L’artiste sénégalais Juni Ba invite les lecteurs à découvrir la Monkey Meat Multinational, une entreprise immensément riche grâce au commerce de ses conserves de viande d’origine simiesque. Grâce à cette immense fortune, le PDG (au nom inconnu car il l’a placé sous copyright et refuse qu’on l’utilise) a acquis une île située au milieu de nulle part où sa société pourra prospérer et poursuivre sa recherche de nouveaux produits.
La narration de cet album est singulière car nous tenons là une anthologie de différentes histoires ayant pour protagonistes principaux différents personnages. Leur point commun ? Vivre sur l’île tenue d’une main de fer par la Monkey Meat Multinational.
Face au capitalisme décomplexé de l’entreprise (il n’est pas rare qu’elle achète littéralement les âmes et les corps des populations qui vivent sur l’île), Juni Ba brosse des portraits et des histoires souvent touchantes de différents personnages. Le ton généralement décalé utilisé par l’auteur ne l’empêche pas de faire mouche quand il s’agit de présenter l’histoire d’un confetti dans le monumental tableau présenté par la Monkey Meat Multinational.
Ainsi, c’est particulièrement le personnage de Thaddeus Lug, très récurrent au gré des différentes histoires, qui a retenu notre attention. Natif de l’île, il a très jeune été enrôlé par la richissime entreprise et son innocence ne lui a pas fait prendre conscience que son job était des plus dévastateurs. Homme à tout faire de l’entreprise, il devait explorer l’île pour soumettre par la violence ses différents peuples à ses employeurs. Héros érigé publiquement par l’entreprise, traître sans âme pour les natifs de l’île, Thaddeus a grandi et ressent un malaise face à ce parcours. Pourra t-il se rebeller face à son destin ?
L’album bénéficie d’une très belle patte graphique, Juni Ba n’hésitant pas à changer de tempo graphique, toujours avec talent, entre les histoires. Les lecteurs risquent d’être ravis de retrouver parmi les techniques employées un trait et de larges aplats sombres qui font penser au style caractéristique de Mike Mignola.
Nous avons aussi apprécié le fait que les dessins dynamiques de Juni Ba lui permettent d’exprimer une histoire sans avoir forcément recours au dialogue, notamment durant les affrontements dantesques qu’il met en scène.
Ces affrontements musclés sont l’un des nombreux réceptacles des non moins nombreuses références à la pop culture contemporaine. Nous avons ainsi un récit qui s’inspire, de manière torturée, de la genèse du personnage de Naruto chez Masashi Kishimoto ou encore des sbires de la Monkey Meat Multinational qui rappellent furieusement des personnages du film Pulp Fiction de Quentin Tarantino. Ces exemples ne sont pas exhaustifs et les lecteurs auront très certainement plaisir à découvrir ces références au gré des planches.
Grâce à son univers bien singulier, ses personnages souvent touchants et sa patte graphique réussie, Monkey Meat se révèle être une très bonne surprise que l’on ne peut que vous recommander chaudement.
L’unique point qui nous a frustrés dans cette proposition de Juni Ba, c’est que l’on attend désormais de voir s’il y aura une suite aux extravagantes machinations de la Monkey Meat Multinational !
(par Romuald LEFEBVRE)
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Monkey Meat. Par Juni Ba (scénario et dessins). Panini Comics. Sortie le 22 mars 2023. 160 pages. 24,00 Euros.
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