Je le mettrais à égalité avec Marc Delafontaine et Maryse Dubuc avec leur série Les Nombrils. Ils sont probablement dans les plus grandes stars de la BD francophone présentement, et un des plus grands succès commerciaux de Dupuis. Une visite à une de leurs séances de dédicaces suffit pour s’en rendre compte.

Vous êtes éditeur mais vous êtes aussi auteur. D’ailleurs, Pow Pow publie également Yves, le roi de la cruise, que vous avez réalisé en collaboration avec Alexandre Simard. Vous êtes aussi l’un des lauréats du Concours de bande dessinée Hachette Canada 2010, avec « Devenir grand » (en collaboration avec Zviane, Le Démon du hockey, Glénat Québec). Vous avez également œuvré dans le fanzinat (notamment le fanzine Le Bob). Comment conjuguez-vous vos responsabilités d’éditeur et vos projets personnels ? Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

J’essaie de trouver un juste milieu. J’ai un mal de bras qui m’empêche de dessiner énormément, je ne peux donc pas dessiner des jours entiers. Mais c’est certain qu’il est difficile de trouver du temps. On verra si je peux maintenir la cadence. Je trouve également dommage d’avoir moins de temps pour alimenter mon blog Je travaille présentement sur Yves, fidèle à lui-même, la suite du premier tome. Lorsque Alexandre scénarisait le premier tome, il était déjà question d’une suite. Sinon, je travaille aussi sur un projet plus complet de Ninja Pow Pow. Et je travaille aussi sur le scénario d’une autre BD. Bref, j’ai des projets pour les 3 prochaines années.

Yves, le roi de la cruise, par Luc Bossé et Alexandre Simard, Éditions Pow Pow
© Éditions Pow Pow

En 2009, vous avez quitté votre emploi de designer graphique pour vous consacrer uniquement à la bande dessinée, et en particulier à votre blog. Comment avez-vous vécu cette transition ? Êtes-vous toujours aussi actif sur le web ?

J’étais dû pour un changement d’air. Le monde du graphisme me stimulait moins. Raconter des histoires me plaisait bien. Bâtir l’univers de Pow Pow était quand même assez lié avec le monde du graphisme. En fait, je devenais mon propre client. Je suis moins actif sur mon blog pour différentes raisons. Une blessure au bras me limite et les obligations face à la maison d’édition occupent du temps. Lorsque je dessine, je me consacre aux projets de Pow Pow comme Yves, fidèle à lui-même.

Comme lecteur et comme auteur, quel genre de BD vous intéresse ? Y a-t-il un auteur en particulier qui vous inspire ou vous influence ?

J’aime différents styles de BD. C’est difficile d’en nommer un seul. J’ai plusieurs auteurs que j’aime ou qui m’influencent, dont Christophe Blain, Fred, Lewis Trondheim, Frederick Peeters, Chris Ware, René Goscinny, Franquin, Winshluss... Mais ceux qui m’influencent le plus sont ceux qui sont près de moi et que je côtoie, dont Jimmy Beaulieu, Pascal Girard, Zviane, Vincent Giard pour ne nommer que ceux-là.

Luc Bossé à l’œuvre dans l’atelier des Éditions Pow Pow
photo © Éditions Pow Pow

Peut-on avoir un petit avant-goût des prochains ouvrages à paraître chez Pow Pow ?

Sophie Bédard termine présentement le deuxième tome de Glorieux printemps qui sera prêt pour novembre 2012. Plusieurs livres sont prévus pour 2013. Évidemment, il y a Yves, fidèle à lui-même. Samuel Cantin travaille sur Vil et malicieux. Zviane prépare un nouveau livre. Pierre Bouchard et Francis Desharnais complètent présentement la trilogie de Motel Galactic. D’ailleurs, on travaille sur la possibilité de faire des coffrets en bois. Ils seraient peints par Pierre Bouchard et chacun serait unique. À suivre. De son côté, Michel Hellman bosse sur un autre livre avec comme sujet le Grand Nord québécois. D’autres projets sont également en chantier. Mais c’est secret.

Pour nos lecteurs européens, vos albums sont-ils distribués en Europe ? Comment peut-on se les procurer ?

Nos albums ne sont pas distribués en Europe pour l’instant. Le marché européen est très féroce. Avec des tirages plus modestes, il est difficile de compétitionner avec les prix européens. Avec l’euro qui perd de la valeur, la tâche est encore plus compliquée. En attendant de pouvoir trouver les livres Pow Pow en Europe, on peut passer des commandes sur notre site Internet.

(par Marianne St-Jacques)

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