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Ma fille, mon enfant

Par Jacques Schraûwen le 3 février 2020                      Lien  
Un livre qui nous parle de quotidien, de « racisme ordinaire », de famille, de deuil, de tolérance. Des personnages qui se révèlent tous attachants !

Aux commandes de cet album, David Ratte. Ce cinquantenaire a à son actif, après un début de vie professionnelle loin du neuvième art, quelques séries qui, à leur manière, ne sont pas passées inaperçues. Le Voyage des Pères, par exemple, qui a remporté à Angoulème le prix international de la bd chrétienne.

Ma fille, mon enfant

Avec, aussi et surtout, l’excellente série Mamada, qui mêle à une réflexion sur la migration, la différence des cultures et l’intégration, un humour ravageur et un sens magique de la folie.

Plus qu’un dessinateur chrétien, David Ratte est un être profondément humaniste et tolérant, un de ces auteurs qui nous font croire que le bien gagne toujours contre le mal. Un auteur optimiste, mais toujours lucide !
C’est encore ce qu’il fait avec ce livre-ci sans mièvrerie mais au contraire avec une sorte d’objectivité douloureuse.

Chloé a un petit ami, Abdelaziz, dont elle est éperdument amoureuse. Seulement si son père accepte la chose avec bonheur, ce n’est pas du tout le cas de sa mère, Catherine, qui ne cache rien de ses sentiments racistes. De ses peurs, aussi, à l’égard d’une religion, l’Islam, qu’elle considère comme exclusivement terroriste.

À la maison, l’ambiance est tout sauf au beau fixe. Et c’est là que l’humour intervient, lorsque, par exemple, les parents d’Abdelaziz sont invités par les parents de Chloé. Les mots de Catherine ne sont que blessants, mais ils sont désamorcés par son mari, d’une part, par les parents d’Abdelaziz, d’autre part, qui refusent avec gentillesse d’entrer dans un jeu dont ils connaissent trop bien les tristes règles.

Ratte manie la dramaturgie avec brio. Et c’est en usant d’une ficelle presque mélodramatique qu’il transforme un « Roméo et Juliette » à la sauce franco-beur en une tragédie humaine profondément émotionnelle.

Catherine, même après ce « coup de théâtre » orchestré par le scénario de David Ratte, ne parvient pas à comprendre sa fille, à accepter que l’amour puisse dépasser les frontières de la peur et du mépris. Elle en veut à Abdelaziz pour l’échec au bac de sa fille, et elle se trouve de ce fait incapable de porter une aide à son enfant.

A partir de là, la disparition du jeune homme, David Ratte nous raconte le silence qui peut régner entre deux êtres humains, intimement proches pourtant. Et Ratte se fait l’observateur d’une famille qui n’en est plus une, qui s’étiole, dans laquelle les mots ont été trop loin. Et pourtant, il faudra bien que se brise ce silence, d’une façon ou d’une autre !

Le scénario, vous l’aurez compris, est simple, sans effet spécial. Il est humain. Il est aussi pétri de bons sentiments, et j’avoue ne pas croire totalement au personnage du père, trop gentil, trop tolérant, trop amoureux, trop paternel…

Par contre, le message nous séduit totalement, parce qu’il n’est pas traité de façon manichéenne, mais avec infiniment de pudeur, et beaucoup de tendresse. David Ratte parvient à rendre tous ses personnages vivants et sympathiques, même ceux qu’il ne fait qu’esquisser, comme les collègues de travail de Catherine. Son dessin est efficace, avec une maîtrise de traitement des visages, surtout celui de Catherine, miroir évident de ses sentiments de colère, de haine, de dépit, de peur, d’angoisse, et d’amour.

Quant aux couleurs de Mateo Ratte, elles ne cherchent à aucun moment à éblouir et, de fait, participent pleinement à la belle réussite de cet album.

(par Jacques Schraûwen)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782818969069

Ma fille, Mon enfant - par David Ratte – couleurs de Mateo Ratte – Bamboo/Grandangle - 96 pages - Sortie février 2020

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