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Olivier Grenson : "Dufaux parvient à me garder dans une motivation constante, de la première planche à la dernière"

Par Nicolas Anspach le 5 janvier 2007                      Lien  
Après avoir mis fin à la série {Carland Cross} (Sc: Michel Oleffe) qui fut adapté en dessins animés en 1998, {{Olivier Grenson}} s’est associé avec {{Jean Dufaux}} pour créer {Niklos Koda}, une série alliant le thriller à la magie et au fantastique. Son style réaliste ayant atteint une certaine maturité, l’auteur s’impose aujourd’hui de nouveaux défis.

Les quelques pages qu’il a réalisées en couleur directe, avec chaleur et brio, dans les séquences de flash back de Niklos Koda l’on convaincu d’utiliser cette technique pour l’un de ses prochains projets.

Olivier Grenson : "Dufaux parvient à me garder dans une motivation constante, de la première planche à la dernière"Avec Niklos Koda, dont le huitième album est sorti à la fin de l’année dernière, on découvre un dessinateur d’atmosphère. Jean Dufaux a l’habitude de révéler ses collaborateurs. En est-il responsable ?

Ce n’est pas impossible ! Niklos Koda est le fruit de notre rencontre et de nos envies. Après avoir passé quelques années à illustrer Carland Cross, je souhaitais évoluer et adopter un graphisme plus élégant, alliant force et finesse. La maturité m’a certainement aidé à atteindre cet objectif. En fait, lorsque j’illustrais cette dernière série, j’avais déjà l’impression de réaliser des bandes dessinées réalistes. Or, je constate aujourd’hui à quel point mon style était proche du registre humoristique. Cela s’explique par le fait que, dans mon enfance, j’avais souhaité dessiner des récits humoristiques. J’étais fort imprégné par le graphisme de Morris, d’Uderzo ou de Franquin

Uderzo et Morris ont réalisé de nombreuses caricatures dans leurs œuvres. Est-ce eux qui vous ont donné envie d’utiliser un trait plus caricatural dans Carland Cross ?

Sans doute ! Avant de devenir professionnel, je nourrissais l’ambition de publier dans le journal Spirou aux côtés de Wasterlain, Franquin ou Morris. Finalement, je me suis retrouvé dans le journal Tintin en réalisant des bandes dessinées humoristiques. Mais les auteurs que je rencontrais me poussaient vers le réalisme. A l’époque de Carland Cross, je percevais mon style comme étant d’un réalisme proche de la littérature anglo-saxonne. J’ai toujours eu envie d’insister sur les physiques des personnages secondaires. Je voulais les mettre en avant. C’était ce type de personnage que je préférais dessiner. C’est pour cette raison qu’ils sont généralement plus caricaturaux.

Avez-vous parlé de votre style avec Jean Dufaux en commençant votre collaboration ?

Oui. Il voulait que je garde ce dessin semi-réaliste fort typé. Mais je savais que je devais réaliser un travail sur moi-même et amener mon trait vers encore plus de réalisme, sans pour autant adopter un style proche de la photographie.
En fait, mon style s’adapte à l’histoire. Je travaille aujourd’hui sur trois projets différents : Le neuvième Niklos Koda, ensuite un diptyque scénarisé par Denis Lapière et enfin, un projet personnel. Je travaille de manière différente pour chacun de ces trois projets. J’arrive à passer de l’un à l’autre sans me poser de question. De l’encrage traditionnel pour Niklos Koda, à la couleur directe pour le diptyque, et enfin un style plus esquissé pour mon projet personnel.

Croquis pour Niklos Koda T8
(c) Grenson, Dufaux & Le Lombard

Peut-on revenir sur le travail des atmosphères de Koda ?

