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Michel Plessix 2/2 ("Le Vent dans les sables") : "Un conte traditionnel s’adresse à chaque âge en même temps."

Par Thierry Lemaire le 20 juillet 2013                      Lien  
Suite et fin de l'entretien avec Michel Plessix. Nous nous attardons cette fois son adaptation du roman de Kenneth Grahame, {Le Vent dans les saules}, suivie d'un second cycle, {Le Vent dans les sables}. Penchons-nous donc sur Rat, Taupe et l’inénarrable Crapaud.

Le passage au Vent dans les saules, c’est un changement radical.

C’est un retour aux sources pour moi. Un retour à ce que j’aime vraiment, c’est-à-dire un univers graphique plutôt humoristique sur les personnages. Un travail sur les humains et les animaux, c’est ce que j’ai toujours fait. Mes premières BD, quand j’avais six ans, c’était des adaptations de Fables de La Fontaine. J’y ajoutais des prologues ou des épilogues. Je me suis rendu compte après coup qu’à 35 ans, j’étais en train de refaire, en beaucoup mieux, ce que je faisais à six ans. C’est très étrange. On n’échappe pas à qui on est.

C’était cette motivation qui sous-tendait Le Vent dans les saules.

Oui, et puis j’avais envie d’un peu plus de légèreté. Boisvert, plus ça allait et plus ça devenait dramatique. Le personnage était souvent en colère. Et moi, pour rendre vivant le personnage, je me fonds vraiment en lui. Quand je faisais Boisvert, j’étais de plus en plus comme lui. Donc en colère, pas bien. J’avais envie de retrouver plus de légèreté, comme les personnages du Vent dans les saules.

Et pourquoi avoir choisi particulièrement ce roman-là ?

C’est un ami que je connais depuis très longtemps, Loïc Jouannigot, qui fait La Famille Passiflore, qui m’avait fait découvrir ce roman. J’ai tout de suite flashé dessus. Il y avait tout ce que j’avais toujours eu envie de mettre dans une histoire. Le rapport à la nature, l’amitié, des personnages forts, pas forcément des grandes aventures mais un regard contemplatif. Une très belle écriture aussi dans le roman. Mais je n’avais pas pensé à l’adapter tout de suite en BD.

J’ai lu le roman alors que j’étais en train de faire le quatrième Boisvert. Et sur les marges d’une planche de cet album, je m’étais amusé à dessiner un rat, une taupe, un crapaud, comme ça, pour fixer un peu mon imaginaire. Sans penser à une adaptation. C’était juste pour m’amuser. Passe chez moi un ami anglais qui tombe sur la planche et qui reconnaît les personnages du roman de son enfance. Presque tous les petits Anglais ont lu The Wind in the Willows, comme tous les petits Français ont lu Le petit Prince. C’est un roman qui, de l’autre côté de la Manche, est très très connu. Mais peu connu hélas en France. Donc, cet ami anglais me dit « c’est Mole, Rat et Toad. J’aime bien comment tu les fais. Si un jour, tu as envie d’adapter ce roman en bande dessinée, tu as l’aval d’un ancien petit Anglais qui rêvait là-dessus ! ». Et là, ça a été le déclic.

Parce que, parallèlement, avec Delcourt on parlait depuis pas mal de temps de la bande dessinée jeunesse, qui était un peu oubliée des éditeurs et des auteurs. Suite à nos réflexions communes, Guy a décidé de lancer sa collection jeunesse. Et moi j’arrive avec ce projet-là de mon côté. Ça collait. C’était le bon moment...

Michel Plessix 2/2 ("Le Vent dans les sables") : "Un conte traditionnel s'adresse à chaque âge en même temps."
La couverture du tome 1 du Vent dans les saules. So british !

Pour le premier cycle en tout cas, c’est une adaptation plutôt fidèle.

J’ai essayé de respecter l’esprit du roman, la trame de l’histoire. Par contre, j’ai complètement réécrit avec mes mots. Et j’ai mis de côté un chapitre, qui m’a servi de point de départ pour le second cycle.

