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Nicolas Mahler : le champion de la course

Par Manuel Roy le 22 avril 2012                      Lien  
{Lone Racer}, un des premiers albums de Nicolas Mahler, un auteur autrichien régulièrement publié par L’Association, vient d’être réédité chez Reprodukt en Allemagne. Une bonne occasion de parler de ce comique de génie dont il est trop peu question chez nous..
Nicolas Mahler : le champion de la course
Nicolas Mahler, Autoportrait

Il y a finalement peu de gens, même parmi les humoristes de métier, dont on peut dire qu’ils sont vraiment drôles. Beaucoup font rire, certes, mais, comme dirait l’autre, ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle. La vulgarité peut faire rire, ou alors l’absurde. On rit parfois pour ne pas pleurer, ou pour éviter de mourir d’effroi, comme certaines personnes se bidonnent devant les films d’horreur les plus terrifiants. Les blagues racistes ou sexistes, l’humour bête et méchant, qui ne sont jamais drôles, déclenchent malgré tout souvent le rire, etc.

Mais Mahler, lui, est authentiquement drôle. Il a ce rare talent. Et tout est drôle chez Mahler, à commencer par son dessin, qui fait rire en lui-même, indépendamment de ce que l’histoire raconte, comme il suffit de voir Charlie Chaplin ou Woody Allen, peu importe ce qu’ils font, pour pouffer de rire. Cette manière extraordinaire de peintre des univers entiers en quelques traits, ces personnages sans yeux ni bouche, ces femmes rectangulaires aux coiffures fantastiques, ces paysages tout en bâtonnets : c’est bien simple, moi je me tirebouchonne.

"Avant c’était moi le champion."
Nicolas Mahler, Lone Racer ©
Reprodukt, 2011

Bien entendu je ne suis pas le seul. La preuve, Lone Racer, par exemple, pour s’en tenir à cet album, a été traduit en français et publié par l’Association en 1999. Il est aussi paru en anglais chez Top Shelf Productions en 2006. Mais je sais aussi qu’il y a des gens qui ne goûtent pas l’humour de Mahler, qui n’apprécient pas son dessin. De penser à ça, de savoir qu’un grand nombre de personnes ne comprend pas qu’on puisse s’enthousiasmer pour ses bonhommes-allumettes, ça me laisse songeur, et triste un peu. Je me demande comment ça se fait. Et j’éprouve de la compassion pour eux. J’aimerais bien pouvoir leur dire quelque chose pour leur venir en aide, leur expliquer...

Lone Racer auprès de sa femme à l’hôpital...
Nicolas Mahler, Lone Racer ©
Reprodukt, 2011

Mais en y réfléchissant, je me dis que ce n’est peut-être pas nécessaire, après tout, puisque Lone Racer, d’une certaine manière, contient déjà en lui-même cette explication. En fait, c’est de ça dont parle le bouquin : il constitue tout entier, comme par anticipation, la réponse aux objections que lui opposeraient ses détracteurs.

Je vous raconte en vitesse : Un coureur automobile en fin de carrière, jadis champion incontesté, fait maintenant la risée des jeunes générations de casse-cous qui, à chaque course, pulvérisent de nouveaux records au péril de leur vie.

Sa femme souffrant d’une maladie qui la cloue sur un lit d’hôpital et la prive peu à peu de son jugement, sa vie de couple s’écroule également petit à petit. Du coup, c’est la loose complète, il abandonne la course et cherche à s’oublier dans l’alcool avec quelques vieux copains, des épaves comme lui...

Jusqu’à ce qu’un jour, il décide de se reprendre en mains : il se persuade qu’il peut de nouveau gagner. Il abandonne son mode de vie déréglé, s’entraîne jour et nuit, retrouve sa forme d’antan et reprend sa place dans la mêlée de départ.

En réalité, il n’a aucune chance, mais les autres coureurs conduisent tellement dangereusement qu’ils meurent tous dans de terribles accidents, lui cédant le podium au grand complet.

Il court alors à l’hôpital pour apprendre la formidable nouvelle à sa femme, mais elle n’y croit pas, elle croit que c’est une plaisanterie...

C’est clair, non ? Non ?

(par Manuel Roy)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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9 Messages :
  • Plutôt oiseux... ça fait rire mais ce n’est pas drôle... mouais. Mais si c’est drôle et que ça ne fait pas rire ?
    Je crois surtout que l’humour est quelque chose de très subjectif, chacun le sien.

    Si on ne lit pas l’allemand les pages présentées laissent de glace, c’est dommage.