Le contexte du récit implique les atmosphères. A vrai dire, je suis aujourd’hui plus influencé par le cinéma que par la BD. J’adore les vieux films américains et allemands tournés en noir & blanc. Ceux où le cadrage, les décors, et les lumières apportent une certaine ambiance. Je songe notamment au Cabinet du Docteur Caligari.
Niklos Koda est une série contemporaine très réaliste qui ne permet pas d’exploiter les jeux d’ombre et déformations expressionnistes. Par contre, au travers les atmosphères, mon dessin pouvait se réaliser. J’essaie d’associer mon coloriste Bertrand Denoulet à cette recherche.

Et Jean Dufaux ?

Evidemment ! Dès la création de la série, d’ailleurs. Je percevais Niklos Koda comme un personnage à l’attitude nonchalante, dégagée et hautaine… Tout en étant un grand séducteur ! Je voulais m’impliquer personnellement dans cette série, et surtout que Jean Dufaux soit influencé par mon graphisme.

Croquis pour Niklos Koda T8
(c) Grenson, Dufaux & Lombard.

Vous communiquez beaucoup ensemble ?

Je n’ai pas de synopsis. Mais il parvient à me garder dans une motivation constante, de la première planche à la dernière. Je reçois le scénario en trois parties. Jean habite à une vingtaine de kilomètres de chez moi. Nous nous voyons donc régulièrement pour discuter de la mise en scène. Il tient compte également de mes réactions et de mes idées dans la suite qu’il apporte au récit…

Jean Dufaux a étudié le cinéma. C’est sans doute pour cela qu’il désire intervenir dans la mise en scène …

Jean est incontestablement un homme de l’image. Il porte un regard visuel à l’histoire. Les meilleurs scénaristes en bande dessinée sont ceux qui ont une vision de l’organisation et de l’espace de la planche. Jean gère merveilleusement bien le rythme de l’histoire en alternant les pages bavardes et les planches plus visuelles.

Vous dévoilez peu à peu le passé de Niklos Koda… Etait-il déterminé dès le début qu’il aurait un enfant ?

A vrai dire, Jean m’a surpris lorsqu’il m’a parlé de cette idée. Je ne m’y attendais vraiment pas. J’ai apprécié que nous nous attardions sur le passé de Koda dans Hali Mirvic. J’aimerai réitérer ce type de flash back à l’avenir. Ces planches, où nous retrouvions Koda plus jeune, me permettaient de donner une autre dimension à l’histoire en adoptant un graphisme plus velouté, plus flou.
Ceci dit, nous continuerons à développer le passé de Niklos Koda. Aujourd’hui, on ne peut pas ne pas se pencher sur la psychologie d’un personnage principal sans aborder son passé. Si on veut le connaître, on doit retourner à ses sources… Et gratter pour arriver à ses faiblesses et à ses failles.

Extrait du projet avec Denis Lapière
(c) Grenson, Lapière & Dupuis.

Vous n’avez pas envie de passer à la couleur directe pour Niklos Koda ?

Oui. La couleur directe me semble plus naturelle. Je vais probablement le faire, mais tiens à tenir jusqu’au dixième album avec la technique traditionnelle. Le temps également de réaliser le diptyque que je prépare avec Denis Lapière. Je souhaite marquer une différence visuelle entre ces deux univers.

Vous nous disiez que vous alliez réaliser un projet en solo…

J’ai dessiné sept albums de Carland Cross et huit de Niklos Koda. Lorsque j’ai commencé à réaliser des bandes dessinées, je voulais avant tout raconter des histoires. Mais j’ai dû rapidement mettre de côté mes envies scénaristiques pour me donner du temps pour progresser au niveau graphique. Michel Oleffe et Jean Dufaux m’ont aidé à me réaliser. J’écris actuellement un diptyque qui devrait compter au total une centaine de page. Entre temps, je dois terminer les deux Aire Libre avec Denis Lapière, tout en réalisant un Niklos Koda par an.

L’écriture était un besoin ?

Oui. Même si, d’une certaine façon, je m’approprie les scénarios pour les mettre en scène. J’aime retrouver des éléments qui me correspondent dans les scénarios de Jean. Il s’adapte aux besoins de ces collaborateurs, même s’il bâtit sa propre œuvre.

