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Maruta 454 - Par Laquerre et Pastor - Xiao Pan

Par Thierry Lemaire le 25 novembre 2010                      Lien  
Maruta 454 ne propose rien de moins qu’une plongée dans l’enfer d’un camp d’expérimentation japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. L’histoire poignante des seuls rescapés de toute la guerre qui sont parvenus à fuir le cauchemar.

L’armée impériale japonaise n’a pas grand-chose à envier aux troupes nazies. Si l’on parle idéologie, nombre de morts, vision délirante, bien difficile de départager deux forces qui ont mis le monde à feu et à sang pendant le deuxième quart du vingtième siècle. On aurait peut-être pu penser que les émules d’Hitler avaient une petite longueur d’avance en la personne du trop célèbre docteur Mengele.

Mais cette idée fausse est due à la relative ignorance des Européens du déroulement de la Seconde Guerre mondiale en Asie. Le journaliste Paul-Yanic Laquerre, spécialiste du front asiatique pour un magazine sur le second conflit mondial, rappelle à notre bon souvenir d’Occidentaux qu’un certain Shiro Ishii, médecin dans l’armée d’Hiro Hito, a été tout aussi ignoble que son collègue allemand. Et c’est la Chine qui a servi de lieu d’expérimentations chimiques et biologiques pour les unités japonaises. Par les bombardements ou le déversement de produits mortels dans les rivières, mais aussi par la construction de camps où des cobayes humains (maruta en japonais) subissaient toutes sortes d’expériences en vue d’améliorer ces armes interdites par tous les accords internationaux.

Maruta 454 - Par Laquerre et Pastor - Xiao Pan

Une trentaine de ces camps ont été construits dans tout l’Extrême-Orient conquis par les Japonais, où les « recherches » du « Docteur » Ishii ont pu être développées en toute tranquillité. L’espérance de vie n’y était pas supérieure à un mois et les historiens estiment à 20 000 le nombre de maruta qui ont succombés au traitement qui leur était infligé. Il n’y eut aucun survivant. Ou presque. Car, à l’image de certains camps d’extermination européens, les maruta d’une unité se sont révoltés. Et douze d’entre eux ont pu fuir l’enfer qui leur était promis. Les seuls rescapés de l’ensemble des camps pendant leurs 15 années d’activité.

C’est cette histoire que raconte Paul-Yanic Laquerre. À partir du témoignage de l’un d’entre eux, Ziyang (matricule 454), il entre dans la peau de ces maruta pour exprimer l’innommable. Ni sentimentalisme ni mise en scène, simplement des hommes perdus dans un cauchemar, qui tâtonnent pour sauver leur vie. Le scénario, même s’il comble les trous de cette histoire parcellaire, n’use pas d’artifices pour muscler le récit. Il ne déborde pas non plus d’informations sur le contexte ou les forces en présence, elles sont suggérées. Ce n’est pas à proprement parlé un documentaire sur ces camps, c’est le destin de deux hommes, pris dans la tourmente. Pour autant, on ressort de cette lecture riche de tout un pan de l’histoire qui atteint difficilement l’Europe.

Le dessin du Chinois Pastor, presque esquissé, participe au sentiment d’oppression qui prend le lecteur à la gorge. Les personnages se ressemblent, se confondent, soulignant la déshumanisation voulue par les bourreaux. Les nuits bleues profondes, le gris des camps, les effets de matières sur les aplats, tout concourt à dramatiser un peu plus la narration, à donner à ce témoignage poignant une dimension supplémentaire.

(par Thierry Lemaire)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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