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Lupano (Alim le Tanneur) — (2/2 ) : « J’aime bousculer le lecteur. Celui qui n’aime pas cela doit faire l’impasse sur mes récits »

Par Charles-Louis Detournay le 8 juillet 2010               Alim le Tanneur) — (2/2 ) : « J’aime bousculer le lecteur. Celui qui n’aime pas cela doit faire l’impasse sur mes récits »" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">       Lien  
Outre [Sarkozix->10517], Wilfrid Lupano est aussi le scénariste de plusieurs séries hors normes : on pense avant tout à Alim le Tanneur, mais on retrouve son écriture typique dans Celestin Gobe-Lune et l'Ivresse des Fantômes. Il a également mis en scène un space-opéra avec des gitans : décapant !

Mis-à-part Sarkozix, votre actualité, c’est aussi l’Honneur des Tzarom : c’est un délire que de traiter des gitans dans l’espace !

J’aime beaucoup proposer au lecteur des angles d’attaque inattendus. Je suis très critique sur les divers productions actuelles prouvant que la science-fiction se répète à l’infini jusqu’à se parodier elle-même, tel Avatar. Je trouvais alors intéressant d’en rire en jouant sur un aspect plus comique. L’Honneur des Tzarom est donc plein de dérision, réel mélange de genres. D’ailleurs, j’ai un amour pour les losers et les antihéros. Pour moi, ce sont les frères Cohen qui sont les rois de ces personnages a priori sans relief et qui deviennent extraordinairement attachants. C’est donc jouissif à lire, mais plus dur à écrire, car il faut les décrire par leurs défauts, tout en arrivant à jouer de leur différence pour les rendre sympathiques.

Lupano (<i>Alim le Tanneur</i>) — (2/2 ) : « J'aime bousculer le lecteur. Celui qui n'aime pas cela doit faire l'impasse sur mes récits »
L’Honneur des Tzarom
© Lupano/Cauuet/Delcourt

Le parfait exemple est ce petit avocat totalement perdu dans le monde exubérant des gitans, mais aussi ce père romanichel dont le look vestimentaire et les habitudes caricaturent le mauvais goût.

J’apprécie ces personnes à la base très normaux et qui deviennent des héros à cause des événements dans lesquels ils sont plongés. Si le personnage est d’entrée qualifié de héros, il cesse de m’intéresser, car c’est le plus grand, le plus beau et le plus fort, il doit réussir et ce manque de perspective tue selon moi le récit. En plus, le dessin de Paul Cauuet est vraiment magnifique, très science-fiction tout en accentuant cet aspect de comique et de dérision. Cela convient fort bien à l’écriture du récit : burlesque et second degré.

Déjà la fin dans le tome 2 ?

Nous voudrions bien sûr aller plus loin. Comme nous avons une flopée de personnages principaux, et que nous voulions tout de même une première intrigue dense, le ‘46 pages’ était trop réduit, ce format étant par essence un appel à l’archétype que je dénonçais. Nous avions donc besoin de deux tomes pour jouer sur les personnages et l’intrigue. On va laisser le public décider de la suite des ces aventures. Sur le même sujet, nous avons fort envie de prolonger les aventures de Célestin-Gobe-Lune qui avait un superbe accueil critique, mais cela reste à confirmer.

Vous avez récemment conclu une autre série qui concernait un public tenace : Alim le Tanneur ! On sent que vous avez voulu tout finaliser à l’arrachée : le récit se terminait presque sur les pages de garde !

Nous avons mis tout notre cœur dans cette conclusion. Au début, je voyais cette aventure en cinq tomes, mais c’était compliqué pour Virginie Augustin de demeurer à un tel niveau graphique pendant autant de pages. Comme Kéramidas et d’autres, elle fait partie de ces dessinateurs virtuoses issus de l’animation qui en ont soupé de travailler sur des projets les intéressant moyennement pour être perdus dans la masse du générique. En se lançant en bande dessinée, ils se jettent à corps perdu dans la bataille, Virginie mettant deux ans et demi pour réaliser ce premier tome d’Alim qui est d’un résultat invraisemblable, mais la barre est alors placée si haut que c’est usant de maintenir ce niveau à cette vitesse. D’ailleurs, en général, cette bande dessinée hyper-léchée supporte un coût difficile à rentabiliser dans un marché où la vente par titre a tendance à légèrement baisser.

Vous avez donc du faire un choix dans les séquences à garder. Pas de déception ?

On doit toujours choisir ! Dans ce cas-ci, encore plus que dans d’autres, mais cela a été finalement un exercice intéressant. D’ailleurs, en le regardant avec du recul, je suis très content du récit de ce quatrième tome. C’est trash, mais ouvert à la fois. Pas mal de lecteurs avaient mal perçu ce que je voulais écrire, et pensaient à tort qu’Alim allait devenir le héros que tous attendaient. Jusqu’à la fin, je suis donc parvenu à le laisser en marge de cette position, tout en lui laissant un rôle prépondérant du récit. J’en suis très heureux. J’ai encore pas mal d’idées à exploiter dans le riche univers d’Alim, donc ce n’est pas pour autant définitivement terminé.

Les Branquignols
© Lupano/Morgann/Delcourt

Une de vos idées les plus intéressantes a été de provoquer cette avancée dans le temps entre les tomes 2 et 3

J’aime bien bousculer le lecteur ! Si c’est pour toujours resservir la même soupe, cela ne m’intéresse pas. Mais quand le lecteur découvre un récit ou une construction qu’il lui plaît, systématiquement, il en redemande. Comme un tome 1 à l’infini, avec la petite fille et la même famille et les mêmes décors. Que le lecteur le sache, ce sera toujours tout l’inverse dans mon écriture : j’aime me renouveler, provoquer des changements et des évolutions. Avant tout : surprendre le lecteur. Celui qui ne recherche pas cela et préfère une continuité plus mécanique (ce que je respecte totalement), il fera l’impasse sur mes récits.

Et justement, vos autres projets ?

Paul Salomone est en train de dessiner une trilogie qui s’intitule L’Homme qui n’aimait pas les armes à feu et dont le premier tome sortira en janvier 2011. Cela parle du deuxième amendement des États-Unis qui concerne le port des armes à feu et cela se passe en 1900. Entre le western et une vision plus moderne qui réserve beaucoup d’aspects historiques très étonnants ! Après un premier tome assez classique et western, une fois de plus, le lecteur sera surpris de voir la tournure du récit !

Aussi, pour le début 2011 et toujours chez Delcourt, je sors une nouvelle série qui se nomme les Branquignols avec Morgann, qui avait déjà dessiné l’Ivresse des fantômes : en France, dans les années trente, deux adolescents se rencontrent et font l’apprentissage de la délinquance pratiquement par choix. Cette série va donc explorer les chemins de traverse. Morgann, le dessinateur, a fait un gros travail en modifiant fort son style. Cela sera une bonne surprise pour le lecteur.

L’Homme qui n’aimait pas les armes à feu
© Lupano/Salomone/Delcourt

Enfin et plus près de nous, une dernière série sortira à la fin 2010 chez Vents d’Ouest : l’Assassin qu’elle mérite, qui sera d’ailleurs dessinée par Yannick Corboz, qui avait signé Célestin-Gobe-Lune. Une belle façon de prolonger notre collaboration.

(par Charles-Louis Detournay)

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