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Olivier Henrard, DG du CNC : « Pour les auteurs de BD qui souhaitent se lancer dans le cinéma... »

Par Laurent Melikian le 27 février 2020                      Lien  
À quelques jours des Césars, le cinéma français subit des remous systémiques et la bande dessinée a peut-être un rôle à jouer dans ses développements futurs. Le Directeur général du Centre national de la cinématographie et de l’image animée -organisme régisseur de l’activité cinématographique nationale- était présent au dernier FIBD d’Angoulême, pour annoncer une aide spécifique aux autrices et auteurs de BD. L’annonce avait lieu en introduction d’une table-ronde autour de l’adaptation pour la télévision des « Culottées » de Pénélope Bagieu. Un double symbole.

En quoi la bande dessinée intéresse-t-elle le CNC ?

Le 9ème art est, de très longue date, une source d’inspiration pour les créateurs du cinéma et de l’audiovisuel. Le cinéma et surtout les séries recherchent des auteurs de qualité et vont régulièrement les chercher à l’étranger. Nous pensons donc qu’il faut encourager les nouvelles générations d’auteurs français capables de circuler de façon agile d’un genre à l’autre : de l’écrit à l’audiovisuel, de la bande dessinée au cinéma.

Par ailleurs, diversifier le profil des auteurs c’est aussi diversifier les œuvres ! Or, la préoccupation majeure pour le CNC, c’est de voir le jeune public se détourner de la création française. La moyenne d’âge des spectateurs d’une fiction télévisée nationale s’établit à 63 ans et celui des salles de cinéma à 53 ans ! Il est vrai que les salles n’ont jamais été aussi fréquentées qu’aujourd’hui, mais le public de moins de 25 ans ne représente plus que 28% des entrées contre 38% voici dix ans…

Olivier Henrard, DG du CNC : « Pour les auteurs de BD qui souhaitent se lancer dans le cinéma... »
Avec Pénélope Bagieu, quelques minutes avant la présentation de Culottées, la série (à partir du 8 mars sur France 5)
Photo : © L Mélikian

Et ces jeunes ne vont quasiment plus voir de films français, mais des films américains et particulièrement les franchises de Disney, de Pixar… Il faut renouer avec ce public et pour cela le surprendre, l’émerveiller, mais aussi lui faire des propositions artistiques qui soient en phase avec ses préoccupations. Il faut lui prouver que la création la plus inventive ne loge pas seulement du côté du jeu vidéo ou… de la bande dessinée !

Le président de la République Emmanuel Macron et le ministre de la culture Franck Riester l’ont souligné ici même : il faut considérer ce métier d’auteur de façon globale, sans cloisonnement par genres. Le ministre annoncera dans quelques jours, dans la foulée du rapport de Bruno Racine, un grand plan en faveur des auteurs, qui s’inscrira dans cette logique de décloisonnement.

D’où l’idée d’une résidence spécifique pour les auteurs de bandes dessinées où ils bénéficieront des conseils de professionnels de l’audiovisuel…

Notre résidence pour les auteurs de bandes dessinées qui souhaitent travailler pour le cinéma participe à cette logique. Ce n’est qu’un début bien entendu : comme l’a exprimé le président du CNC, Dominique Boutonnat, à l’occasion de ses vœux, trop de films ou de séries souffrent aujourd’hui de faiblesses dans leur écriture. Les raisons sont multiples, mais il est déjà évident que cette phase de l’élaboration des œuvres est trop peu financée. Le CNC va donc orienter davantage son action en direction des auteurs de l’écriture : c’est un des chantiers de la « revue générale » de nos soutiens, que nous effectuerons en 2020.

Rencontre sur la BD et le cinéma à Angoulême. (De g. à dr.) Joseph Jacquet, responsable R&D animation de France télévision, Priscilla Bertin, productrice chez Silex films, Isabelle Motrot, modératrice, Pénélope Bagieu, Phuong Mai Nguyen et Charlotte Cambon de la Valette, réalisatrices, Émilie Valentin et Élise Benroubi, scénaristes.
© L Mélikian.

Quelles sont les modalités de cet engagement ?

En partenariat avec la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, nous lançons un appel à candidatures pour sélectionner cinq auteurs de bandes dessinées désireux d’entreprendre un projet de création audiovisuelle. La date limite de dépôts des dossiers est fixée au 9 mars, les lauréats seront proclamés le 30 mars.

S’ensuivront trois sessions d’une semaine de travail réparties sur cinq mois. Au cours de cette période, les cinq auteurs bénéficieront d’un atelier et d’un hébergement à Angoulême, ainsi que d’une bourse de 1000 euros sous forme de droits d’auteur (les déplacements jusqu’à Angoulême seront également pris en charge, NDLR). La restitution des projets interviendra à la fin du mois d’août devant un jury de professionnels du cinéma lors du Festival du film francophone d’Angoulême.

Annoncer cette résidence en préambule de la présentation de Culottées en série animée adaptée de la bande dessinée de Pénélope Bagieu représente un autre symbole ?

Introduire plus de diversité dans les œuvres suppose également plus de diversité dans les équipes artistiques. À cet égard, la problématique de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la création cinématographique et audiovisuelle est majeure. Ce sera un objectif essentiel que le CNC poursuivra dans les années qui viennent.

