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Méga 1/3 - Par Salvador Sanz - Éd. iLatina

Par Thomas FIGUERES le 30 novembre 2022                      Lien  
Dernier album en date de la collection Grandes Autores des Éditions iLatina, le premier volume de "Méga", série fantastico-horrifique du dessinateur argentin Salvador Sanz, a débarqué en librairie avec fracas le 08 juillet de cette année. Revisitant avec brio le mythe du kaiju, l'auteur argentin livre un début d'intrigue réussit.

Un gâteau de la forme d’un continent, un couteau pas moins intrigant et une transition aussi maligne que réussie : l’Antarctique (rien que ça !) se fissure. Dès les premières planches, Salvador Sanz pose les bases d’un récit dont le gigantisme sera l’un des moteurs principaux.

Méga 1/3 - Par Salvador Sanz - Éd. iLatina
© Éditions iLatina

Montevideo, capitale uruguayenne est ravagée par un monstre sorti des mers renommé Salamandre par la presse. Alors que les autorités et l’armée semblent bien impuissantes face à la catastrophe en cours, une jeune fille dont le grand-père explorateur a disparu il y a peu, parvient par l’intermédiaire de ses rêves à appeler Méga à l’aide. Deux créatures destructrices valent-elles mieux qu’une quand la survie de l’espèce humaine est en jeu ?

À la façon des kaijus japonais, du très américain King Kong, de Godzilla, ou encore du mythe de la Terre creuse abritant mammouths, dinosaures, et autres espèces éteintes depuis longtemps (notamment repris par Darwyn Cooke dans son iconique The New frontier), l’existence d’êtres gigantesques aux mains desquels l’Homme ne pourrait survivre a infusé de nombreuses cultures. Que ce soit au cinéma avec la saga Pacific Rim de Guillermo del Toro, ou en manga avec le Kaiju n°8 de Naoya Matsumoto, loin de s’essouffler, le genre continue d’inspirer les artistes et fascine les spectateurs/lecteurs.

© Éditions iLatina

Si certains auteurs, à l’instar de H.P. Lovecraft – dont l’artiste a illustré les nouvelles pour le compte d’un éditeur argentin – bâtissent des cosmogonies inimaginables par nos psychés par trop étriquées et s’en servent pour bâtir de toute pièce un sentiment d’effroi, d’autres à la façon de Salvador Sanz choisissent de représenter ces êtres hors-normes.

Ce choix est bien évidemment plus accessible dès lors que la narration développée repose sur un support visuel tel que le cinéma ou la bande dessinée. D’évidentes similitudes apparaissent alors entre les 7e et 9e art, notamment dans les cadrages. L’artiste argentin multiplie les plans panoramiques pour saisir la grandeur de Méga et son antagoniste avant de couper le souffle du lecteur avec des pleines pages grandioses.

Les couleurs sont savamment utilisées, les jeux de lumières parfaitement placés, le tout amené par un dessin précis et organique. Ce dernier aspect du travail de Sanz, qui n’est pas sans rappeler Richard Corben ou Igor Kordey, favorise l’implication du lecteur en rendant ces monstres gigantesques palpables. Cette sensation est probablement renforcée par le caractère minéral de la Salamandre et Méga, êtres abyssaux ayant reposé dans les tréfonds de notre planète.

Ce parti-pris de l’artiste dans le design de ses personnages génère, de prime abord, un sentiment de malaise chez le lecteur. Nous pourrions même parler de sidération face à l’impuissance des humains qui, du fait de l’absence de visage des deux êtres primaux, ne sont pas même considérés et restent cantonnés au rang de simples « dégâts collatéraux » d’une lutte à mort les dépassant.

© Éditions iLatina

C’est pourtant bien la fascination pour la profusion de détails des pleines pages qui l’emporte finalement. Cette façon qu’a l’auteur de capter l’attention de son lecteur se ressent aussi dans la rythmique qu’il impose à son récit. Si nous évoquions plus haut en les saluant les transitions mises en œuvre ou les enchaînements entre plans panoramiques et pleines pages, Méga n’est pas pour autant un album syncopé. Son rythme est volontairement ralenti.

Ce qui pourrait sembler paradoxal pour une bande dessinée de genre atteignant son acmé au cours de scènes de combat mémorables est le véritable tour de force scénaristique de l’auteur. Par son découpage, il parvient à transmettre la lourdeur des êtres représentés et la puissance des coups portés, tout en nous rappelant à la petitesse de notre condition humaine face à l’affrontement cataclysmique se jouant sous nos yeux.

En reprenant les canons des récits de monstres géants, Salvador Sanz parvient à se démarquer du reste de la production grâce à un récit efficace et une virtuosité graphique rare. Son format, les sujets traités et la pudeur qu’il emploie lorsqu’il représente la violence en font un album accessible à un lectorat extrêmement large, qu’un lecteur de bande dessinée franco-belge partagera avec un amateur de mangas. Avis aux amateurs du genre, voici un premier tome prometteur que nous vous recommandons chaudement !

(par Thomas FIGUERES)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782491042301

Méga T. 1 - Par Salvador Sanz - traduction : Thomas Dassance - Éditions iLatina- collection Grandes autores - 104 pages - sortie le 08 juillet 2022 - 22 euros.

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