Moon de Cyrille Pomès, le nouveau petit bijou des Editions Rue de Sèvres

Tout ce petit monde va se trouver bouleversé quand l’antenne relais cesse toute communication suite à un coup de foudre qui s’abat. Sans Internet, sans téléphone ni télévision, quelle va être la réaction de ces ados privés de leur seul outil d’expression ?

Durant 160 pages, Cyrille Pomès prend le temps (et l’espace !) pour nous faire pénétrer au sein de cette curieuse planète adolescente rivée sur le paraître et le virtuel, captée par l’omniprésence des réseaux, imprégnée de sarcasmes, de provocations faciles ou de conflits avec les adultes.

Si le regard porté est aigu, sans complaisance face aux excès d’humeur des ados, la panne de l’antenne-relais sert de révélateur à d’autres attitudes, d’autres visions du monde et des autres. Après le temps du blues et de la sidération vient celui de la nécessité de réinventer un quotidien plus sensible et plus humain.

Quête de sens, apprentissage du dialogue et de l’amour se retrouveront alors au cœur de ces existences banales. Peu à peu, le groupe s’agite et redécouvre des chemins de communications plus concrets, tout en se redessinant une image plus sensible et moins lunatique que l’on pouvait le croire.

Une fois les touristes partis, la petite cité se retrouvera isolée et déserte.

Dès la couverture, on peut constater à quel point le décor de cette histoire est mis en valeur, tellement présent que le paysage fait figure de personnage principal de l’histoire. Tout en restant proche de ces ados, l’auteur s’attarde avec gourmandise sur ces paysages ventés, désolés, vides pour mieux nous faire percevoir les couleurs et les silences du cadre narratif. Des impressions que vient renforcer le choix très habile des tonalités ocres et de gris colorés percutées de variantes nocturnes d’Isabelle Merlet.

Sur fond de fête foraine désertée, de plages abandonnées et de lumières automnales, l’auteur prend manifestement plaisir à restituer une ambiance « hors saison ». De longues plages muettes et de larges doubles pages impriment à la lecture le rythme d’une narration faite de langueurs et de temps immobile au plus près de l’atmosphère du récit.

Diplômé de l’École européenne supérieure de l’image d’Angoulême, Cyrille Pomès s’est d’abord fait connaître par différents travaux d’illustrations et d’animation. Depuis 2003, il a notamment publié À la lettre près (Albin Michel 2005 puis réédité chez Glénat en 2018), Chemins de fer (EP Proust) a participé à des collectifs et à la Revue Dessinée. Peu à peu, son style graphique évolue, se révèle plus souple, plus aéré et particulièrement soutenu par la mise en couleurs efficace d’Isabelle Merlet. Dès son arrivée chez Rue de Sèvres, il fut très vite remarqué avec Le Fils de l’Ursari d’après le roman de Xavier-Laurent Petit.

Avec ce nouvel ouvrage, il s’affirme comme auteur à part entière. Un des albums de l’année.