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Métal Hurlant N°6 : Les Métamorphoses métalliques

Par Louis GROULT le 7 mars 2023                      Lien  
L'aventure continue pour la nouvelle mouture de Métal Hurlant, dont la double mission est de conserver le patrimoine de la bande dessinée et de faire office de pépinière de nouveaux talents. Avec ce numéro, on se plonge une nouvelle fois dans les archives de ce magazine légendaire.

Métal Hurlant a toujours été un savant mélange de bande dessinée et de parties rédactionnelles. Ce numéro six perpétue cette tendance et nous propose plusieurs articles de fond passionnants. On a eu les débuts de l’aventure dans les numéros deux et quatre, mais ici on évoque aussi les difficultés du magazine qui a malgré tout survécu. De par sa formule, son organisation ou son combat contre la censure — qui sera le sujet d’un article, Métal Hurlant a toujours eu des problèmes financiers. C’est Serge Clerc qui en parle dans une interview très bien menée par Jerry Frissen. Il use même de l’image du Titanic pour évoquer le destin de la revue. Serge Clerc est à l’honneur car c’est l’un des auteurs qui a été façonnés par l’esprit Métal. Il raconte d’ailleurs son expérience dans la bande dessinée Le Journal. C’est dans cette revue qu’il a fait ses premiers pas alors qu’il était très jeune.

Un autre personnage de l’aventure est aussi beaucoup mis en avant dans ce numéro. C’est Philippe Manœuvre, rédacteur chez Rock and Folk, qui a tenu avec Dionnet les rênes de la revue. Il a apporté le côté rock à la rédaction de Métal Hurlant. Il y a beaucoup de noms dans les textes de ce numéro mais chacun raconte un pan d’histoire de la bande dessinée.

Enfin, Nicolas Labarre, maître de conférence en civilisation américaine à l’université de Bordeaux Montaigne, nous parle de Heavy Metal, la version américaine de Métal Hurlant, qui finira par prendre son indépendance. L’évocation de cette seconde revue permet de parler de l’influence de Métal sur la pop culture américaine, de Marvel au cinéma de science-fiction. En voyant cette influence, on peut se poser une question qui est au cœur de ce numéro : est-ce que Métal est un simple magazine ou un véritable mouvement artistique ?

Pour la partie bande dessinée, on a toujours un mélange entre auteurs devenus cultes (Moebius, Druillet, Caza) et auteurs-météores comme Didier Eberoni, Claude Lacroix ou Kent Hutchinson, que l’on prend plaisir à redécouvrir. Les histoires choisies sont toutes de qualité, mais quatre ont particulièrement retenu l’attention de l’équipe d’ActuaBD.

La première s’intitule L’Esclavage c’est la liberté. Elle est écrite et dessinée par Chantal Montellier, une autrice qui a apporté à Métal Hurlant un propos féministe et progressiste. Cette histoire peut désarçonner par sa forme. Il s’agit d’une suite de pleines pages qui reprennent chacune un article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Sauf que chacun de ces articles est inversé. L’autrice nous dépeint alors une dystopie, mais elle nous tend surtout un miroir pour observer notre monde, comme le fait souvent la bonne science-fiction. C’est une histoire totalement différente du style Métal, qui prouve que ce magazine pouvait tout publier.

Métal Hurlant N°6 : Les Métamorphoses métalliques

La deuxième est pour les amateurs de dessin. Il s’agit de Gail de Philippe Druillet. L’histoire est assez classique, mais elle contient deux des plus belles planches de Druillet, l’intérieur et l’extérieur de l’île des morts. Ces deux doubles pages sont inspirées par le tableau d’Arnold Böcklin. Druillet a redessiné l’île et en a aussi imaginé l’intérieur. On reconnaît là le travail d’un artiste qui a toujours cette volonté d’adapter des mythes à son univers mais veut aussi aller plus loin que ses modèles. On comprend également que l’inspiration des auteurs de Métal est multiple : peinture, musique, littérature, etc. Les deux planches étaient d’ailleurs présentes à l’exposition Philippe Druillet au musée d’Angoulême lors de la dernière édition du festival.

La troisième est une histoire de Caza qui s’intitule Sanguine. Elle est intéressante car elle nous rappelle que dans Métal Hurlant, on avait le droit de faire des BD qui ne soient pas narratives. Caza nous offre un poème graphique qui conserve encore son mystère presque cinquante ans après sa publication.

Enfin, Le Tailleur de brume, l’histoire qui clôture l’album, est sûrement l’une des plus intrigantes. Elle est scénarisée et dessinée par les frères Schuiten. Elle reprend un topos de la création artistique : la muse. Topos qu’elle critique en montrant que souvent cette muse nous éloigne du réel, et que l’on finit par aimer l’image que l’on a créée plutôt que l’être aimé. C’est en quelque sorte le mythe de Pygmalion mais repris à la sauce Métal. Cette histoire est sublimée par le dessin de Schuiten et par son génie pour la création d’univers et d’architecture étonnants.

Cette nouvelle version de Métal Hurlant continue au fil des numéros à s’imposer comme une revue importante du paysage de la bande dessinée contemporaine. Par son dialogue entre les années 1970/80 et aujourd’hui, l’équipe du magazine propose une nouvelle bande dessinée consciente de son héritage, et c’est passionnant.

(par Louis GROULT)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782731668087

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