Kazuo Koïke, c’était « le » scénariste de la bande dessinée japonaise moderne, l’auteur inoubliable de Lone Wolf and Cub (connu grâce à la série cinématographique Baby Cart), de Lady Snowblood et de Crying Freeman, trois chefs-d’œuvre qui chacun mettent en place une système de narration et des personnages sans équivalent et qui ne sont que la partie immergée d’un iceberg éditorial, finalement assez peu traduit en français, qui comporte quelques centaines de volumes au scénario impeccable.
Il y va de Koïke comme de Tezuka : dans tout ce qu’il a écrit, et il a eu une production appréciable, il n’y a quasiment rien à jeter. Comme le maître de Takarazuka, il a créé des personnages qui ont fortement marqué la bande dessinée mondiale. Avec le dessinateur virtuose Goseki Kojima, il publie tout d’abord Lone Wolf & Cub [Le Loup solitaire et son louveteau] (1970, édité en France par Panini Comics), 8000 pages somptueuses dont la collection complète figure en bonne place dans la bibliothèque d’un scénariste comme… Alejandro Jodorowsky, nous avons pu le constater nous-même.
Connu en France grâce à la série Baby Cart (6 films entre 1972 et 1974), la série raconte les errements d’un rônin parcourant les routes avec son marmot en bandoulière. Cette figure littéraire marquante en engendrera bien d’autres. Le Rônin de Frank Miller en est directement inspiré et ce dernier contribua à faire connaître la série aux États-Unis en réalisant notamment les couvertures de l’édition US parue chez Dark Horse.
Son autre manga le plus connu dans nos contrées est Lady Snowblood (1972, édité en France par Kana), dessiné par l’élégant Kazuo Kamimura : il est considéré par Jean-Pierre Dionnet, auteur de la préface de l’édition française, comme un incontournable chef-d’œuvre. Sa violence esthétisante au storytelling profilé comme une lame a durablement impressionné Quentin Tarantino qui en a retenu les principes narratifs, l’esthétique, certains personnages et certains décors pour réaliser ses deux Kill Bill.
On connaît aussi ce scénariste prodige pour Crying Freeman (1986, éditée en France par Kabuto - SEEBD en France), dessiné magnifiquement par Ryoichi Ikegami, une histoire de tueur repenti séduit par sa victime qui fut notamment adaptée au cinéma par le réalisateur français Christophe Gans.
Lorsque nous l’avions rencontré pour ActuaBD, il y a 11 ans, nous avions trouvé face à nous un homme aux manières aristocratiques, quelque peu désabusé mais fier de sa culture, de son travail et de ses principes moraux, un humaniste qui regardait avec sévérité notre monde moderne.
Un pédagogue passionné aussi, heureux de transmettre et en même temps respectueux du talent potentiel de ses élèves. Quelques-uns des plus grands mangakas japonais d’aujourd’hui figurent parmi ses disciples, dont la mangaka Rumiko Takahashi qui a reçu en janvier le Grand Prix d’Angoulême 2019. Un accessit qui a dû le rendre fier.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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LIRE SUR ACTUABD
La chronique du Tome 1 de Lone Wolf & Cub
La chronique du DVD de Baby Cart
La chronique du T.3 de Lady Snowblood
Sauf mention contraire : Photos de D. Pasamonik (L’Agence BD)