Il faut s’arrêter un instant sur les pages de garde de ce livre : on y voit François Walthéry coincé entre deux colosses, au sens propre : ses scénaristes Mythic et Thierri Martens (je l’écris avec un « i », comme le fait Walthéry, alors que l’éditeur le crédite d’un « y »…). Le premier n’en est pas à son premier Natacha (il avait scénarisé Cauchemirage) et on lui doit aussi une collaboration avec Walthéry sur Rubine. Mais Mythic est surtout connu du grand public pour sa contribution à Alpha avec Jigounov et Halloween Blues avec Kas.
L’autre colosse est Thierry Martens, l’historique rédacteur-en-chef du Journal de Spirou entre 1968 et 1978 qui a contribué à accoucher la génération des auteurs comme Yslaire, Geerts, Frank et d’autres.
Martens et Mythic ne sont pas non plus des inconnus l’un pour l’autre puisqu’ils ont collaboré sur Archie Cash (dessin de Malik chez Dupuis) puis sur Aryanne (dessin de Michel Guillou chez Magic-Strip puis Loempia) alors que Martens signait sous le pseudonyme de Terence.
Inutile de dire qu’avec de tels contributeurs, il faut s’attendre à une BD d’une facture classique qui faisait le charme des années 1970. Et de ce côté-là, on n’est pas déçus. D’abord parce que le dessin de Walthéry est excellent. Ce dernier représentant de la génération des classiques de la BD belge, celle des Jijé, Morris, Franquin, Peyo, Tillieux, Will… dont le petit François était à la fois le chouchou et le cadet, n’a pas perdu la vigueur d’autrefois. Sa mise en page est dynamique et son pinceau endiablé, il suffit de voir la première page de l’album pour s’en convaincre. Le lecteur en a pour son argent : les vignettes fourmillent de détails et la bonne humeur est à chaque case, cela fait plaisir à voir.
Un scénario ingénieux
Quant au scénario, il a évidemment son côté bourrin avec sa suite de clichés éculés de l’aventure dont des nazis à la poursuite d’un trésor, son décor évoquant Le Mystère de la Grande Pyramide de Jacobs, ses saillies anti-féministes (proférées par Walter, évidemment) et ses mots d’auteurs plus ou moins réussis.
Mais cette bande n’utilise pas ici ces standards dans un sens parodique. C’est un album classique et qui le revendique. Ce qui donne un récit habilement troussé et très correctement appuyé sur une trame qui se tient d’un bout à l’autre. Les dialogues ne sont pas en reste. Ils percutent, se répondent, rebondissent. Un modèle du genre ingénieux jusque dans les motivations des personnages. Ainsi, le nazi de circonstance du flash-back introductif (nous sommes avant la guerre et le personnage central est la grand-mère de Natacha) explique-t-il cyniquement que sa motivation n’est pas le trésor du Pharaon : la spoliation des biens juifs, laisse-t-il entendre, est bien plus lucrative que ces antiquités, mais bien la puissance que peut lui apporter la science de l’Égypte ancienne.
Pour les 40 ans de son hôtesse de l’air, Walthéry rappelle qu’il reste un auteur qui compte.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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