Après vos études à l’institut Saint-Luc, vous vous êtes orienté vers la décoration intérieure.
Oui c’est ça. Pendant une dizaine d’années, j’ai fait de la décoration. J’ai aménagé des magasins, à Bruxelles principalement. Puis, après, j’ai travaillé beaucoup pour la fameuse exposition universelle de 1958. Ensuite, je me suis lancé pour plusieurs années dans l’esthétique industrielle. Et puis, mon association ne marchant plus très bien, je me suis orienté un peu par hasard vers la BD.
Par hasard ? Ce n’était pas une vocation de jeunesse ?
Si, si ! À Saint-Luc on griffonnait déjà de petites BD. Mais ce n’était pas vraiment une vocation de jeunesse puisque j’avais 30 ans quand j’ai commencé. Il y a eu un concours de scénario dans le journal Spirou. J’ai participé à ce concours et les choses sont parties de là.
Votre première série, dans Spirou donc, s’intitulait Pony et son cheval.
J’ai commencé par faire du scénario de mini-récits, des petits livres qu’on reliait au centre du journal Spirou. J’en ai écrit une dizaine pour d’autres dessinateurs, et puis je me suis lancé dans ma propre série avec Pony et son cheval. Pony était tout simplement un petit cow-boy qui vivait au Far-west. Dans la première de ses aventures, il tentait de capturer un cheval : c’est comme ça que son histoire a commencé.
Toujours pour Spirou, vous avez créé 41 histoires courtes de Tôôôt et Puit.
Après avoir fait évoluer Pony et son cheval dans une douzaine de mini-récits, je les ai amenés au stade normal des grandes séries avec deux fois 22 planches.
Mais à l’époque il y avait Lucky Luke et on m’a dit « - Écoute, essaie de trouver autre chose parce qu’on ne va pas faire deux westerns dans Spirou ». Et j’ai réfléchi à autre chose...
C’était la grande époque de Cousteau, qui me fascinait fortement. Pourquoi ne pas faire une histoire se déroulant dans le monde sous-marin ? D’où l’idée d’un petit pêcheur qui découvre une sirène… Tôôôt et Puit étaient les héros de petites histoires de quatre, cinq ou six planches qui paraissaient régulièrement dans le journal, jusqu’au moment où je me suis dit que j’allais me lancer dans un récit au long cours.
J’ai fait deux fois 44 planches mais, curieusement, si les petites histoires plaisaient, une fois que j’ai voulu mettre le paquet, comme on dit, ça n’a plus très bien marché. Et après ces deux histoires longues j’ai arrêté, sentant que le public ne réagissait pas bien. Et j’ai fait alors quelque chose d’encore tout à fait nouveau : une histoire se déroulant dans l’Égypte ancienne, ce que personne n’avait fait à cette époque-là. Edgar P. Jacobs avait dessiné une histoire se déroulant dans l’Égypte du XXe siècle, mais moi je me suis dit que j’allais raconter une histoire se déroulant en Égypte ancienne. C’est comme ça que Papyrus a commencé.
C’était en 1974. Vous n’avez pas de lassitude à animer la série Papyrus depuis quatre décennies ?
Non pas tellement, parce qu’en définitive on se remet sans cesse en question quand on dessine une série. Chaque dessin est un petit problème qu’il faut résoudre. Cela n’a l’air de rien, mais c’est toujours comme ça que ça fonctionne. Et en plus, il y a tellement de possibilités, tellement de choses qu’on peut découvrir en Égypte ancienne, que j’ai toujours de nouvelles idées.
Il y aune grande part de réalité historique dans vos albums. Vous avez beaucoup de documentation, je suppose. Avez-vous des consultants historiques ?
J’ai commencé par avoir évidemment beaucoup de documentation : il en existe énormément sur l’Égypte, c’est un domaine dans lequel on peut trouver des tas de bouquins qui donnent beaucoup de précisions. Mais, d’autre part, quand j’ai des problèmes spécifiques, j’ai des amis égyptologues qui sont heureux de me donner les informations dont j’ai besoin.
Pouvez-vous nous parler du prochain Papyrus ?
Eh bien écoutez, le prochain Papyrus sera le dernier. En tout cas, pour moi, ce sera le dernier Papyrus. Je vais faire une histoire qui rappellera peut-être beaucoup ce que j’ai fait : on va y retrouver beaucoup de mes personnages. Mais je vais essayer de faire une fin.
Attention : Papyrus ne va pas mourir, la vie lui sera largement ouverte, mais à titre personnel, j’ai envie de faire ça. C’est un peu un scoop que je vous livre, parce que c’est très rare : la plupart du temps, les histoires s’arrêtent brusquement. Et moi, j’ai envie de lui donner une fin, mais une belle fin, sympathique.
Mais après ? La série va-t-elle continuer sans vous ou préférez-vous qu’elle s’arrête ?
Ce n’est plus mon problème. Moi j’arrêterai. Peut-être l’éditeur estimera-t-il que ça vaut la peine de continuer d’une façon ou d’une autre, ça je n’en sais rien. Moi, je m’arrêterai à la 33e aventure.
Mais le personnage vous appartient. L’éditeur ne peut pas faire de suite si vous n’êtes pas d’accord.
Il appartient en partie aussi à l’éditeur. Et si celui-ci voulait vraiment le faire, je ne serais pas contre, mais je ne pense pas que ça se fera. Vous savez, la plupart des personnages ont un temps. Il est vrai que certains –Tintin, peut-être Astérix- parviennent à transcender les siècles, mais la plupart des personnages ont un temps et après trente ans ou quarante ans –ce qui est déjà énorme dans notre société- ils s’arrêtent et il faut du nouveau, incontestablement. Je crois que c’est comme ça.
Et vous allez créer une nouvelle série, après ?
Écoutez, si je peux vous le dire, j’ai 80 ans. Alors une nouvelle série après, je ne crois pas. Mais je ferai peut-être des histoires. J’ai encore envie, j’ai des idées. Mais une nouvelle série, non, certainement pas. Mais peut-être des gags ou des choses comme cela, incontestablement, je le ferai peut-être, c’est vrai.
Propos recueillis par Marc Dacier
(par Marc Dacier)
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En médaillon : Lucien de Gieter. (c) De Gieter. DR
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