Deux ans avant son suicide, Marilyn Monroe est encore en tournage mais se noie inexorablement dans la mélancolie. Gavée de médicaments, et accro à la psychanalyse, elle commence une thérapie avec Ralph Greenson, un ponte de la méthode freudienne en Californie. C’est son récit romancé qu’illustre Louison, inspirée par le livre de Michel Schneider [1].
Cet album baignant dans un bleu cafardeux, qui prend de la place au noir et blanc du récit, prend aux tripes. On y découvre une actrice épuisée, à la fois lucide et résignée, qui se débat dans le milieu d’Hollywood qui l’a faite, et qui l’a détruite. Elle est de toutes les pages, débordant de sensualité lasse, de boucles blondes, de regards profonds et noyés dans la détresse, et de formes qui semblent l’encombrer, lovée dans le canapé du psy, semblant fuir la lumière en se recroquevillant régulièrement. Une femme qui évoque ses retards constants par ces mots : "être en retard, c’est s’assurer qu’on peut pas être remplacé, et que les autres vous attendent. Vous et personne d’autre..."
Les cinéphiles parmi vous n’ignorent rien des clichés totalement erroné qui ont jalonné son parcours : elle n’était ni sotte ni inculte, et possédait un humour décapant. Marilyn avait simplement accepté ce rôle-là, faute de mieux, d’autant que ses vraies histoires d’amour ont été peu nombreuses et toutes des échecs...
La force du récit, au trait vigoureux et ouaté, tient dans ce portrait sensible, précis, qui accompagne avec tendresse la décente aux enfers de la star. Au milieu de ce désespoir tenace, le psy tient le choc, et parvient à rester professionnel, avec quelques entorses : une quasi adoption informelle dans sa propre famille, avec femme et enfants, et sans jamais tomber dans le piège de la séduction. Car là résidait le profond traumatisme de Marilyn : une mère absente, l’impression de ne pas avoir été aimée...
Le regard plein d’empathie de l’autrice garde toute sa place au personnage du Dr Greenson, qui apporte à l’album autant d’intérêt pour sa force de portrait que pour une plongée totalement réaliste dans la cure psychanalytique. Et on peut ajouter à ces réussites les sorties acides de Marilyn sur les hommes et le système du cinéma américain. Qui ne connaîtra jamais d’autre Marilyn, mais qui a détruit bien des candidates depuis.
(par David TAUGIS)
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Marilyn, de l’autre côté du miroir - Par Christian de Metter
Le portrait fantasmé de Marilyn Monroe
[1] paru en 2006 et lauréat du prix interallié. L’auteur est décédé en juillet 2022