Né le 26 octobre 1928 à Buenos Aires, ce dessinateur est d’origine uruguayenne : « Solano était un descendant de la famille qui domina le Paraguay les cinquante années centrales du 19ème siècle, raconte Jose Muñoz qui fut son assistant. Ils furent chassés du pouvoir à cause d’une guerre que l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay leur firent pendant cinq ans parce que ce pays, très lié avec les autres nations européennes, avait acquis une indépendance énergétique qui lui permettait de construire des armes, des fours sidérurgiques et des chemins de fer sans passer par les intérêts anglais, lesquels détenaient le contrôle économique des pays limitrophes. Cette guerre élimina presque 50% de la population paraguayenne. Sa famille, pour moitié européenne et pour moitié guarani, avait émigré en Argentine, un des pays qui l’avait presque totalement détruite. » [1]
Il fait ses débuts en 1953 chez l’éditeur Ramon Columba avec la série Perico y Guillermina (Sc. Roger Plá,) avant de rencontrer aux éditions Abril Héctor Germán Oesterheld, le créateur de la maison d’édition Frontera et du magazine Misterix où publient Hugo Pratt et Alberto Breccia.
López dessine sur le scénario de Oesterheld L’Eternaute pour le journal Hora Cero en septembre 1957 (Cette série a été brièvement publiée dans la revue Antarès en France dans les années 1980, 3 volumes sont récemment parus en français chez Vertige Graphic). Cette BD de SF remporte un succès marquant et reste son œuvre majeure.
On lui doit aussi, sur des scénarios du même, Bull Rocket pour le magazine Misterix, Uma-Uma, Rolo el Marciano adoptivo, Ernie Pike, Rul de Luna, Amapola Negra, Joe Zonda, Lord Pampa ou encore Marvo Luna…
Comme beaucoup de ses collègues, il entame dans les années soixante une longue collaboration avec les éditions anglaises Fleetway, un repaire de maîtres du noir & blanc.
L’exil européen
Après l’assassinat de Oesterheld en 1978 par la junte argentine (1976-1983), López émigre en Europe où il commence à publier notamment en France : Romancera avec son fils Gabriel pour (A Suivre) ou Slot Barr avec Ricardo Barreiro aux éditions Michel Deligne…
Beaucoup de ses nombreux travaux sont parus dans les publications populaires françaises de petit format (Janus Stark, Adam Eterno, L’Œil de Zoltec, Romano, Trois-Pommes, Micromegax…, essentiellement du matériel issu des productions Fleetway).
Carlos Sampayo écrit pour lui deux albums chez Dargaud : Cadavres en solde et La mort est toujours au rendez-vous. On lui doit aussi quelques œuvres érotiques comme Lilian & Agathe publiée en Espagne par El Vibora, puis par Kiss Comix en Italie, en France et en Espagne, récemment rééditée en intégrale aux éditions Dynamite.
International, comme la plupart de ses collègues argentins, il dessine aussi des BD pour les États-Unis, notamment pour Fantagraphics une adaptation en BD du film culte de Tod Browning, Freaks avec Jim Woodring.
Il était revenu travailler en Argentine en 2007 où il avait repris L’Eternaute depuis 2005, sur un scénario de Pol (Pablo Maiztegui) et créé la série L’Internaute pour le quotidien Clarin.
Ses amis parlent de lui comme un homme intègre et courageux, avec une force de travail sans égale, qui n’a jamais, de toute sa vie, abdiqué de ses convictions. Voici comment Jose Muñoz le décrit alors qu’il arrive dans son studio, âgé à peine de quinze ans, pistonné par Alberto Breccia : « Les dernières 50 planches de la première série de l’Eternauta sont pleines de mes coups de pinceaux, de mes erreurs. Solano reprenait mes dessins à la gouache. Mon arrivée au studio de Solano López est assez extraordinaire. C’était un après-midi de janvier, très chaud en Argentine. Il habitait au quatrième étage. Arrivé là-haut, je trouve deux types dont l’un était très bien mis, habillé d’une chemise élégante et propre, coiffé de brillantine. Il était assis face à une petite table de dessin sur laquelle il y avait des planches. L’autre type dans la pièce, assis face à une grande table à dessin, était habillé de façon plus débraillée, pas très élégante, du genre prêt à partir jouer au foot à 5 heures. Je me suis dirigé vers celui qui me semblait être le patron, qui avait une présence plus nette, en lui disant : « Bonjour Monsieur Solano López, je suis José Muñoz. Breccia m’a dit que… ». Je m’adressais bien entendu à son assistant. » [2]
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Une belle étude sur Solano López par Gilles Ratier sur BDZoom
[1] Jose Muñoz, entretien avec Didier Pasamonik, 7 octobre 2002.
[2] Idem.
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