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Michel Viau (Historien de la bande dessinée québécoise) : « J’espère que mes travaux vont permettre à d’autres chercheurs d’aller plus loin. »

Par Marianne St-Jacques le 16 mai 2014                      Lien  
Dans le milieu de la bande dessinée québécoise, les travaux de l’historien Michel Viau sont de véritables ouvrages de référence. Après avoir été actif dans plusieurs sphères, que ce soit comme rédacteur en chef du magazine {Safarir}, directeur de collection aux 400 coups, ou encore comme collaborateur du site {BD Québec}, l’auteur de l’incontournable {Répertoire des publications de bande dessinée au Québec} (1999) récidive. Celui-ci vient tout juste de faire paraître {BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec} aux éditions Mém9ire. {ActuaBD} l’a rencontré au Festival de la BD francophone de Québec 2014.

Parlez-nous de votre tout nouveau livre, BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec. T. 1 : des origines à 1979 (éditions Mém9ire).

C’est la somme de toutes les recherches que j’ai faites depuis 18 ans. Quand j’ai commencé la recherche, j’ai fait une première partie, BDQ : Répertoire des publications de bande dessinée au Québec, des origines à nos jours, qui est paru en 1999 (éditions Mille-Îles). Depuis, j’ai continué à faire de la recherche. Et maintenant, c’est la partie historique. J’ai fait le Répertoire en premier, car je devais recenser ce qui existait avant d’écrire l’histoire. C’est maintenant chose faite. J’ai écrit une première partie. C’est le premier tome, qui couvre la période des débuts de la bande dessinée, des premières apparitions de bandes dessinées en Nouvelle-France, jusqu’à l979.

C’est une façon pour vous de revisiter les travaux du Répertoire ?

Oui, tout à fait. Tout ce qui était dans le Répertoire est mentionné dans cet ouvrage-ci, mais c’est mis en contexte. Le Répertoire n’était pas chronologique, mais plutôt classé par thèmes (magazines, albums, comic books), tandis qu’ici, c’est répertorié de manière chronologique. On peut suivre l’évolution de la bande dessinée.

Michel Viau (Historien de la bande dessinée québécoise) : « J'espère que mes travaux vont permettre à d'autres chercheurs d'aller plus loin. »
Michel Viau au Festival de la BD francophone de Québec 2014
Photo : Marianne St-Jacques

Où votre ouvrage BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec se situe-t-il par rapport à l’ouvrage semblable qui avait été publié, il y a quelques années, par Mira Falardeau (Histoire de la bande dessinée au Québec, VLB éditeur, 2008) ?

C’est un peu la même chose. Dans les deux cas, c’est l’histoire de la bande dessinée. Je vais peut-être un peu plus loin. J’ai fait plus de recherches dans les microfilms. Il y a des périodes qui étaient moins abordées par Mira Falardeau et que j’ai développées un peu plus.

Peut-on en déduire que le prochain tome est en chantier ?

Oui, le deuxième tome est en chantier. Il pourrait peut-être y avoir un troisième tome. On est allé des origines jusqu’à 1979, qui est une date charnière, avec l’arrivée de Croc. C’est le moment où la bande dessinée est devenue plus professionnelle, où les auteurs étaient enfin payés pour faire leurs œuvres. Dans le deuxième tome, on va se pencher de 1979 à 1999. C’est une période où il y a eu beaucoup d’activités. Donc, un tome pour ces vingt années devrait être amplement suffisant.

BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec. T. 1 : des origines à 1979, par Michel Viau, Éditions Mém9ire, 2014
DR.

Parlant du magazine Croc, vous avez coécrit, l’an dernier, le livre Les années Croc (Québec-Amérique, 2013) avec votre collègue Jean-Dominic Leduc. Un petit mot sur cet ouvrage ?

La parution de Croc a été une date mémorable dans l’histoire de la bande dessinée, mais aussi de l’humour au Québec. C’était une période charnière dans les deux cas. C’était les débuts des Lundis des Ha !Ha ! [1], de Paul et Paul [2], et tout ça, donc il y avait beaucoup de changements dans l’humour. Et il y avait du changement dans la bande dessinée. Croc a réuni ces deux mondes-là. C’est pour cela qu’on considérait que c’était une revue qui méritait qu’on lui consacre un livre.

Peut-on parler d’une anthologie ?

C’est l’histoire du magazine par les gens qui l’on fait. Il y a beaucoup d’entretiens. Jean-Dominic a fait beaucoup d’entretiens avec les créateurs de Croc. Il y a à peu près 75 collaborateurs du magazine, autant au niveau administratif que les rédacteurs, les dessinateurs ou les illustrateurs, qui nous ont accordé des entrevues. On raconte donc l’histoire du magazine à travers des entretiens, mais il y a aussi des textes plus historiques.

Michel Viau (centre) et Jean-Dominic Leduc (droite) discutent des Années Croc au Rendez-vous de la BD de Gatineau 2013
Photo : Marianne St-Jacques (archives)
Les Années Croc, par Michel Viau et Jean-Dominic Leduc, Québec-Amérique, 2013
DR.

Pour en revenir à l’histoire de la bande dessinée québécoise, avez-vous l’impression qu’il y a une véritable effervescence en ce moment, que vous avez un tout nouveau territoire à cartographier ?