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    • Répondu par lebon le 23 avril 2012 à  08:40 :

      un génie ? je le lisais dans le journal éphémère de Pajak (7,6,5, semaines avnat l’élection), disons que c’est spécial pas souvent drôle, ça s’adresse à un public restreint et surtout il faut d’abord parler du génie qui l’inspire c’est à dire Philippe Becquelin alias Mix et Remix qui lui est génial, ses dessins minimalistes servent toujours l’idée. Mix et Remix ne fait pas le malin, il ne prend pas la pose pour les galeristes, il travaille en télé ou dans la presse pour un large public ce qiu évidement le disqualifie pour une élite qui détient le jugement suprême.

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    • Répondu par lebon le 23 avril 2012 à  08:48 :

      les minimalistes ont le vent en poupes c’est la nouvelle mode, voilà ce qu’il faut faire en plus c’est vite torché et on peut faire le malin en disant que c’est l’idée qui compte vous passer pour super intelligent. Dans quelques mois ont va voir pousser sur les tables encombrées des libraires, les nouveaux produits d’une nouvelle vague de tout publiable à vos crayons jeunes bourssouflés de votre propre importance.
      Et Vivès là-dedans ? mais c’est ringard mon bon monsieur ! on ne travaille plus comme ça voyons.

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      • Répondu par Sergio Salma le 23 avril 2012 à  20:44 :

        Cher Lebon, chaque fois que vous intervenez, on n’est pas d’accord. Les minimalistes ont toujours pullulé. Vous confondez tout c’est pas grave et même si nos goûts différent vous oubliez un élément essentiel. Vous semblez craindre un envahissement , une déferlante de ces auteurs qui dessinent plus vite que leur ombre. Vous oubliez qu’il y a pourtant des centaines d’auteurs qui ne sont pas de cette école. Vous y êtes allergique, du coup vous en voyez partout. Mais en réalité, ils sont toujours dans la même proportion, leur nombre n’a pas augmenté, comparativement ; il y aura toujours des obsédés du détail, des fous de la couleur, du volume, du moindre boulon. Des amateurs de perspective et d’hyper-réalisme . Mais comme il y a de plus en plus de nouveautés, 3000, 4000, 5000, 5300 en 2011, il y a forcément davantage de tout. Donc plus de dessinateurs au style très simplifié. Je crois quand même que vous avez un gros souci en les imaginant "boursouflés de leur propre importance". La très grande majorité des auteurs que je connais sont maladivement mécontents de leur travail, dans un doute permanent .

        D’ailleurs, êtes-vous sûr que cette forme de dessin ne demande parfois pas quelques compétences techniques ? Puis êtes-vous sûr que tous les dessinateurs qui aiment à synthétiser( ou qui n’ont pas le choix) travaillent vraiment plus vite que les coupeurs de trait en quatre ?

        Mais des commentateurs violents qui mordent pour le plaisir de mordre, sans RIEN savoir , ça oui il y en a beaucoup aussi parce que l’âme humaine est ainsi faite, on prendra plus facilement la parole pour démolir que pour encenser. Ça vous permet aussi d’exister quelques secondes sur la toile, dommage que ce soit pour montrer votre plus moche facette .

        Montrent-ils leur arrogance ou bien êtes-vous un tantinet complexé ? Sont-ils sur un piédestal ou bien êtes-vous en train de vous enfoncer dans la fange ? Réglez donc votre rapport aux autres( empathie, compréhension, curiosité...) ou alors soyez beaucoup plus méchant que ça. Puis soignez votre orthographe aussi tant qu’à faire.

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      • Répondu le 25 avril 2012 à  13:14 :

        Rattacher l’écriture de Nicolas Mahler à un quelconque effet de mode paraît vraiment très pertinent.
        Le minimalisme est bel et bien une hype : Matisse, Copi, Reiser (pour ne citer qu’eux)avaient juste compris avant tout le monde comment "faire le malin en disant que c’est l’idée qui compte vous passer pour super intelligent".

        Allez, on (re)lit L’Art selon Mme Goldgrüber paru en 2005 à L’Association. ça vaudra mieux.

        Bisous

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        • Répondu par Ludo le 25 avril 2012 à  15:05 :

          Ni Matisse,ni Copi,ni Reiser, ni Steinberg, ni Segar ne faisaient leurs malins, vous avez une vision particulièrement stupide des artistes.

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  • Nicolas Mahler : le champion de la course
    30 avril 2012 11:26, par Zebra

    En ce qui me concerne, les auteurs maximalistes qui confondent le dessin avec la photographie me déplaisent plus que les auteurs minimalistes comme Hergé ou Mahler. Je peux pas sacquer Moebius, par exemple. Mais ce n’est pas le problème. Le problème, c’est : Mahler est-il comique ou pas ? Et là, je crois que les planches reproduites ici ne lui rendent pas justice. "L’Art selon Mme Goldgruber" m’a bien plu ; son album le plus récent, beaucoup moins. Quoi qu’il en soit, c’est un genre de comique difficile à juger sur une planche, contrairement au comique de Reiser, Chaval ou Wischinski.

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