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Michael Chabon : « Aux États-Unis, les scénaristes de BD sont obligés de faire autre chose pour survivre, leur métier ne paie pas assez »

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 27 janvier 2009                      Lien  
Son roman Les Extraordinaires Aventures de Kavalier & Clay (Robert Laffont, collection 10/18) a remporté le Prix Pulitzer, la plus haute distinction littéraire américaine. Il mettait en scène quelques grandes figures de l’histoire des comic books. À l’occasion de la parution de son dernier livre, Le Club des policiers yiddish (Robert Laffont), nous l’avons rencontré pour vous.
Michael Chabon : « Aux États-Unis, les scénaristes de BD sont obligés de faire autre chose pour survivre, leur métier ne paie pas assez »
Les extraordinaires aventures de Kavalier & Clay
En poche, chez 10/18

C’était quand même gonflé d’écrire un roman, Les Extraordinaires Aventures de Kavalier & Clay, avec un sujet aussi méprisé aux États-Unis que le comic book

C’était plutôt une folie, je crois. Une chose pas vraiment évidente. Quand j’écrivais ce livre, les gens me demandaient de quoi il s’agissait. Quand je commençais à expliquer que c’était l’histoire d’un jeune Juif new-yorkais qui créait des personnages de bandes dessinées, les gens roulaient des yeux et ne trouvaient pas ça tellement intéressant. J’ai eu peur que personne ne lise mon livre.

Il a été au contraire extrêmement bien reçu. Pour quelle raison, selon vous ? La découverte que la plupart des grands auteurs de comics étaient juifs ?

Il y avait de cela, je crois. Je n’étais pas le premier à révéler cela, Jules Feiffer l’avait fait bien avant moi, mais j’ai dramatisé la chose, ce qui a favorisé cette découverte auprès de certains.

Une partie de votre travail a été de rencontrer les grands acteurs de l’aventure du comic-book ?

J’ai essayé, mais je connaissais peu de monde en définitive. Et, à cette époque, c’était difficile de les approcher bien qu’à ce moment-là, il en existait davantage que maintenant. Je connaissais un scénariste à Hollywood, grand collectionneur de comic books, qui m’a fait rencontrer Marv Wolfman, éditeur chez DC comics et Marvel, lequel m’a fait rencontrer Gil Kane, puis Will Eisner et Stan Lee. Dans des conventions, j’en ai approché quelques autres pour discuter avec eux. Ils ne savaient pas du tout qui j’étais.

Vous avez reçu pour ce roman le Prix Pulitzer. Cela vous a surpris ?

Totalement. Le Pulitzer n’a pas de short list. Il n’y a pas de suspense. On sait qui est le gagnant seulement quand il est proclamé. On a reçu un coup de fil de Associated Press. C’est ma femme qui a répondu au téléphone. Elle était enceinte de huit mois. J’étais dans le jardin, hors de la maison. J’ai soudain entendu des cris terribles. Je pensais qu’elle allait accoucher. Et non, c’était un cri de joie.

Michael Chabon à Paris
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

C’est votre notoriété sur « Kavalier & Clay » qui vous fait passer scénariste à Hollywood, notamment sur Spider-Man 2 ?

Clairement oui. La femme de Sam Raimi, le réalisateur, avait lu le roman et l’a passé à son mari. Il l’a lu au moment où il devait changer de scénariste.

C’est un travail très différent que celui de romancier..

Oui. On n’a que du dialogue et une description de l’action. C’est tout. On n’a pas à s’encombrer d’ambiance, d’états d’âme, etc.

C’est le travail du réalisateur

Oui, exactement. C’est difficile à faire. Cela tient de l’exercice des mots croisés. Et puis surtout, travailler avec les autres, beaucoup d’autres, c’est vraiment autre chose.

Les Maîtres de l’évasion (Ed. Delcourt)
Le prsonnage a été créé par le héros de Michael Chabon

Vous avez également été scénariste de comics à la suite de cette histoire.

Oui, Dark Horse comics m’a approché pour faire cela. Leur idée a été de réaliser des comics inspirés de ceux que créait mon personnage. J’ai juste écrit quelques scénarios dans cette anthologie qui compte beaucoup de scénaristes fameux, comme Marv Wolfman. C’est aussi différent que d’écrire un livre ou un scénario de film. C’est plus proche du cinéma, sauf qu’il faut concevoir cette fois la mise en scène. C’est très difficile et j’ai adoré faire cela. Pour moi, c’est moins naturel que d’écrire un roman.

Cela ne vous tente pas de vous investir là-dedans ?

J’ai quatre enfants à nourrir et cela ne paie pas assez, cela ne vaut pas le temps que j’y passerais. (Rires) Aux États-Unis, les scénaristes de BD sont obligés de faire autre chose pour survivre, leur métier ne paie pas assez.

Kavalier & Clay devait être un film. Vous avez travaillé dessus longtemps. C’est au frigo en ce moment ?

Exactement. Les frères Coen travaillent en revanche sur mon dernier livre, Le Club des policiers yiddish, et là, j’ai décidé de ne pas m’impliquer : Ils sont très bons, ils n’ont pas vraiment besoin de moi !

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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