Regardez-le, regardez-le bien ce barde aux cheveux et à la barbe couleur de novembre. Il sort d’une bataille, à peine fourbu. Son visage est certes marqué comme un vieil arbre, mais il est encore aux aguets, son regard traversant le maquis de ses cheveux pour vous pénétrer de ses vrilles, Il a l’air rugueux comme cela avec ses airs de sorcier ébouriffé en retour de kabbale, mais quand il est en confiance le rire arrive dans les yeux et avec lui le verbe moqueur, de cet accent un peu traînant si caractéristique du Borinage. Il n’y a pas l’once d’une méchanceté dans ce rire qui secoue ses phrases à chaque instant, mais on sent que sans lui, le combat serait bien plus rude.
Comment, vous ne voyez pas Wasterlain en guerrier, lui qu’on dit « poète » ? Un bref retour sur son parcours indique pourtant ses faits d’armes : Après des débuts chez Attanasio, il est adoubé par Peyo, chez qui il travaille en binôme avec Walthéry, son alter ego, et où il croise Franquin, absolument admiratif de son travail. Un détour par la SF avec l’aide d’un rouquin barbu, réacteur en chef et expert en « biestries internationales », nommons-le : Yvan Delporte. Les aventures spatiales mettent le jeune dessinateur sur orbite, on le remarque enfin.
Excalibur
Greg, rédacteur en chef et fin stratège, le pousse à créer un premier facteur de merveilleux au nom transparent : Monsieur Bonhomme. Le combat commence. Il est question de nature vengeresse et de poteaux tapeurs, la série est un havre de surréalisme dans un journal de plus en plus réaliste. Mais un premier dragon de l’édition chassa son protecteur.
Le troubadour reprit sa route et trouva refuge en un autre castel, du côté de Marcinelle. Il est vrai qu’il y est protégé par deux enchanteurs : Peyo et Franquin qui reconnaissent en ce jeune prodige celui qui sauvera la bande dessinée belge de son Excalibur Sergent-Major.
Hélas, en dépit de combats mémorables et de magnifiques sortilèges qui ont pour nom Docteur Poche et Jeannette Pointu, les dragons gris du commerce reprirent le dessus. Ses protecteurs sombrèrent, qui dans les idées noires, qui dans le commerce avec des pays lointains. Les temps devinrent durs pour le paladin qui dut sa survie à la protection de la valeureuse maison Bayard de France.
Mais le propre de la magie, c’est qu’elle est éternelle. Dans le premier volume de l’Intégrale du Docteur Poche, les éditeurs ont publié un court récit de huit pages qui résume parfaitement l’auteur. Il s’intitule « Le Jour des fleurs » : d’un air de basson monsieur Kroll balaye l’hiver et transforme la grise ville en une île verdoyante. On fait donner l’armée pour annihiler cet importun, mais les canons crachèrent de colorés pétales. On tenta de s’en saisir mais il disparut, laissant la ville dans le froid, jusqu’à son prochain et hypothétique retour.
Wasterlain est revenu. Il a apporté avec lui un bouquet d’une incroyable fraîcheur : Les Pixels (Mosquito). Trois enfants déguisés en grooms vendeurs de fast-food (on se demande vraiment à quoi cela fait allusion…) partent visiter l’Afrique et ses Pygmées pour financer leur groupe gothique rock. Mais un monstre à trois yeux, le Bila, leur fait barrage et mille péripéties leur arrivent, joyeusement bouffonnes.
Ne laissez pas passer ces merveilles, elles vous réchaufferont au prochain hiver.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lire l’interview de Marc Wasterlain par Morgan di Salvia sur Actua BD
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