Artiste culte, à la carrière nimbée d’autodestruction, Nick Cave aurait pu avoir un destin d’intellectuel pontifiant. Il a choisi la musique, et l’exacerbation de ses pulsions les plus violentes, avant, la maturité aidant, de canaliser ses idées noires et de les sublimer en chansons.
Devenu spécialiste des biographies imposantes (Fidel Castro, Johnny Cash) Reinhard Kleist s’est plongé dans cette vie tumultueuse avec son noir et blanc effervescent. Il illustre les chapitres de la carrière de Cave avec une énergie furieuse, un sens du mouvement sans cesse en avant. Et tout ce noir qui rôde dans chaque case épouse très justement les états d’âme de ce grand écorché.
La balade n’est donc pas de tout repos. Nick Cave a été au bord du gouffre plusieurs fois, sans d’ailleurs avoir cédé aux sirènes de la toxicomanie plus qu’un autre. Une forme de romantisme suicidaire plutôt. Kleist s’illustre notamment dans les scènes de concert, les débuts punks de Birthday Party, mais aussi dans les ambiances glaciales de Berlin où l’artiste a séjourné.
La réussite du biopic s’appuie aussi sur nombre d’échappées oniriques. On y entre dans l’univers créatif -et morbide- de Nick Cave sous forme de séquences fictives, de délires, de rêves éveillés... Autant de manières d’entrer aussi dans son inspiration.
Reste un parti-pris contestable de l’album : la citation en VO de textes de Cave sans traduction. Certes, on peut considérer que les amateurs auront un niveau d’anglais suffisant pour se débrouiller avec la langue de Shakespeare, mais était-il vraiment si difficile de traduire, si ce n’est entre les cases, ou en bas de page, au moins en appendice de fin d’album ? Le récit propose ainsi de nombreuses pages façon clip dessiné montrant Cave interprétant certaines chansons-clé (qui sont tout de même citées en dernière page).
Le chanteur australien n’a jamais été une vedette internationale. Sa vie chahutée semble avoir trouvé, la soixantaine pointant son nez, un équilibre salvateur. Cette biographie met en lumière un créateur radical et orgueilleux qui aurait, mine de rien, pu prétendre à un destin à la Bowie ou Bob Dylan.
(par David TAUGIS)
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