C’est un livre très riche que NonNonBâ, signé de l’un des grands noms de la bande dessinée japonaise, Shigeru Mizuki. Il mêle en effet chronique familiale, récit d’initiation et incursions dans le merveilleux, par l’intervention récurrente de yôkaï, ces petits êtres comparables aux lutins, qui prennent mille formes, mille attributs, mille fonctions diverses dans la tradition populaire japonaise.
C’est avant tout à une réflexion sur la vie, à travers l’apprentissage qu’en fait le jeune héros Shigeru (l’album est largement autobiographique), que nous convie l’auteur. On y apprend ainsi des parents : le père, inoubliable farfelu, intellectuel philosophe et un brin mythomane qui, d’employé de banque dilettante, se mue un beau jour en gérant de cinéma pour répandre la culture dans sa petite province… La mère aussi, fière de ses origines familiales prestigieuses et inquiète du caractère fantaisiste de son époux, mais qui, par amour, finit toujours par le suivre dans ses choix.
La principale source d’enseignement pour Shigeru reste cependant NonNonBâ, une vieille femme très pieuse, qui survit en louant ses services comme femme de ménage ou garde-malade. Intarissable sur le sujet des yôkaï – il y en a partout, à chaque épisode de la vie, des bienveillants, des plus dangereux, et la vieille femme connaît les « trucs » pour s’en protéger –, elle raconte des histoires qui fascinent un petit garçon avide de mondes imaginaires et qui passe beaucoup de temps à dessiner entre deux bagarres avec ses copains.
La morale de NonNonBâ, que l’on pourrait qualifier de fataliste, peut aussi être vue comme respectueuse des équilibres de la vie, des réalités visibles comme invisibles. De même, le père de Shigeru lui transmet une vision de l’existence à la fois détachée et épicurienne. L’un et l’autre l’aideront à surmonter ces douleurs qui « font grandir le cœur ». Sans s’en apercevoir, Shigeru aura mûri, et le lecteur avec.
(par Arnaud Claes (L’Agence BD))
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