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Lucky Luke : Lonesome but rich !

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 11 décembre 2008                      Lien  
La publication conjointe des volume 1 et 2 des intégrales par Morris (Dupuis) avec la nouveauté de Gerra et Achdé met en lumière les richesses d’un personnage qui a subi bien des mésaventures depuis sa reprise.
Lucky Luke : Lonesome but rich !
Lucky Luke Intégrale T1
Ed. Dupuis

Alors que paraît le dernier opus signé Gerra et Achdé, L’homme de Washington (Lucky Comics), Dupuis entame la réédition de l’œuvre d’origine de Morris. Le moment pour redécouvrir un classique.

Quand on feuillète les premières pages du premier volume de L’Intégrale Lucky Luke 1946-1949 (Dupuis), une première évidence saute aux yeux : Morris invente un univers dédié au cinéma d’animation. Il faut dire qu’il sort à ce moment des studios belges de dessins animés CBA, où il travaillait avec Franquin, Paape et Peyo [1] . Comme ces nombreux projets d’après-guerre d’une Europe qui se reconstruit et où tout espoir est permis (qui ne rêvait d’être le « Disney européen » ?), l’affaire capote. Morris rebondit aussitôt en publiant son Lucky Luke dans Spirou (1946), un hebdomadaire publié par Dupuis, l’éditeur du Moustique pour lequel le dessinateur fait déjà des illustrations depuis deux ans. C’est parfaitement formaté : l’humour est ce que recherche Charles Dupuis pour positionner son hebdomadaire ; le western, notamment popularisé par La chevauchée fantastique de John Ford (1939), est un des genres favoris de la jeunesse à ce moment-là, idéalisé dans la pratique scoute.

Lucky Luke Intégrale T2
Ed. Dupuis

L’autre évidence est l’habileté de l’artiste. L’encreur des studios CBA sait manier le pinceau comme personne. Et même si certaines séquences montrent une maladresse narrative (il se fait même aider, dans l’une d’entre elles, la bataille dans le saloon, par un certain Jijé), artistiquement, le trait est bien au-dessus de celui de certains de ses jeunes contemporains, Franquin et Peyo inclus.

En dessins animés depuis 1971
DR Belvision

Mais la vraie maîtrise réside dans sa connaissance du sujet : Morris a habité les États-Unis entre août 1948 et décembre 1954. Sa parodie du western est fine et en parfaite intelligence avec les mœurs et l’histoire des États-Unis. C’est d’ailleurs à New York qu’il rencontre un certain René Goscinny arrivé d’Argentine. Les deux hommes ne se quitteront plus à partir du 11ème tome de la saga jusqu’à la disparition du scénariste en 1977. La qualité unique du duo est de parler en connaissance de cause, sans forcer le trait par des anachronismes tapageurs, avec élégance et professionnalisme. C’est assurément un des sommets de la bande dessinée franco-belge dont on regrette juste qu’il ne soit pas contextualisé, comme c’est le cas pour les intégrales de Spirou ou de Johan & Pirlouit par exemple.

Le tandem Goscinny-Morris finira par réaliser le rêve du jeune encreur de dessins animés. En 1971, Raymond Leblanc, le concurrent de Dupuis, produira chez Belvision, Daisy Town, réalisé par Morris, Goscinny et Pierre Tchernia. C’est le début d’une aventure qui permet à Morris d’accomplir un de ses rêves de jeunesse.

Depuis, le « Lonesome Cow Boy » n’a pour ainsi dire jamais quitté l’écran. Un film live est programmé pour le 21 octobre 2009 avec Jean Dujardin dans le rôle-titre, Michaël Youn dans celui de Billy The Kid, Daniel Prévost dans le rôle de Pat Poker et Sylvie Testud dans celui de Calamity Jane ! C’est James Huth (Brice de Nice) qui tient la caméra.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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[1Cf. "Morris, Franquin, Peyo et le dessin animé", par Philippe Capart et Erwin Dejasse. Lire notre chronique.

 
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10 Messages :
  • Lucke Luke : Lonesome but rich !
    11 décembre 2008 01:22, par Alex

    "C’est assurément un des sommets de la bande dessinée franco-belge dont on regrette juste qu’il ne soit pas contextualisé"

    Pardon, c’est moi assurémment mais je ne comprends pas cette assertion. Auriez-vous l’amabilité de préciser svp ? Merci.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 11 décembre 2008 à  09:02 :

      Certes, le mot ne figure pas (encore) au Dictionnaire de l’Académie française. Mais dans le domaine de l’Internet, il est d’usage courant.

      Je vous donne deux exemples : Spirou et Tif & Tondu publiés chez le même éditeur. L’un et l’autre comportent un appareil critique qui contextualise l’œuvre. Un peu comme je le fais dans cet article.

      Ces albums ont été conçus il y a plus de cinquante ans. Il est bon que les nouvelles générations qui connaissent Lucky Luke grâce à la télévision, comprennent le contexte dans lequel il a été créé (lendemain de la guerre, Journal de Spirou, compagnonnage avec Franquin, Paape, Peyo, Jijé, etc.).

      C’était un mot si compliqué que cela ?

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      • Répondu par Alex le 11 décembre 2008 à  12:23 :

        "C’était un mot si compliqué que cela ?"

        Non, je vous dis, c’est moi. Merci pour votre explication, c’est compris maintenant

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      • Répondu le 11 décembre 2008 à  12:37 :

        "dont on regrette juste qu’il ne soit pas contextualisé"
        ah oui, avant on disait "mis en perspective".