Vous n’avez pas eu envie dès le départ d’une adaptation beaucoup plus libre, comme dans le second cycle ?

Le roman était peu connu à l’époque en France, donc si j’utilisais ces personnages là, il fallait que je transmette au lecteur français ce roman, qui est vraiment un petit chef-d’œuvre, une petite merveille.

Et il n’y a pas eu de difficultés ?

Quand j’ai commencé à l’adapter, le roman était dans le domaine public. Par contre, la difficulté est arrivée avec le tome deux. Parce qu’il y a eu une harmonisation européenne des droits d’auteur. Et on est passé d’une protection de 50 ans après la mort de l’auteur à 70 ans. Donc il a fallu rechercher des ayants-droits et négocier avec eux. C’est Guy Delcourt qui s’en est occupé. Et le roman est retombé dans le domaine public en 2002. C’est pour ça qu’il y a eu un petit temps entre Le Vent dans les saules et Le Vent dans les sables, le temps que ça retombe dans le domaine public. Les ayants-droits, c’était l’université d’Oxford, donc ce n’était pas des descendants directs de Kenneth Grahame. Et je ne voyais pas en quoi j’aurais eu à leur rendre des comptes sur mon histoire. Je pense qu’il n’y aurait pas eu de problèmes, mais je préférais avoir une totale liberté.

Peu après l’apparition de Taupe et Rat, et déjà un pique-nique. Miam ! (Saules T.1)

Votre adaptation est présentée comme un album jeunesse.

J’ai toujours dit que je faisais de la bande dessinée tout public. Le premier album de la série est sorti dans les deux premiers de la collection jeunesse, avec Le vaillant petit tailleur de Mazan, mais il n’y a jamais eu l’appellation "Delcourt Jeunesse" sur la couverture. C’était dans le catalogue jeunesse, sans être indiqué sur la couverture. Petite astuce.

Petite astuce qui montre le fond de vos albums qui, sous un vernis jeunesse, recèlent plusieurs couches de lecture.

Les plus grands romans jeunesse sont britanniques : Alice au pays des merveilles, Le Voyage de Gulliver, Winnie l’ourson, Le Vent dans les saules, Peter Pan. Et il y a toujours plusieurs niveaux de lecture. Ils sont très complexes.

C’est vrai. Mais je trouve que votre adaptation, dans la psychologie des personnages, les dialogues, les attitudes, les comportements, les réactions, possède un fort niveau de lecture adulte.

Mais parce que je suis un adulte. Avec mes couches d’âge de jeune adulte, d’adolescent, de préadolescent, d’enfant. Quand je raconte un récit, j’essaye de parler à toutes mes couches d’âge. J’essaye de ne pas les oublier et de m’adresser à toutes.

Un beau vol plané (Saules T.3)

Ça ne doit pas être facile.

Ce n’est pas si difficile que ça. Mon métier ne m’a jamais contraint à oublier qui j’ai été avant. Alors que si vous êtes banquier, c’est plus compliqué de vous rappeler comment vous étiez enfant et de mettre votre part d’enfance dans votre métier. Moi je peux. Je peux mettre toutes mes parts d’âge. Je sais que, quand j’avais 18/22 ans, je voulais raconter des histoires extrêmement dramatiques, terribles, mais c’est parce que je n’avais pas encore vécu. Je me souviens que les histoires qui paraissaient dans les fanzines à l’époque, c’était souvent des histoires de suicide, des histoires très dures. C’est à 20 ans qu’on raconte ça, pas à 30 ou 50. Ou alors, si on raconte ça, on ne le raconte pas de la même manière.

N’empêche, parler à tous les publics ne me paraît pas évident.

C’est vieux comme le monde. C’est ce que faisaient les conteurs à la veillée. C’est un truc que je dis souvent, mais c’est vrai. Quand on racontait une histoire dans les fermes autrefois, il y avait toute la famille, tous les voisins, qui étaient là. Aussi bien des petits gamins de 5/6 ans, des ados, des adultes, des vieux. C’était la même histoire qui était racontée à tout le monde, donc il fallait bien que chacun soit intéressé. Et dans les contes traditionnels, on trouve différents niveaux. Il y a de l’aventure simple pour les tout petits, une dimension initiatique pour aider les ados à grandir, une dimension sexuelle mais très cachée, métaphorique. Il y a aussi une dimension philosophique. Un conte traditionnel s’adresse à chaque âge en même temps.