Vous semblez être gourmand, avoir de nombreuses envies …

J’ai toujours eu plusieurs activités à côté de la bande dessinée. J’ai été présentateur et chroniqueur dans une émission télévisée pendant quelques années. Je donne toujours des cours de bande dessinée à l’ERG.
Mais je me sens aujourd’hui plus serein pour me concentrer aujourd’hui sur la bande dessinée…

Étude préparatoire pour le projet personnel
(c) Olivier Grenson

Vous préparez un hors-série de Niklos Koda …

Il sortira en même temps que le neuvième album. Au point de vue graphique, il contiendra des éléments existants (illustrations, ex-libris) ainsi que des dessins inédits. Jean doit encore en réaliser le travail d’écriture. Nous aimerions réaliser quelque chose de différent que ce qu’il a fait pour les albums hors série de Djinn et de Rapaces. Nous avons trouvé un angle intéressant qui devrait séduire les personnes qui sont attachées à l’univers de la série…

Concernant votre projet avec Denis Lapière, vous avez souhaité qu’il change le lieu où se déroule l’histoire… Il pensait la situer en Bretagne… [1]

En effet. J’ai demandé à Denis qu’il la modifie pour qu’elle se passe dans la région hennuyère. Je suis né à Charleroi et j’ai vécu à Marcinelle. Je me suis réapproprié son univers en lui demandant de changer l’encrage de ses personnages. Si nous voulons que l’héroïne ait un vécu, il me semblait important de tenir compte de cet environnement. De plus, elle me ressemble. Nous racontons la vie d’une femme qui est jolie, ambitieuse et qui envie de partir de sa région natale pour se réaliser…

Qu’est ce qui vous plaisait dans ce projet ?

L’écriture de Denis ! Et puis la manière dont il développe le personnage féminin. Il arrive à faire passer beaucoup de sensibilité et d’émotion dans son écriture. J’ai beaucoup aimé Le Tour de Valse et Un peu de Fumée Bleue.

Pourriez-vous lever le voile sur cette histoire ?

Julie a donc envie de quitter son bled pourri et d’améliorer son train de vie. Mais à trente-cinq ans, elle se retrouve en prison. Le récit commence dans sa cellule. Elle fait le point sur son existence. Parallèlement aux flashes-back et à sa vie carcérale, nous suivrons son procès où différents protagonistes témoigneront. Denis a habillement construit la structure narrative de ce récit. La personnalité de Julie sera traitée de trois points de vue différents (la prison, le procès et les flashes-back)… Le premier tome devrait sortir en mai 2008 !

Et votre projet en solo ?

Il est encore un peu tôt pour en parler en détail. Mais il s’agit de l’histoire d’un orphelin américain de vingt-six ans qui va revivre un passé oublié malgré lui. Il va réaliser une promesse faite à Martha, sa grand-mère qui l’a élevé. Cette histoire est une tranche de vie qui s’inscrit dans l’Histoire. Une histoire mélangeant la guerre, le communisme, l’amour, la haine, la déchirure et la disparition d’un être qui s’est engagé pour la vie et pour la mort … Le récit se déroulera en Corée, pendant la guerre et aujourd’hui.

(par Nicolas Anspach)

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Le site officiel d’Olivier Grenson

Photo de l’auteur : (c) Nicolas Anspach - Reproduction interdite sans autorisation préalable.

[1En Juillet dernier, Denis Lapière nous parlait de cette collaboration avec les mots suivants : « Mes histoires doivent correspondre au dessinateur avec lequel je suis associé. Je travaille actuellement sur un récit unique qui se déroulera dans le Hainaut Belge. Or, mon synopsis initial prévoyait que cette intrigue aurait pour cadre la Bretagne. Mon histoire et mon écriture ont évolué car le dessinateur est originaire de cette région, et il souhaitait l’illustrer...  »

 
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