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      • Répondu par François Pincemi le 11 décembre 2008 à  14:10 :

        Pour moi l’avantage de ce cahier introductif est principalement l’occasion de redécouvrir des documents d’époque, restés jusqu’ici inédits en album. Couvertures de Spirou, illustrations, courrier, photos d’époque, anecdotes d’un historien des éditions Dupuis, que du bon ! J’adresse mes sincères félicitations à l’équipe en charge des Intégrales Tif et Tondu et Natacha chez Dupuis, même s’ils m’ont aimablement contraint à acheter une seconde fois les histoires que j’avais déjà dans ma bibliothèque !°). Ah, collectionite, quand tu nous tiens...

        Je n’ai pas encore vu les Lucky Luke en librairie, mais je dois dire que je ne suis guère enthousiaste devant les couvertures présentées sur le site : on dirait des vignettes panini agrandies d’un dessin animé. Faute de goût ?

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        • Répondu le 11 décembre 2008 à  15:36 :

          Je partage votre déception devant la pauvreté des couvertures et l’absence de dossier introductif. J’imagine pourtant que des bataillons de graphistes et d’éditeurs ont cogité là-dessus. C’est navrant de voir Morris, un auteur aussi talentueux, mis en lumière aussi chichement. Ça manque de travail, ça manque de passion, ça manque d’âme.

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  • Lucke Luke : Lonesome but rich !
    11 décembre 2008 10:59

    Il est marrant cet article :)
    Comment un auteur peut-il en 1946 maîtriser un sujet sur la base d’une expérience datant de 1948 ??
    Il est trop fort ce Morris !

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  • Lucke Luke : Lonesome but rich !
    11 décembre 2008 14:01

    Je me faisais une joie de me procurer ces premiers volumes mais l’absence de toute contextualisation constitue une grande deception
    j’ai eu le volume 2 en main et l’ai replacé très déçu dans le rayon

    Réedition pour moi ratée qui ne rend pas honneur au grand Morris

    Dommage

    Mike

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    • Répondu par Sergio Salma le 11 décembre 2008 à  21:22 :

      « C’est parfaitement formaté : l’humour est ce que recherche Charles Dupuis pour positionner son hebdomadaire »
      Sans lancer de polémique inutile et à propos de contextualisation, il me semble que les termes soient justement très anachroniques.

      Il y avait une candeur dans les choix qui ne relevait certainement pas de ces calculs actuels. La presse pour les jeunes, après ces années de guerre et de privations devaient sans doute baigner dans un climat d’euphorie.

      Des jeunes gens, éditeurs, auteurs , dessinateurs se rencontraient sur des projets très brouillons( pour cela il suffit de voir la formidable évolution de la série Lucky Luke) Je ne crois pas m’avancer beaucoup en imaginant que ces jeunes hommes( n’oublions pas qu’ils ont environ 20,25 ans !) se lançaient à la petite semaine dans des histoires bricolées qu’il fallait boucler à un moment ou à un autre.
      La maîtrise n’est apparue que plus tard et l’on peut voir en Goscinny un signe annonciateur, un élément essentiel dans cette conjonction de talents . Même s’il était présent bien avant l’officialisation, il va avec Morris définir pour de nombreuses années le ton qui va rester sensiblement le même jusqu’à très tard. Il va notamment ressusciter les Dalton malencrontreusement tués par Morris qui lui n’avait pas perçu le potentiel de sa propre création.

      Franquin lui-même ne fera que reprendre une série créée par un autre( qui lui-même...) , Jijé étant le spécialiste de ce genre de pratique. Quelqu’un comme Peyo aura dès ses premières planches ( très perfectibles graphiquement) un univers et une narration absolument construit. Mais lui aussi plus tard se verra doubler par ses propres créations.

      Morris au début de Lucky Luke est un auteur en devenir, il doit autant à Walt Disney qu’à Hergé .Ses premières histoires tiennent d’ailleurs plus d’un story-board qu’à un récit de bande dessinée ; il y manque presque le son.

      C’est là justement la très grande différence entre l’édition aujourd’hui et celle d’hier ( en se cantonnant dans l’école franco-belge et ces monstres sacrés ) : les rencontres se faisaient dans une atmosphère très improvisée et tout cela a conduit à d’immenses chefs-d’œuvre et à des réussites commerciales fabuleuses. Aujourd’hui, à cause de l’encombrement, la tendance est au calcul, au positionnement , aux niches éditoriales , à un asservissement au marché.
      Et les intégrales ayant un succès fou, on réédite donc tout en reprenant depuis le début. La boucle est bouclée.

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      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 décembre 2008 à  08:46 :

        Mon cher Sergio, je livre à ta réflexion cette citation :

        "Ma préoccupation, ma passion aussi, était de rechercher des caricaturistes de haute qualité. 80% d’humour, tel était notre plan. Raymond Leblanc souhaitait le contraire, il voulait davantage de séries réalistes, ce qui a été fait. Les jeunes achetaient les deux magazines. En fait, ces dispositions correspondaient totalement à nos natures respectives, sans doute."

        Qui s’exprime ainsi ? Charles Dupuis, le 7 janvier 1989 dans une interview qu’il accorda, en compagnie de Raymond Leblanc, à Éric Verhoest et à moi-même. (Les années Modeste & Pompon, Magic Strip, 1989).

        Je n’avais donc pas affirmé ces faits sans appui.

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