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Marc-Antoine Mathieu, c’est chié !

Par Gallien Chanalet-Quercy le 4 avril 2013                      Lien  
"Récapitulons. Nous sommes donc nulle part, sans espace, sans temps... et sans histoire". Voilà qui devrait être bien ennuyeux. Mais bon, tant qu'on a un héros, on devrait s'en sortir. Comment ? Lui aussi à disparu ? Julius Corentin Acquefacques a passé le mur du temps et provoqué un décalage narratif qui l'a exclu de son récit !

Que fait-on quand l’album dont on est l’un des personnages perd son histoire et son héros ? On part à sa recherche, pas le choix, c’est un principe existentialiste simple d’abord. Voici donc que se constitue un petit groupe de cinq personnages secondaires en quête d’une raison d’être. Renouer le fil narratif de cet album sans couverture, commençant par la page 4, comme suspendu dans les limbes. Julius Corentin n’est pas loin, bien au contraire.

Il est là, il voit tout, mais personne ne l’entend ni le l’aperçoit. Il constate impuissant son absence et le groupe qui part à sa recherche, coincé dans un espace-temps qui n’existe pas. Perdu dans le "rien", la réflexion sur l’infini et l’infiniment rien, il se promène.

Marc-Antoine Mathieu, c'est chié !

Dans cet album, Marc-Antoine Mathieu ose tout : pas de couverture, pas de pages de garde, un récit qui commence à la page 4, des pages "déchirées" au cœur de l’album et dont les récits se complètent d’une page à l’autre. De prime abord, on pourrait se demander quelle mouche a bien pu piquer l’auteur de "La 2,333e dimension" et de "L’origine" ?

Où va-t-il nous emmener ? Que cherche-t-il à prouver ? Est-ce que l’éditeur n’a pas eu des soucis avec son imprimeur qui aurait mélangé les pages ?

Si ce n’était pas Marc-Antoine Mathieu, on pourrait en jurer. Mais voilà, lui ose tout, mais pas n’importe comment. Alliant son trait noir et blanc si élégant à un magnifique sens des dialogues, le scénario sur l’absence de scénario se délie comme un nœud coulant bien fait.

C’est simple, logique, efficace, plaisant. L’ensemble n’est pas sans rappeler la puissance de la réflexion d’un Albert Camus lorsqu’il écrit "Le Mythe de Sisyphe", plus encore l’autodérision philosophique du Schopenhauer de "L’Art d’avoir toujours raison". Et avec des dialogues que n’aurait pas boudés Raymond Devos, la philosophie appliqué à la Bande dessinée (et non pas "La philosophie en Bande Dessinée"), c’est simple comme un bon Marc-Antoine Mathieu qui s’avère être l’un des plus dignes héritiers de Fred, cet autre éclusier de l’imaginaire qui vient de disparaître.

La fin de l’album qu’on ne dévoilera pas est tout simplement géniale, et fait prendre un volume incroyable aux pérégrinations philosophique de nos cinq compères.

Le Kador de Binet disait "Kant, c’est chié ! ". Marc-Antoine Mathieu aussi.

(par Gallien Chanalet-Quercy)

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4 Messages :
  • Marc-Antoine Mathieu, c’est à chier
    4 avril 2013 12:10, par Zombi

    Tout oser dans le domaine purement virtuel, c’est complètement nul. S’il y a bien une occasion justifiée pour les commentateurs belges de crier au snobisme, c’est celle-là. Seulement comme c’est un biau dessin, bien chiadé, ils ne le feront pas, réservant leurs lazzis à quelque humoriste dont les traits ne sont pas tirés au cordeau.
    (Je doute que Fred se serait abaissé à des gadgets tels que ceux que vous qualifiez "d’audacieux". Je ne crois pas non plus que Fred fasse du déficit d’imagination le principe narratif de Philémon, mais plutôt un problème grave.)

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    • Répondu par Phil38 le 4 avril 2013 à  14:18 :

      Lisez-le quand même ! Cela permet d’éviter des commentaires un peu radicaux.

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  • Ah ! Le retour de MAM au meilleur de sa forme. C’est une jubilation de lire ses livres, un plaisir intense qui en appelle au cerveau sans être pour autant prise de tête ou "intellectuel" au mauvais sens du terme. Voilà bien un Auteur à part entière.

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  • Marc-Antoine Mathieu, c’est chié !
    4 avril 2013 23:48, par Pierre

    Le livre commence à la page 7. Ceci expliquant cela (mais je n’en dis pas plus !).

    Sinon côté référence (et j’aurai aimé que le rapprochement fait avec Camus et plus encore Schopenhauer soit développé, parce que je ne vois pas trop), celle de Francis Masse, cité graphiquement et remercié à la fin (?) du livre, me semble primordiale.

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