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Moïse Kissous : « Le catalogue de Jungle réunit près d’une centaine de créateurs ».

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 6 juin 2006                      Lien  
Créée voici trois ans, constituant une joint-venture entre Casterman et l'éditeur Moïse Kissous, la société Jungle suscite les sarcasmes d'une certaine catégorie d'amateurs de bande dessinée, tandis que le succès de ces « produits » ne cesse de croître. Aujourd'hui, ce label vient de publier un album, « Rire contre le racisme » avec Geluck, Pétillon, Riad Sattouf et Moebius au générique, parmi une pléiade d'artistes.

Comment vous est venu le projet de Rire contre le Racisme ?)

L’idée du livre est venue du désir de réaliser une BD à l’occasion des 20 ans de SOS Racisme, sur une observation de Jacky Goupil. En creusant l’idée, je me suis dit qu’il serait intéressant de réaliser cet album dans l’esprit du spectacle "Rire contre le racisme" co-organisé par SOS Racisme et l’UEJF, un show qui réunit une dizaine d’humoristes chaque année pendant trois heures. Nous avons donc pris contact avec des humoristes ou leurs ayant droits pour leur demander leur accord d’adapter leurs textes traitant du racisme en BD, dans l’esprit de ce que Jungle a fait avec plusieurs humoristes déjà (tels que Elie Semoun et Franck Dubosc, Desproges, ...).

Moïse Kissous : « Le catalogue de Jungle réunit près d'une centaine de créateurs ».
Rire contre le racisme
(Collectif) chez Jungle.

L’idée étant d’emblée de verser les revenus de la BD aux deux organisations anti-racistes, nous avons demandé aux humoristes une cession gracieuse. La plupart ont répondu favorablement. Nous avons ensuite, avec l’aide d’Alain David, le directeur d’ouvrage, approché de nombreux dessinateurs, certains ont trés vite dit "oui", d’autres ont trouvé l’exercice complexe voire impossible. Nous avons alors décidé de laisser la possibilité à ceux qui le souhaitaient de créer des planches originales sur ce thème. D’autres, nous ont tout bonnement donné l’autorisation de reproduire des cartoons ou des planches déjà publiées sur ce thème.

De grands noms de l’humour figurent au générique de l’album : Des gens du spectacle, comme Raymond Devos, Michel Boujenah, Regis Laspalès, Pierre Palmade... mais aussi des grands noms du dessin : Geluck, Plantu, Binet, Gotlib...

L’idée était de faire un livre convivial grand public, à l’image des concerts des enfoirés pour les restos du coeur. Cela s’est fait dans la bonne humeur, et pour une bonne cause. Le sommaire des auteurs présents est très large : il y a des artistes très connus et des artistes moins connus, mais tous ont travaillé, je crois, avec sincérité. La présence de personnalités du spectacle est bien évidement liée à la politique éditoriale de Jungle, qui travaille avec eux pour des albums de bande dessinée.

Moïse Kissous
Photo : Laurent Mélikian.

Il y a un étonnant texte de Goscinny...

Oui. Par chance, le directeur d’ouvrage, Alain David, connait très bien l’oeuvre de René Goscinny. Cela n’a pas été difficile pour lui de trouver un texte consacré au racisme. Un texte qu’Emmanuel Guibert a pertinemment illustré.

On découvre aussi la participation du dessinateur israélien Michel Kichka.

Oui. Il faut noter également la présence de Rico, un dessinateur sud-africain, auteur de la célèbre série Madame & Eve. Il connaît très bien les problèmes d’apartheid et de racisme.

Le Ptit Chirac Par Jim, Gaston et Alteau
un des derniers nés du label Jungle.

Votre maison d’édition croît et embellit. On vient de découvrir un P’tit Chirac, qui est un peu à la politique ce que sont vos albums pour le show-bizz. Que répondez-vous aux gens qui considèrent vos albums comme des produits dérivés qui polluent la BD ?

Le credo de Jungle depuis sa création, il y a à peine 3 ans, est de divertir et faire rire le plus grand nombre en adaptant créativement en BD les univers populaires issus de la télé, du cinéma, du monde du spectacle ...

Juste retour d’ascenseur alors que les créateurs audiovisuels se sont très largement inspirés de la BD depuis près d’un siècle. La ligne éditoriale de Jungle favorise les échanges fructueux et le métissage entre les auteurs issus du spectacle et/ou de l’audiovisuel et les auteurs BD. J’invite tous ceux qui critiquent nos albums à en discuter avec leurs scénaristes et dessinateurs, la grande majorité ont pris, d’aprés ce qu’ils me disent (mais ils ne me disent peut-être pas tout !), beaucoup de plaisir à cette rencontre.

Ainsi en 2006, la quarantaine de publications au programme de Jungle réunissent prés d’une centaine de créateurs, scénaristes et dessinateurs pour trouver et développer les angles d’adaptation les plus pertinents et attractifs. Fort de son approche, Jungle attire dans les rayons BD des personnes qui vont au cinéma, regardent la télé, jouent aux jeux vidéo, mais ne sont pas forcément des lecteurs de BD (encore 2 français sur 3 ne lisent pas une BD par an).

La bande dessinée selon Jungle n’est pas un simple produit dérivé classique. Une des raisons du succès auprès du public est la volonté de notre maison d’apporter une valeur ajoutée palpable en terme de re-création par rapport à l’univers originel (scénarios inédits, angle original, etc).

Caméra Café de Didgé, Stibane et Van Linthout
Le plus hros succès de Jungle à ce jour.

Les dessinateurs à qui nous confions les albums de la ligne Jungle Kids sont pour la plupart issus de l’univers de l’animation. Ils ont beaucoup de talent. C’est ce qui nous a permis entre autres de convaincre assez facilement Dreamworks et la Fox de nous confier la création des BD originales adaptées de Madagascar et de l’Age de Glace, c’est une reconnaissance supplémentaire de la "french touch".

Pour nos albums tous publics, nous travaillons avec des dessinateurs confirmés, la plupart ayant travaillé pour les maisons d’édition de BD dites traditionnelles, ce qui me fait toujours sourire quand je vois ces mêmes maisons se pincer le nez à l’évocation de nos ouvrages tout en cherchant à reproduire la réussite de Jungle. C’est un cocktail plus savant qu’il n’y paraît, fort du mixage des savoir-faire respectifs de ma société, Steinkis, et de ceux de Casterman. Il a séduit plusieurs millions de lecteurs déjà, au désarroi de certains ayatollahs de la BD. Je suis ravi que Jungle apparaisse à ces ayatollahs comme un trublion face à leur désir ulra-narcissique que la BD ne soit faite que pour des gens comme eux, seuls capables de discerner ce qui est bien pour les autres ... Je fais pour autant partie de ceux qui sont ravis de constater l’extrême diversité de la BD aujourd’hui. Je lis avec plaisir notamment les romans graphiques. Dans la mesure où les BD Jungle se vendent d’avantage dans les univers de grande consommation (grandes surfaces culturelles et autres), je suis d’autant plus content de savoir que nos BD ne gênent pas le développement dans les librairies généralistes et spécialisées de ces autres formes de BD mais peuvent au contraire y amener progressivement des non-lecteurs actuels de BD.

Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 2 juin 2006

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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En médaillon : Moïse Kissous. Photos : Laurent Mélikian.

 
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