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Midam, le père de Kid Paddle

Par Maingoval le 22 septembre 2003                      Lien  
Chose rare, Midam ne pratique pas la langue de bois ! Vous découvrirez dans cet entretien ce qui motive le créateur de Kid Paddle, ce qui le pousse à créer, et ce qui fait, sans doute, une partie du succès de son personnage.

- Ces prochains jours, on va parler beaucoup de vous : 52 dessins animés de 13 minutes vont déferler sur nos écrans, et chacun des huits albums que compte la série va être vendu avec un CD (de forme et de contenu différent) comportant un jeu Kid Paddle (les Cd-Blorks) ... Je vois que vous avez pris un assistant pour vous aider. Au fait, est-ce que Kid Paddle n’est pas en train de vous échapper un peu ?

Midam, le père de Kid Paddle Rien n’échappe à mon contrôle impitoyable ! Ma volonté première est de développer Kid Paddle, tant au niveau de la forme que du fond. J’ai toujours souhaité faire sortir mon personnage de son support papier. La télévision est plus que jamais incontournable, un passage obligé. Si on veut se donner les moyens pour parvenir à ses objectifs, il faut nécessairement trouver de l’aide. C’est dans cette optique que j’ai cherché à travailler avec un assistant-dessinateur.

Prochainement, je travaillerai également avec un scénariste pour enrichir Kid Paddle mais surtout pour travailler sur des produits dérivés de l’univers. Cela dit, au niveau éditorial, hors de tout contexte audiovisuel, il y a encore de la marge et un énorme potentiel en France (on y vend 5 fois moins de BD qu’en Belgique en proportion du nombre d’habitants).

- Votre plaisir de créer et de dessiner est-il toujours intact ?

- Plus que jamais. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre et à raconter. Pour le tome 9 que je suis en train de dessiner, j’ai passé plus de temps qu’il ne faudrait sur certaines pages, que ce soit pour affiner le scénario ou pour "pousser" un peu le dessin. Je ne suis pas encore partisan de produire du Kid en batterie, les assistants qui travaillent avec moi me donnent le temps de parfaire mon travail.

- Quand on crée un personnage comme Kid Paddle, on le fait d’abord pourquoi ? Pour s’amuser soi-même, pour être connu, ou pour faire de l’argent ?

- Il n’y a pas de réponse simple. J’ai commencé la BD un peu par hasard avec une soif de raconter quelque chose. A partir du moment où votre BD se met à marcher, on ne regarde plus en arrière et on ne se pose plus ce genre de question (en tout cas en ce qui me concerne). On enchaîne simplement les albums, chaque album (ou plus exactement chaque gag pour moi) comme un nouveau défi. A mon humble avis, si un créateur est uniquement motivé par l’argent ou la célébrité, ça ne regarde que lui... Seul le résultat compte, et cette forme de motivation en vaut bien d’autres. Ceci dit, si un jeune auteur se lance dans la BD avec ces idées, il sera très vite déçu : On y compte peut-être une dizaine de millionnaires pour 1500 auteurs et aucune célébrité au sens commun où on l’entend !

- C’est quoi, au fond, votre motivation profonde, quand vous créez un gag, quand vous le dessinez ?

- Faire mieux que le gag précédent. Ou d’une façon différente. J’ai parfois l’impression de chercher le Saint Graal. La répétition fait partie du jeu et il faut pouvoir l’accepter. L’idéal est de trouver un ton. Si le ton est trouvé, on peut se permettre un gag plus faible. Il suffit parfois d’une situation ou d’un dialogue bien tapé pour que je sois content d’une page.

- Un autre job vous aurait-il plu autant ? Si oui, lequel, ou dans quel domaine ?

- J’aurais aimé être camionneur (j’écoutais "les routiers sont sympas" quand j’étais petit !) ou archéologue ou animateur radio (une émission de nuit) ou ébéniste... Il y a plein de métiers que j’aurais aimé faire !

- Vous ne citez pas celui de musicien ? Pourtant, vous faites partie d’un groupe ?

