En quoi la bande dessinée intéresse-t-elle le CNC ?
Le 9ème art est, de très longue date, une source d’inspiration pour les créateurs du cinéma et de l’audiovisuel. Le cinéma et surtout les séries recherchent des auteurs de qualité et vont régulièrement les chercher à l’étranger. Nous pensons donc qu’il faut encourager les nouvelles générations d’auteurs français capables de circuler de façon agile d’un genre à l’autre : de l’écrit à l’audiovisuel, de la bande dessinée au cinéma.
Par ailleurs, diversifier le profil des auteurs c’est aussi diversifier les œuvres ! Or, la préoccupation majeure pour le CNC, c’est de voir le jeune public se détourner de la création française. La moyenne d’âge des spectateurs d’une fiction télévisée nationale s’établit à 63 ans et celui des salles de cinéma à 53 ans ! Il est vrai que les salles n’ont jamais été aussi fréquentées qu’aujourd’hui, mais le public de moins de 25 ans ne représente plus que 28% des entrées contre 38% voici dix ans…
Et ces jeunes ne vont quasiment plus voir de films français, mais des films américains et particulièrement les franchises de Disney, de Pixar… Il faut renouer avec ce public et pour cela le surprendre, l’émerveiller, mais aussi lui faire des propositions artistiques qui soient en phase avec ses préoccupations. Il faut lui prouver que la création la plus inventive ne loge pas seulement du côté du jeu vidéo ou… de la bande dessinée !
Le président de la République Emmanuel Macron et le ministre de la culture Franck Riester l’ont souligné ici même : il faut considérer ce métier d’auteur de façon globale, sans cloisonnement par genres. Le ministre annoncera dans quelques jours, dans la foulée du rapport de Bruno Racine, un grand plan en faveur des auteurs, qui s’inscrira dans cette logique de décloisonnement.
D’où l’idée d’une résidence spécifique pour les auteurs de bandes dessinées où ils bénéficieront des conseils de professionnels de l’audiovisuel…
Notre résidence pour les auteurs de bandes dessinées qui souhaitent travailler pour le cinéma participe à cette logique. Ce n’est qu’un début bien entendu : comme l’a exprimé le président du CNC, Dominique Boutonnat, à l’occasion de ses vœux, trop de films ou de séries souffrent aujourd’hui de faiblesses dans leur écriture. Les raisons sont multiples, mais il est déjà évident que cette phase de l’élaboration des œuvres est trop peu financée. Le CNC va donc orienter davantage son action en direction des auteurs de l’écriture : c’est un des chantiers de la « revue générale » de nos soutiens, que nous effectuerons en 2020.
Quelles sont les modalités de cet engagement ?
En partenariat avec la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, nous lançons un appel à candidatures pour sélectionner cinq auteurs de bandes dessinées désireux d’entreprendre un projet de création audiovisuelle. La date limite de dépôts des dossiers est fixée au 9 mars, les lauréats seront proclamés le 30 mars.
S’ensuivront trois sessions d’une semaine de travail réparties sur cinq mois. Au cours de cette période, les cinq auteurs bénéficieront d’un atelier et d’un hébergement à Angoulême, ainsi que d’une bourse de 1000 euros sous forme de droits d’auteur (les déplacements jusqu’à Angoulême seront également pris en charge, NDLR). La restitution des projets interviendra à la fin du mois d’août devant un jury de professionnels du cinéma lors du Festival du film francophone d’Angoulême.
Annoncer cette résidence en préambule de la présentation de Culottées en série animée adaptée de la bande dessinée de Pénélope Bagieu représente un autre symbole ?
Introduire plus de diversité dans les œuvres suppose également plus de diversité dans les équipes artistiques. À cet égard, la problématique de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la création cinématographique et audiovisuelle est majeure. Ce sera un objectif essentiel que le CNC poursuivra dans les années qui viennent.
Nous avons déjà créé un bonus de financement pour les films dont les équipes sont paritaires et depuis le début 2019, 20 % des films ont perçu ce bonus. En tant qu’opérateur public, nous devons poursuivre non seulement les objectifs d’intérêt général propre à notre secteur (retrouver le jeune public ou encore favoriser l’exportation de nos œuvres), mais également ceux qui constituent des priorités de l’action du gouvernement en général : la parité en est un, le développement durable en est un autre, pour ne prendre que deux exemples parmi les plus significatifs. La « revue générale » de nos soutiens, en 20020, sera l’occasion de consacrer plus clairement des objectifs de cette nature.
Propos recueillis par Laurent Mélikian.
Voir en ligne : L’appel à projets du CNC et la de Cité internationale de la BD
(par Laurent Melikian)
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Cet interview a été initialement publiée dans l’hebdomadaire Écran Total. Nous la publions avec leur accord.
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