Dans les deux cycles, il y a beaucoup d’humour, de comédie, presque du burlesque. Dans le dernier album, il y a la course au saucisson qui est homérique. Ça vient d’où ? Des souvenirs de cinéma muet ?

Sans doute. J’ai bouffé énormément d’histoires, que ce soit en roman, en BD ou au cinéma. Je suis une véritable éponge, donc difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que j’adore le cinéma de Chaplin qui me faisait hurler de rire quand je l’ai découvert ado, et qui, dans le même temps, me tirait les larmes des yeux. J’ai adoré l’humour slapstick de Laurel et Hardy. Oui, je suis nourri à ça, entre autre. Comme j’ai été nourri avec Bourvil, De Funès...

Slapstick, vous avez dit slapstick ? (Saules T.4)

Pour la course-poursuite du saucisson, on a presque l’impression d’entendre une petite musique d’accompagnement au piano. Et puis ça dure longtemps, cinq pages, six pages ?

Il doit y avoir dix/douze pages. Pour une fois qu’il y a un peu d’action dans ce récit, il faut en profiter (rires). Au cinéma, on se permet de faire des courses-poursuites qui durent longtemps. Comme dans Bullit, avec Steve McQueen. En bande dessinée, on se limite à deux ou trois pages, pas plus, parce qu’il ne faut pas emmerder le lecteur. Je crois qu’on pourrait faire tout un album sur une course-poursuite, si c’est bien raconté, s’il y a un rythme, s’il se passe en parallèle des petits trucs. Le Gant à trois doigts de Tillieux, ce n’est pas loin d’une course-poursuite pendant tout l’album. On ne connaît les tenants et aboutissants de l’histoire que dans les dernières pages. D’ailleurs, je crois que Tillieux ne les connaissait pas lui-même au départ. D’après ce que j’ai compris, il y avait une sorte de défi. Il avait un titre, un gag par page, et après il a fallu qu’il raccorde un peu pour que ça fasse une histoire. Mais ça marche.

Et le goût de dessiner la nature, la campagne ?

C’est une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté Boisvert : plus ça allait et plus les histoires devenaient urbaines. Pour moi, les immeubles modernes, ce n’est pas drôle du tout à dessiner. J’aime bien ce qui est organique. En architecture, j’aime les très vieilles maisons. Moi, par exemple, j’habite dans une maison qui date d’avant l’incendie de Rennes, donc d’avant 1720. C’est une maison à pan de bois, avec un escalier extérieur, tout de guingois de partout. Il n’y a pas un angle droit, pas une horizontale, pas une verticale. Ou alors j’adore Gaudi. Les architectures épurées, je trouve ça esthétiquement souvent assez beau, pas toujours... Par contre je trouve ça invivable. Pareil pour le mobilier. Les meubles que faisaient les Nordiques il y a un siècle ont un design d’une pureté incroyable. On n’a rien inventé de mieux depuis. On tourne autour de ce que ces gens -à ont fait il y a un siècle, en s’inspirant des Japonais. C’est magnifique. Par contre, je ne sais pas si j’aimerais m’asseoir sur ces chaises-là.

Avec Le Vent dans les saules, on sent le plaisir d’évoluer dans la campagne, de représenter les ruisseaux.

Oui, et puis s’il s’assoit dans un fauteuil, on doit sentir le cuir s’affaisser sous les fesses par un petit ressort qui remonte et qui vient pointer. Quand je dessine le grenier de Blaireau, j’essaye qu’on ressente les odeurs des vieux greniers où on remisait les pommes et les oignons pour toute l’année.

Le grenier de Blaireau (Saules T.2)

En ce qui concerne Le Vent dans les sables, vous allez toujours à Essaouira ?

Oui, j’ai écrit les deux cycles à Essaouira.