- Oui, c’est vrai, c’est bizarre. J’ai peut-être l’impression que je n’aurais jamais dépassé un certain niveau, je ne sais pas. J’ai été dégoûté de la guitare vers 20 ans et je l’ai reprise 15 ans plus tard, mais sans aucune prétention : je pense avoir beaucoup trop de lacunes.

- Auriez-vous aimé être un acteur célèbre, ou un chanteur connu ?

- Oui, bien entendu. Le politiquement correct voudrait qu’on pense l’inverse, mais le peu de "célébrité" qu’offre mon métier me donne vaguement l’idée de ce que ça peut être, et c’est très agréable. Ca donne plus d’avantages que d’inconvénients, peut-être justement parce que c’est léger. Ca va de l’apéro gratuit jusqu’au dossier administratif qui remonte au dessus de la pile...

- D’après les chiffres communiqués par Dupuis, vous avez vendu deux millions d’exemplaires de Kid Paddle. Si on y ajoute les dessins animés, les tee-shirts et autres produits promotionnels, cela doit faire beaucoup d’argent. Vous faites quoi, avec tout cet argent ?

- Effectivement, pour l’édition je n’ai pas à me plaindre mais je crois qu’on fantasme beaucoup sur les revenus générés par l’audiovisuel et son cortège de licences. Pour le cinéma, je ne sais pas, mais pour la télé il n’y a guère que les droits SACD (société des auteurs, NDRL) qui rapportent, et de toute façon beaucoup moins que les albums. Il y a bien sûr toujours moyen de négocier un peu plus par ci, par là, mais bon ce n’est pas le pactole qu’on s’imagine.

De toute façon, j’y verrai plus clair dans un an, après une saison de Kid Paddle à la télé. Aujourd’hui je n’ai pas encore touché un cent... J’utilise mon argent principalement pour créer plus confortablement et mettre en place une structure matérielle qui facilite mon travail. En Europe, c’est suicidaire de parler d’argent. On ne se fait que des ennemis ce qui n’est pas le cas dans une société plus nord-américaine comme le Québec. Evidemment, il y a des excès dans l’autre sens, je me rappellerai toujours de ce gars qui travaillait pour une boîte américaine de photocopieuse et dont le salaire figurait sur sa carte de visite !

- Vous connaissez la blague de la Rolls qui passe dans une rue. Un français la voit et se dit "c’est scandaleux, cette richesse étalée, on devrait lui griffer sa carrosserie ...". Un autre passant, américain celui-là, la voit aussi et se dit "Moi aussi je vais beaucoup travailler, et je m’en achèterai une plus belle" ... Vous êtes plutôt américain ou plutôt français, sur cet aspect là des choses, bien évidemment.

- Difficile de choisir un camp, mais présenté comme dans votre exemple, tout le monde choisirait l’Américain... Le Français a vraiment le mauvais rôle. C’est un paradoxe, car la France est probablement le plus grand exportateur de produits de luxe de toute l’Europe. J’ai énormément de respect pour le travail des autres et pour les rêves des autres. Si posséder une Rolls est une chose significative pour quelqu’un, il faut le respecter. Et puis je suis certain qu’une grande partie de la Rolls est fabriquée et montée à la main, faisant appel à une multitude de petits métiers et d’artisans. Il faut prendre çela aussi en considération avant de l’attaquer à la masse...Par ailleurs et dans cette partie du monde, il ne faut pas acheter une Rolls pour essuyer des quolibets, une voiture haut de gamme suffit amplement !

- A part l’argent, il y a aussi la gloire. On vous voit partout, et de plus en plus en couverture de magazines. Ca vous fait quoi ?

- J’en tire une certaine fierté quand la photo est réussie. Blague à part, c’est un choix personnel, j’ai décidé, pour mieux accompagner la sortie du dessin animé, de ne refuser aucune interview.

(par Maingoval)

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(c) Maingoval pour le texte. (c) Midam pour la photo. Reproduction strictement interdite.

 
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