Nous avons déjà créé un bonus de financement pour les films dont les équipes sont paritaires et depuis le début 2019, 20 % des films ont perçu ce bonus. En tant qu’opérateur public, nous devons poursuivre non seulement les objectifs d’intérêt général propre à notre secteur (retrouver le jeune public ou encore favoriser l’exportation de nos œuvres), mais également ceux qui constituent des priorités de l’action du gouvernement en général : la parité en est un, le développement durable en est un autre, pour ne prendre que deux exemples parmi les plus significatifs. La « revue générale » de nos soutiens, en 20020, sera l’occasion de consacrer plus clairement des objectifs de cette nature.

Propos recueillis par Laurent Mélikian.

Voir en ligne : L’appel à projets du CNC et la de Cité internationale de la BD

(par Laurent Melikian)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Cet interview a été initialement publiée dans l’hebdomadaire Écran Total. Nous la publions avec leur accord.

Angoulême 2020
 
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19 Messages :
  • Pas convaincu que la diversité ne soit qu’une question de sexe.

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    • Répondu par Fred le 27 février 2020 à  15:16 :

      C’est bien une remarque de mec ça !

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    • Répondu par Laurent Melikian le 27 février 2020 à  21:10 :

      Les propos d’Olivier Henrard sont bien justement plus divers que la parité entre les hommes et les femmes. Merci d’en prendre connaissance.

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      • Répondu le 28 février 2020 à  10:09 :

        J’entends bien. Ce que je crois, c’est que l’origine sociale est bien plus déterminante encore que le sexe de la personne.

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  • C’est ça l’idée de génie du CNC à l’heure du streaming sur internet.
    La télévision : la boite à mémé et pépé.
    Olivier Henrard parle du jeune public en se rapportant aux entrées cinéma. Une visite dans une école avec des enfants me semble plus pertinente pour envisager une stratégie.
    Ce qui est surprenant, c’est qu’avec la qualité des écoles de film d’animation en France, on ne trouve personne qui est des idées pour faire des films. Peut être parce que toutes ces écoles (pour la plus grande partie privée) aux prix élévés ne s’adressent plus qu’a une catégorie sociale aisée de population française.
    Sinon, Culoté c’est sympathique mais sans plus. Dans Spirou il y avait les histoires de l’oncle paul racontant le périple de personnage connu. Les histoires de tante Paulette comme titre aurait mieux convenu.

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    • Répondu par Fred le 28 février 2020 à  13:53 :

      Sinon,Culoté c’est sympathique mais sans plus.

      Ca doit être parce que c’est sympathique mais sans plus que Pénélope Bagieu a remporté le Eisner Awards du meilleur album adapté en langue anglaise pour Brazen (Les Culottées).

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      • Répondu le 28 février 2020 à  17:07 :

        Les ricains viennent de découvrir que les femmes peuvent penser et qu’elles ne veulent plus se faire tripoter par des gros dégueulasses avec Mee too. L’album est arrivé à point nommé dans une société américaine qui ne supporte pas un têton de femme. Si cela peut aider à changer les mentalités tant mieux.
        Sinon le contenu propre de les culottées c’est des biographies. C’est sympathique mais c’est loin de faire une grande oeuvre.

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      • Répondu le 28 février 2020 à  17:12 :

        Probablement. Culottées, ce ne sont jamais que des fiches Wikipédia sur des femmes célèbres mises en BD. C’est cette vacuité qui rebondit facilement sur l’actualité qui fait la force de Madame Bagieu. Juste ce qu’il faut pour plaire au plus grand nombre. À la fois féministe, consommatrice, écologiste, pour les paillettes, la défense des auteurs pauvres et pas mal de narcissisme. Et c’est ce phénomène affligeant que les médias et politiques mettent en avant comme exemple à suivre. Quelle époque merveilleuse !

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      • Répondu le 28 février 2020 à  17:46 :

        D’accord, il y a un prix, mais ça ne fait pas tout. Comme pour le film "Joséphine", adapté de sa BD et qui n’a pas été un grand succès cinématographique...

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      • Répondu par kyle william le 28 février 2020 à  19:02 :

        Culottées a obtenu un prix prestigieux mais il n’en ressort pas moins de la catégorie des livres élaborés sur Wikipedia.

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        • Répondu par Fred le 29 février 2020 à  17:43 :

          La misogynie n’est pas morte !

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          • Répondu le 29 février 2020 à  22:23 :

            je crois que Fred est amoureux et que son amour le rend aveugle

            Répondre à ce message

          • Répondu par kyle william le 29 février 2020 à  22:57 :

            Des hommes en font aussi.

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          • Répondu le 1er mars 2020 à  09:21 :

            Je ne vois pas le rapport entre misogynie et faire un bouquin à partir de fiches Wikipédia.

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            • Répondu le 1er mars 2020 à  21:50 :

              Quant un graphisme est plat, que ce soit un homme ou une femme, il reste plat. Même chose pour un scénario. Il n’y a rien de misogyne là-dedans. Le cinéma français de "l’entre soi" ouvrira donc ses portes à de la BD du même genre.

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              • Répondu le 2 mars 2020 à  07:01 :

                Qu’est-ce que ça veut dire un "graphisme plat" et quel rapport avec ’l’entre soi’ ?

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                • Répondu le 2 mars 2020 à  08:44 :

                  Vous voulez que je vous fasse un dessin ? C’est pourtant clair.

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                  • Répondu le 2 mars 2020 à  13:04 :

                    Faites-moi un dessin parce que ce n’est pas clair.

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