Et l’idée de faire partir les personnages vers l’Afrique du Nord…

…Ça vient de là, oui. J’étais en train d’écrire Le Vent dans les saules. Je me suis isolé à Essaouira pendant un mois pour chaque album. Et puis en faisant mon adaptation du roman, il y avait un chapitre que j’avais décidé de mettre de côté. Le chapitre de la rencontre entre Rat et le rat marin. Je n’avais pas assez de pages pour tout raconter. Et puis ça venait surtout couper un des rares moments d’action dans Le Vent dans les saules, à savoir l’évasion de Crapaud. J’ai décidé de couper ce chapitre-là mais, en même temps, je me disais que ce serait un bon départ pour une suite, autour du voyage. En regardant autour de moi, sur cette terrasse à Essaouira, je me suis dit que le Maghreb étant un univers a priori tellement différent de leur petit univers du Nord-Ouest de l’Europe, ça pouvait être un contraste marrant. D’autant plus que, si on gratte un peu, le rythme de vie du Maroc n’est pas loin de ce que les héros vivent dans leur forêt.

Et puis il y a toute une faune, complètement différente, qui est très travaillée dans les albums.

J’ai eu une vision de Crapaud avec une chéchia et une ombrelle rose sur un chameau. Je trouvais ça tellement ridicule, qu’il fallait le faire. C’est d’ailleurs devenu la couverture du troisième tome.

La couverture en question

Pour Julien Boisvert, comme pour les deux cycles des Vents, on a l’impression qu’il y a eu un gros travail de documentation.

Oui et non. Dans Boisvert, oui. Je me faisais bouffer par la doc.

Avec toujours un voyage sur place ?

Pas forcément. Pour le Mexique et les États-Unis, non. Mais un gros travail de documentation. Avec parfois l’utilisation de cadrage de photos existantes, qui n’étaient pas forcément les cadrages les plus appropriés pour certaines cases. Pour Le Vent dans les saules et Le Vent dans les sables, c’est une méthode de travail complètement différente. Je fais ma mise en place de dessin d’abord. Et ensuite, avec mes souvenirs de campagne ou de médina, je dessine les décors. Et c’est seulement après que je complète avec quelques petits éléments de doc.

Des objets, des vêtements…

Des motifs, des tapis, des trucs comme ça. Ou quelques arbres particuliers dans la forêt.

C’est vrai qu’on a plus le sentiment d’exactitude dans Julien Boisvert.

Alors que dans Le Vent dans les saules et Le Vent dans les sables, il y a plus de vérité. Et là où j’ai été très content - parce qu’à chaque fois que je terminais un Vent dans les sables, j’apportais un bouquin à Essaouira pour mes amis marocains – c’est que pour le tome 3, il y a un copain d’Essaouira qui me dit en regardant une planche, quand Taupe se perd dans les ruelles : « je reconnais très bien cette ruelle là ! ». Or, c’était une ruelle que j’avais complètement imaginée. Et là, je me suis dit que j’avais compris un truc dans l’architecture, dans l’ambiance.

La terrasse d’Essaouira ?
Le Vent dans les Sables (Tome 2) - Delcourt

Votre dessin est très précis, très fin, avec beaucoup de détails. D’où vient ce souci du détail ?

C’est une question qu’on me pose souvent. Il y a sans doute une névrose obsessionnelle quelque part, mais il y a aussi le fait que je suis myope depuis tout petit. Je porte des lunettes depuis l’âge de 5/6 ans et quand on est myope, on ne voit pas bien de loin mais très bien de près. Donc, on apprend à regarder les petites choses. J’ai une sœur qui a presque six ans de plus que moi, donc on jouait peu ensemble. J’avais des phases d’ennui quand j’étais petit. L’ennui, c’est très bien, parce que d’une part, on développe l’imaginaire, on se raconte des histoires, et puis d’autre part, on observe les choses, on s’occupe. Et je regardais beaucoup dans le jardin de mes parents ou sur le trottoir, des colonnes de fourmis, comment était la matière, les petits grains de poussière. On regarde toutes ces petites choses-là. Du coup, ça forme. Après, c’est tout un travail de faire une qualité de ce « défaut » de tout représenter. De faire que ce soit lisible. Et que ça puisse apporter, quand c’est bien géré, un plus à un dessin.

