L’anglais Warren Ellis, le plus grincheux des scénaristes de comics, spécialiste des personnages de cyniques désabusés, nous propose avec Ministère de l’espace une histoire dont la narration est une vraie mécanique de précision : quand en 2001 Sir John Dashwood apprend que les Américains préparent un premier tir de fusée, il craint tout de suite que ceux-ci aient appris l’origine de l’argent qui avait servi à construire le programme spatial britannique au sortir de la guerre, alors que le pays était exsangue. Le lecteur va donc suivre à travers de nombreux flash-backs les étapes qui ont amené l’empire britannique à s’étendre jusqu’au système solaire. L’ambiance est à la fois enthousiasmante (l’intérêt de Ellis pour la conquête spatiale est bien connu) et oppressante, à mesure que l’on apprend à connaître Dashwood, militaire de carrière qui a longtemps mené d’une main de fer dans un gant pas du tout de velours les opérations du Ministère.
Le dessin de Chris Weston, artiste britannique qui avait alors travaillé pour 2000AD, entre autres sur Judge Dredd, et pour le marché américain sur les Invisibles de Grant Morrison, est tout aussi remarquable. Très réaliste, avec un gros travail sur le design des fusées et autres machines volantes, entre réalisme et légère projection futuriste, il n’est pas sans rappeler celui des engins de Gerry Anderson, le créateur des Thunderbirds et concepteur des vaisseaux de Cosmos 99. Le trait est assuré, les personnages bien campés, les couleurs de Laura Martin, une des meilleures coloristes actuelles, jouant un rôle important dans la crédibilité de ce monde presque pas imaginaire.
Court et dense, cet hommage inversé à l’optimiste BD anglaise Dan Dare est un petit bijou qui se prête à merveille à la relecture et exerce la fascination commune à toutes les uchronies bien menées.
(par François Peneaud)
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