Le deuxième tome reprend l’action peu après la fin du premier, avec une Lady Macbeth arpentant, sous couvert de la nuit, les highlands de l’Écosse à la recherche d’assassins pour anéantir ses rivaux…
Contre la volonté de son époux, elle fait assassiner Cuilén, fidèle ami du roi, et toute sa famille, "parce qu’il sait trop". Ce meurtre et celui des derniers dissidents à l’autorité de Macbeth, entachent le royaume de crimes et baignent les campagnes du sang des innocents durant les premières années de son règne. Une fois la paix établie, le roi, esclave de son épouse draconienne, décide de partir en pèlerinage afin d’expier ses péchés.
De retour après plusieurs années, l’Écosse est en proie aux dérives violentes de leur souveraine, tourmentée par sa conscience, les pénitences corporelles et les complots qu’elle suspecte dans les moindres recoins du pays. Dévasté, Macbeth l’enferme dans une église avec l’espoir que la prière puisse sauver son esprit.
C’est le point d’inflexion qui précède la destruction de son règne et de sa famille.
Durant cette longue et douloureuse descente aux enfers, le fantôme de Cuilén, viendra les accompagner et incarner la conscience tourmentée du suzerain usurpateur...
Le graphisme impeccable de Sorel combine aquarelles, lavis et encres de Chine, et construit un univers fantastique et sombre, renforçant le réalisme psychologique du drame avec une esthétique proche d’un expressionnisme décharnée et violent. Il s’appuie sur des encadrements dynamiques, souvent en diagonal, donnant parfois la sensation d’entrevoir le drame des Macbeth à travers les serrures de portes ou derrière les rideaux du château.
Revêtant le tout, les paroles adaptées des textes de Victor Hugo, donnent toute une gravité aux personnages ayant confondu l’amour avec l’ambition du pouvoir, et qui se retrouvent dépassés par les événements qu’ils ont déclenchés ainsi que leurs répercussions sanglantes.
La tragédie explore à travers ce couple les profondeurs de l’âme humaine en tissant une réflexion sur le poids de la prise de décisions prises et sur le courage de les assumer. Tout le drame du roi Macbeth réside dans ses ambitions allant au-delà de ce dont il n’a pas la hardiesse de faire. Il est capable de détruire des armées avec son épée, mais se dérobe face à la monstruosité des crimes commis en son nom, pour « garantir » sa couronne et le présupposé « salut » du royaume.
Un "héros nietzschéen" aurait sans doute accepté de faire table rase de l’ancien monde, mais Macbeth ne peut se détacher des valeurs qu’il a trahies et oscille entre deux prisons : les mains de sa femme et ses principes chevaleresques.
Malgré le haut calibre du graphisme et de la trame exposée, la fin du roi maudit est aussi lugubre que prévisible. Suivant une narration assez linéaire, le duo Sorel et Day ont délaissé les petits instants de chaleur et d’espoir qui avaient ponctué le premier tome (pour la plupart rajoutés à la trame shakespearienne) et insufflé un certain dynamisme à la narration.
Ils restent, certes, fidèles à l’original, mais la dextérité technique ne suffit pas toujours à combler le rythme lourd et sans contrecoups du scénario. Comme quoi, un peu "d’infidélités" vis-à-vis du texte primaire peut s’avérer un recours précieux dans l’adaptation dans un autre support.
Imposant et dense, ce dernier tome de la duologie clôture avec élégance l’une des plus grandes tragédies de Shakespeare, offrant aux lecteurs un voyage profond dans le cœur ténébreux des passions démesurées.
Voir en ligne : Macbeth de Shakespeare
(par Jorge Sanchez)
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Macbeth, roi d’Ecosse - Le Livre des fantômes Tome 02 - Par Thomas Day et Guillaume Sorel. Éditions Glénat. 56 pages - 16€.
La chronique "Macbeth, roi d’Écosse : une tragédie sur l’obscurité de l’âme" par Jorge Sanchez
La chronique "Serena : une Lady Macbeth aux Amériques" par Lise Lamarche
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