En parlant de plus, et c’est une de vos marques de fabrique, c’est tout ce qui se passe autour de l’action principale. Chez Gotlib, il y a une coccinelle. Chez vous, il y a deux mouches, un gag au fond, un arrière-plan…

Les mouches, je me suis rendu compte que c’était sans doute une réminiscence de la coccinelle de Gotlib, mais aussi sûrement une réminiscence des pies bavardes de La Jungle en folie de Godard & Delinx.

J’aime bien parler du vivant, et dans le vivant, il ne se passe pas qu’une chose à un endroit. Il se passe plein de choses autour. Particulièrement dans les médinas maghrébines. Ça grouille de vie partout. Oui, j’essaye de parler de ça, de montrer des petites séquences en arrière-plan. Je pense à une séquence du tome 2 ou 3 des Sables, où Crapaud a déjà disparu et Taupe et Rat le recherchent en interrogeant des gens dans la rue. Au premier plan, ils interrogent les gens et en arrière-plan, il y a une petite scène que j’avais observée au Maroc et que je voulais retranscrire. C’était un vieux mendiant qui était très pénible avec tout le monde. Pas seulement avec les touristes, mais aussi avec les Marocains. Et des gamins vont le titiller un petit peu. Le vieux les menace avec le bâton. Et un des gamins lui met un pétard à mèche dans sa capuche. J’ai juste remplacé le pétard par des crabes. J’essaye de me débrouiller pour que ça ne vienne pas nuire à la lisibilité de la trame principale. En même temps, pour les curieux ou ceux qui relisent, ça vient donner une authenticité, une crédibilité à tout l’univers.

Deux cases avec le fameux mendiants en arrière-plan (Sables T.3)

D’un point de vue technique, vous travaillez sur quel format ?

Pas très grand. Les planches du Vent dans les saules et du Vent dans les sables, c’est 27,5 cm sur 32,5 cm. Avec ensuite une réduction à 70%. Maintenant je ne peux plus, parce que je suis presbyte, mais dans le temps, du temps de Boisvert, ça m’arrivait de dessiner les yeux à 10 cm de la page, même pas.

Pour le dessin, vous utilisez quel matériel ?

Sur Boisvert, il y avait du Rotring sur les premiers et du feutre sur les derniers. Je ne suis pas à l’aise en encrage. Je tiens très mal mes crayons. Je travaille avec le bout des doigts et pas avec le poignet. Si un jour j’ai une tendinite, ce sera une tendinite des dernières phalanges (rires). Je ne suis pas à l’aise pour encrer. Donc, depuis le début du Vent dans les saules, je n’encre plus. J’avais eu des discussions avec Mazan qui me disait qu’il travaillait au crayon et puis qu’il faisait des photocopies, à l’époque il n’y avait pas encore les scans. Donc depuis, je fais mes pages uniquement au crayon. Le seul feutre qu’il y a, c’est pour faire le lettrage et le tour des cases. Sur Le Vent dans les saules, il n’y avait pas encore les scans, alors je faisais des photocopies sur des machines pour tirer des plans d’architecte, qui ont une bien meilleure définition que les photocopieuses. C’était ça que j’envoyais à Delcourt. Par contre, à partir du Vent dans les sables, il y a eu la révolution numérique. J’envoyais alors mes pages crayonnées, qu’ils scannaient en forçant le trait vers un peu plus de noir.

C’est vrai qu’il y a un petit côté gris dans le trait.

Parfois. Ça dépend des scans. Il y a des scans où c’est vraiment un trait noir. Ça dépend qui a fait le scan, et de la difficulté par rapport à mes densités de détails. Quand il y a beaucoup de détails, de gris optique, je pense qu’à la fabrication, ils en bavent un peu plus pour faire un tirage. Mais même les taches noires de Blaireau sont faites au crayon. Ce qui me permet d’avoir des petits dégradés.

