Méconnue par la communauté internationale, la minorité religieuse Ezidie (Yézidie en arabe) a subi de nombreux massacres au cours des dernières années, et a même perdu son territoire avant de parvenir à le reconquérir grâce à l’aide des Kurdes. Elle tente de survivre sur un territoire dont l’autonomie est sans cesse remise en question, en appliquant les principes du confédéralisme démocratique kurde, dans lequel les femmes sont considérées comme les égales des hommes : un avant-gardisme qui tranche avec bien des clichés projetés sur cette région du monde.
Pris en étau entre les diplomaties irakienne et turque, qui souhaitent toutes deux anéantir leur modèle de fonctionnement et leurs espoirs, les habitants de Shengal subissent encore des bombardements incessants. En miroir, leur résistance interroge l’Occident sur sa passivité et ses complicités.
L’ouvrage se construit autour du périple de l’auteur, accompagné d’une équipe de militants : de son attachement aux Kurdes qui, depuis l’Italie, lui demandent de documenter une nouvelle cause, à la traversée de territoires lointains où on ne sait pas très bien distinguer les alliés des ennemis, tant les enjeux de pouvoirs politiques, religieux et territoriaux sont enchevêtrés dans des réseaux d’alliances complexes.
Le récit est entrecoupé de scènes en noir et blanc sur deux pages qui illustrent les exactions subies par les Ézidis et apportent gravité et solennité à un récit qui, par ailleurs, ne manque pas d’humour et d’autodérision (et qui est même parfois excessivement autocentré), ce qui permet de désamorcer la noirceur des situations vécues.
Zerocalcare raconte notamment en fil rouge ses problèmes de sommeil qui justifient le titre de l’ouvrage, entre l’évocation des femmes violées et des hommes disparus, au risque, par moments, de diluer le message politique qu’il souhaite transmettre.
(par Damien Boone)
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