On le sait, la bande dessinée et la publicité sont étroitement liées. On ne compte plus les auteurs qui, venus de la publicité, ont fait évoluer le neuvième art (Vance par exemple), ceux qui ont profité de la manne publicitaire pour approfondir leur travail en BD (Trondheim, Chaland, etc.), ceux que la publicité a contacté pour leurs personnages renommés, ou les auteurs qui ont définitivement quitté la BD pour la pub.
Cette monographie centrée sur la marque Malabar permet d’étudier en détail ces relations, mais aussi de comprendre comment la publicité a permis à de jeunes (ou moins jeunes auteurs) d’améliorer leur technique graphique avant de percer. En effet, depuis leur création, les vignettes contenues dans les emballages entourant les chewing-gums Malabar ont fait l’objet d’un travail attentif de la part des publicitaires soucieux de fidéliser leur jeune clientèle. C’était le cas des albums spéciaux et histoires complètes qui faisaient évoluer le héros à la bulle rose.
Après les décalcomanies, les créatifs s’investissent dans la bande dessinée en 1977, en faisant appel à Maurice Rosy, homme à idées du Journal de Spirou récemment débarqué à Paris pour y accomplir pleinement sa carrière d’illustrateur. Après lui, beaucoup d’artistes continueront à animer l’amusant Malabar, entre autres grâce à Alain Lachartre, l’un des directeurs artistiques les plus en vue du monde publicitaire parisien, auteur d’un ouvrage de référence, Objectif Pub - La bande dessinée et la publicité (Robert Laffont / Magic-Strip, 1984) qui s’était attaché certains des plus grands noms du 9e art. La succession d’auteurs qui ont travaillé avec Malabar, est effectivement impressionnante : Albert Uderzo, Chaland, Régis Loisel, Maurice Rosy, Mic Delinx, François Avril, François Dimberton, Jean-Claude Poirier, Yannick, Olivier Taffin, Brice Goepfert et Frank Margerin parmi tant d’autres.
« Pour les grandes illustrations "Que va faire Malabar", se souvient François Avril, J’étais inspiré par Chaland bien sûr, mais aussi par Ever Meulen et Mariscal. […] Lorsque je réalisais ces dessins au pinceau, je pensais évidemment [aux personnages de] Chaland : la jeune fille ressemblait à Dina, l’héroïne et amie de Freddy Lombard, et la cour de récréation est celle du Jeune Albert. C’est véritablement de la "ligne claire". »
Baignées de nostalgie mais aussi témoins de l’histoire commune que partagent donc l’illustration et la publicité, ces rares bandes dessinées sont aujourd’hui réunies en un ouvrage de plus de 300 pages. Agrémentée de croquis et d’inédits, cette monographie est avant tout très ludique. Alain Lachartre, ancien directeur artistique de la marque mais aussi amateur éclairé de dessin, a soigneusement retrouvé tous les dessins, vignettes, albums et inédits, afin de les regrouper chronologiquement, que les auteurs soient devenus de grands maîtres, ou que ces dessins soient l’œuvre d’illustres inconnus.
Cette Histoire de Bulles plaira donc aux nostalgiques du chewing-gum, mais surtout aux amateurs de bande dessinée, de beau dessin et d’histoire de la communication publicitaire.
(par Charles-Louis Detournay)
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