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Narcisse T. 2 : Terra Nullius - Par Chanouga - Editions Paquet

Par Patrice Gentilhomme le 29 avril 2016                      Lien  
Dans ce second épisode du périple de Narcisse, on retrouve notre héros disparu sur une petite île aux larges de la Nouvelle Guinée à la suite d'un naufrage. Les marins du Saint Paul partis à sa recherche, sans grande conviction, rentrent bredouilles et ont fini par renoncer.

Abandonné, le petit mousse de Saint-Gilles-Croix-de-Vie qui rêvait d’expéditions au long cours se retrouve adopté par une tribu d’aborigènes considérés comme cannibales. Si les premiers contacts sont difficiles, l’intégration du jeune homme se concrétise peu à peu au fil d’expériences de survie et de communication compliquée. On assiste donc, dans la majeure partie de ce second volet d’une série singulière à l’initiation de Narcisse à sa nouvelle vie, de la scarification à l’art de combattre ou de pêcher pour aller jusqu’à la fondation d’une famille avec une belle indigène.

Narcisse T. 2 : Terra Nullius - Par Chanouga - Editions Paquet
Le "vrai Narcisse Pelletier" , un homme ordinaire au destin extraordinaire.

Néanmoins, l’homme reste écartelé entre deux cultures, deux mondes qui s’ignorent. Malgré un profond attachement aux valeurs et aux coutumes de sa nouvelle famille, on devine qu’un retour à la civilisation constituera le point d’orgue de son épopée en Terre australes. Sa capture par des marins anglais après dix sept ans passés loin de la civilisation préfigure un retour difficile et douloureux. Ce sera tout l’enjeu du troisième tome de cette histoire vraie dont Chanouga comble avec bonheur et talent les creux ou les omissions du temps.

Les récits de naufragés recueillis par les autochtones de contrées perdues n’ont rien d’exceptionnel, ni de forcément très original. Ils continuent d’alimenter une certaine littérature qui associe le vieux mythe du « bon sauvage » cher à Jean-Jacques Rousseau à une fibre gentiment écolo-bobo justifiant le retour à la nature de l’honnête homme soucieux d’échapper à la corruption et aux vices des sociétés industrielles. Aujourd’hui encore, le genre connaît toujours un beau succès. La critique de la société occidentale affleure au-delà d’un discours souvent empreint de naïveté et de bons sentiments. On n’échappe pas au découpage assez classique et fidèle aux lois du genre.

D’abord la séparation, l’éloignement de notre monde suite à un naufrage, un kidnapping ou une exploration qui a mal tourné. Vient ensuite la rencontre de peuplades isolées du monde et l’adoption du personnage par la communauté accompagnée d’une forte adhésion aux valeurs et au mode de vie local allant bien souvent jusqu’à la fondation d’une famille forcément multiculturelle. Le troisième temps est celui du retour, contraint ou volontaire. Le héros subit alors une seconde déchirure, un retour à la civilisation qui hésite bien souvent entre remords et regrets.
Bien que le triptyque de Chanouga entre dans ce schéma très classique, la beauté des images et le découpage du récit réussissent à maintenir la tension de cette épopée incroyable mais vraie !

Par un usage des couleurs et des plans très maîtrisé, Chanouga restitue les ambiances de son récit avec une belle efficacité.

Fleuron de la collection Cabestan (ni voiture, ni avion !) proposé par les éditions Paquet, ce cycle d’albums réalisés avec soin séduit autant par ses qualités graphiques et narratives que par la démarche de son auteur.

Passionné d’histoire et de marine, l’auteur, déjà remarqué avec De Profondis (publié chez le même éditeur en 2011) confirme non seulement un beau talent d’illustrateur (dessins et couleurs) mais un sens de la narration affûté. Par un recours habile à une construction de planches plus ou moins rythmée, alternant des dimensions de cases allant parfois jusqu’à la pleine page, l’auteur réussit à nous plonger dans une atmosphère très originale. Qu’il s’agisse des scènes de mer ou les descriptions d’une nature luxuriante et omniprésente, celle-ci dominant le récit tant sur le plan narratif que graphique.

Ce parti-pris vient en accompagnement de ce qui est au cœur de ce retour à l’état sauvage, dans sa beauté comme dans sa cruauté. La documentation historique qui sous-tend le scénario accrédite un discours solide et bienveillant, qui vise aussi à réhabiliter ce Robinson modeste et discret, trop vite oublié de l’histoire et des hommes. Un cahier documentaire en fin d’album dévoile ce qu’il en reste : quelques photos jaunies, un ouvrage épuisé et quelques articles de journaux de l’époque.
On ne boudera donc pas notre plaisir devant un album bien réalisé, techniquement parfait et à la narration fluide et efficace. Cette chronique souvent touche à l’émotion et parfois à la poésie par ses paysages et ses ambiances.

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

© Illustrations Chanouga – Editions Paquet 2016

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