Alors, justement, les couleurs.

Je les fais de manière totalement traditionnelle, à l’ancienne, sur gris de coloriage, ce qu’on appelait les bleus auparavant. Sur du papier aquarelle. Et de temps en temps, s’il y a une petite pétouille, comme on ne peut pas effacer avec l’aquarelle, j’essaye de récupérer un petit peu avec des crayons pastel.

La mise en couleurs vous prend du temps ?

Ah oui, ça me prend en moyenne quatre mois. Si mon boulot, c’était d’être coloriste, vu ce qu’est payée la couleur, je ne gagnerais pas ma vie.

En tout, un album comme le dernier Vent dans les sables, ça vous prend combien de temps ?

Il y a deux ans entre chaque album. C’est le temps pour moi d’écrire, de dessiner, de mettre en couleurs, de prendre des vacances, d’aller en festivals. Pour le dessin, je dois passer 10/12 mois. Si j’avais un scénariste et un coloriste, je pourrais presque faire un album par an (rires).

Et vous n’avez pas la tentation de dessiner ou coloriser sur ordinateur ?

Pas cet univers-là. C’est un univers organique, artisanal. Il faut qu’il y ait de la matière. Il faut qu’il y ait aussi de l’artisanat dans le trait et la couleur. On pourrait avoir un travail organique à l’ordinateur, sauf que ça me prendrait énormément de temps pour l’apprentissage. Autant pour moi le faire à la main.

L’aventure du Vent dans les sables se termine. C’est un gros pincement au cœur quand on écrit le mot fin, ou pas ?

Mmhh… Non, parce que je sais que je ne les abandonne pas définitivement. Je vais faire une pause, mais même si ce n’est pas moi qui les ai inventés, ils font trop partie de moi maintenant. J’ai passé 18 ans à façonner ces petits jouets. J’ai envie de continuer à jouer avec.

Et sinon, d’autres projets ?

Il y a des projets, mais c’est un peu trop tôt pour en parler. Il n’y a rien de signé. Ce que je peux dire, c’est que normalement, je dois écrire un scénario pour un copain. Et d’un autre côté, je vais peut-être dessiner sur le scénario de quelqu’un d’autre. Pour l’instant, c’est à l’état de projet entre auteurs.

La course à l’échalotte, euh... non, au saucisson.
Le Vent dans les Sables, T5 (Delcourt)

(par Thierry Lemaire)

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✏️ Michel Plessix
 
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4 Messages :
  • Michel Plessix est un grand auteur qui soigne son travail et son public.

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  • Une critique quand même
    23 juillet 2013 14:06, par olivier

    Ces albums sont proprement extraordinaires, mais je dois quand même dire que, à chaque fois que je les lis, je regrette le format, trop petit à mon goût. Je rêve d’une édition grand format qui permettrait vraiment se se plonger dans tous les détails des planches.

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    • Répondu par Michel Plessix le 23 juillet 2013 à  16:54 :

      Cette édition existe, en noir et blanc, "les crayons", en édition numérotée et signée, avec une illustration inédite hors-texte. Certes, ce n’est pas donné ( environ 70€), mais chaque tirage luxe comporte pour ce prix deux tomes (ce qui fait chaque tome à 35€, ce qui, pour ce type d’ouvrage, est loin d’être excessif). Le tome III des "crayons" sortira en fin d’année et comprendra le tome 5 ainsi qu’une planche supplémentaire en "post-scriptum" et un cahier d’une vingtaine de pages couleursmontrant dans leur intégralité ( ça fait parfois de grosses différences avec ce que le lecteur connait déjà) les couvertures de ce cycle ainsi que differents travaux et affiches concernant cet univers.

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      • Répondu par audrey le 12 octobre 2016 à  19:44 :

        Bonjour,
        Je ne sais pas s’il y avait un délais pour répondre a cette discussion.. mais pour rebondir sur le message précédent, je voulais savoir si une edition intégrale couleur allait paraitre un jour pour ’Le vent dans les sables" comme cela existe pour "Le vent dans les saules" ?
        Merci de votre retour...

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