Oui, effectivement, il y a beaucoup plus de choses maintenant qu’il n’y en a jamais eu. C’est très difficile de tout suivre. En fait, il y en a beaucoup, mais les publications sont davantage vues qu’autrefois. Je pense aux années 1980 où il y avait effectivement beaucoup de fanzines, mais c’était des choses qui n’étaient presque pas distribuées et qui sont difficiles à trouver, et qui aujourd’hui sont pratiquement disparues. Tandis que ce qui ce fait actuellement est au grand jour. Il y a des éditeurs. C’est la différence majeure avec les autres périodes de l’histoire de la bande dessinée au Québec : non pas le nombre de créateurs, mais le fait qu’il y ait des éditeurs pour les publier.

Planche réalisée par Pierre Fournier pour le « Spécial Bande dessinée québécoise » du journal Tintin, extrait de BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec
© Éditions Mém9ire

Que pensez-vous de l’initiative de l’Université du Québec en Outaouais (Gatineau) d’inaugurer la toute première bédéthèque québécoise ?

C’est une excellente initiative. C’est une bonne chose que les bandes dessinées soient enfin rassemblées à un seul endroit et bien répertoriées. Car justement, quand on va à des bibliothèques plus généralistes, ou même à la Bibliothèque nationale, parfois les albums de bande dessinée ne sont pas identifiés comme tels. On lit dans le descriptif que c’est un ouvrage abondamment illustré. Il peut s’agir d’un livre de contes pour enfants comme il peu s’agir d’une bande dessinée. On ne le sait pas. Mais au moins, avec la nouvelle bédéthèque, tout sera bien répertorié. Il ne reste plus qu’à rendre cela accessible à tous, notamment à tous les chercheurs à travers la province.

Timothée par Albéric Bourgeois, extrait de BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec
© Éditions Mém9ire

Selon vous, y a-t-il une relève en matière de chercheurs en histoire et théorie de la bande dessinée au Québec ?

Ce serait bien qu’il y ait davantage de cours théoriques. Je sais qu’il y a plus de journalistes qui s’intéressent au sujet. Mais des chercheurs ? Oui, je crois qu’il y en a quelques-uns. Il n’y a pas beaucoup encore d’ouvrages sur le sujet. Mira Falardeau en a écrit plusieurs. J’en ai écrit quelques-uns. Mais sinon, on trouve parfois quelques articles dans les revues. C’est le cas de TRIP, en Outaouais, qui publie quelques articles de chercheurs. Mais il n’y a pas beaucoup d’ouvrages diversifiés. Je vous dirais que ce que j’ai fait, le BDQ, le livre d’histoire, c’est comme une première pierre. C’est simplement de dire aux gens : « voici ce qu’il y avait ». J’espère que ça va permettre à d’autres chercheurs de prendre ces informations et d’aller plus loin, de dire : « on sait désormais ce qui existe, analysons-le », ce que je n’ai pas voulu faire. Je n’ai pas fait d’analyse. J’ai simplement présenté ce qu’il y avait à telle ou telle période. Maintenant, c’est à d’autres d’aller plus loin.

On vous connaît comme historien, mais vous êtes aussi éditeur. Vous avez été aux 400 coups. Vous avez été à Safarir. Vous êtes à l’origine du site BD Québec. Parlez-nous de votre parcours et de ces projets.

J’ai toujours aimé la bande dessinée. J’en ai toujours lu. Même des BD québécoises, j’en avais quand j’étais jeune. Des albums que j’ai toujours, d’ailleurs. Je me suis retrouvé dans ce milieu-là par hasard. Ça a commencé par la rédaction du BDQ, qui était simplement une liste des albums de bande dessinée au Québec. Je n’aurais jamais pensé qu’il y avait tant d’albums. Suite à la publication du Répertoire, je me suis retrouvé dans l’engrenage. J’ai été rédacteur en chef de Safarir. Ensuite je me suis trouvé aux 400 coups comme directeur de collection. Maintenant, je suis retourné à la recherche historique. J’ai lancé le site BD Québec pour mettre en ligne toutes ces petites recherches et montrer encore plus de choses que ce qu’il y a dans le livre. C’est-à-dire que dans le livre, il a fallu se limiter à un espace précis, un nombre de pages, tandis que sur le web, je peux me permettre d’afficher 3-4 planches d’exemples d’une bande dessinée, plutôt que quelques cases seulement.

Bouboule par Albert Chartier, extrait de BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec
© Éditions Mém9ire

Un site,BD Québec, ressuscité depuis quelque temps.

Oui, depuis le mois de janvier 2014, j’ai ressuscité le vieux site qui avait été lancé par Michel Pleau en 1998, et auquel j’ai collaboré pendant quelques années. Le site avait été mis en veilleuse, et ça me tentait de mettre en ligne de petites capsules historiques, des choses que je trouvais amusantes afin de les offrir à tous. J’ai donc ressuscité le site, qui est en construction permanente. Ce sera une encyclopédie. Je rajoute des capsules sur des séries, des albums qui sont parus. Je me promène dans la chronologie. Je peux mettre une capsule sur une série publiée dans un journal dans les années 1930, sur un album publié dans les années 1970, etc. Et au fur et à mesure, cela va s’enrichir et on va pouvoir voir apparaître des tendances, des groupes, des choses comme ça.

En entrevue avec ActuaBD au FBDFQ 2014
Photo : Jean Marquis

(par Marianne St-Jacques)

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[1Soirées d’humour au Club Soda de Montréal.

[2Groupe d’humoristes québécois composé à l’origine de Jacques Grisé et Claude Meunier, puis de Serge Thériault.

 
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