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Olivier Saive (Les Foot Maniacs) -1/2- : "Une BD est censée vivre plus longtemps qu’une notoriété de l’ère zapping"

Par Nicolas Anspach le 6 mai 2010               Les Foot Maniacs) -1/2- : "Une BD est censée vivre plus longtemps qu’une notoriété de l’ère zapping"" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">       Lien  
Après s’être fait remarquer avec sa reprise de {Chaminou} d'après {{Raymond Macherot}}, {{Olivier Saive}} avait un temps délaissé la BD pour se consacrer à la publicité. Il revient sporadiquement au 9e art en signant la reprise des {Foot-Maniacs} à partir du 4e tome et quelques albums des {Fondus} chez Bamboo.

Dans le huitième tome des Foot Maniacs qui sort fin mai, le lecteur découvrira les mésaventures de Dominique Raymond, le nouveau coach du célèbre FC Palajoy. Celui-ci propose un coaching révolutionnaire, qui ne mène pas forcément les joueurs à la victoire...

Olivier Saive (<i>Les Foot Maniacs</i>) -1/2- : "Une BD est censée vivre plus longtemps qu'une notoriété de l'ère zapping"
Dominique Raymond ne vous rappelle-t-il pas un célèbre coach français ?

Vous avez travaillé avec deux personnalités importantes au début des années 1990 : Raoul Cauvin (sur Tatayet) et Raymond Macherot (sur Chaminou).

Oui. Je garde un souvenir très ému de Raymond Macherot. C’est un homme qui a marqué ma vie. L’une des premières bandes dessinées que j’ai lue enfant, était Chlorophylle à la rescousse. Autant vous dire que je le considère comme un monument. C’est un des grands génies de la bande dessinée. Il est à mes yeux l’égal de Hergé et de Franquin. Nous discutions des après-midi entières. Il me laissait faire pour la reprise de Chaminou. Il ne m’a jamais demandé de réaliser des modifications. Peut-être parce que j’avais compris ce qu’il voulait ou parce qu’il respectait mon travail. J’ai eu beaucoup de peine lorsqu’il est décédé. Assez curieusement, nos discussions ne m’ont pas appris grand-chose sur mon métier. Il m’a plutôt appris des choses sur la vie : écouter les gens, regarder la nature, etc. Raymond était simple, humain et bon, même si parfois il pouvait être piquant. Son œuvre était une satire de la vie sociale, mais de son point de vue. Sa photo est toujours sur mon bureau.

La simplicité était un trait de caractère qu’il partage avec Raoul Cauvin. Alors qu’il compte près de 50 millions d’albums vendus, on a parfois l’impression qu’il n’en pas conscience.

Raoul Cauvin détient une force de vie beaucoup plus grande que Macherot. Comme de nombreux grands dessinateurs, Macherot était dépressif. Raoul ne l’est pas du tout ! Cette force lui permet de tenir contre vents et marée. Même lorsque les gens le traînent dans la boue, le critiquent avec virulence, Raoul continue de scénariser ses histoires qui ont fait leurs preuves.
Il peut parfois être angoissé, mais jamais dépressif. Macherot l’était et c’est pour cette raison qu’il a laissé tomber la bande dessinée. Je me suis toujours demandé pourquoi des auteurs décrochaient, et posaient définitivement leur crayon : Paul Deliège, Franquin... Maintenant, après plus de 25 ans de
carrière, j’ai compris. Quand on crée, avec force, on se vide de sa
substance. Fragilisé, la dépression guette. Je pense que cet état fait
partie des inconvénients du don de soi artistique et des multiples
remises en question que ce métier implique.

Comment avez-vous atterri chez Bamboo ?

Cela fait des années que je nourrissais l’envie de travailler chez cet éditeur. J’ai rencontré Olivier Sulpice, le fondateur et patron de cette maison d’édition, à ses débuts. On avait sympathisé, même si nos discussions n’avaient pas abouti à un projet. Des années plus tard, nous nous sommes recroisés dans un festival. Olivier m’a demandé si cela m’intéressait de reprendre les Foot Maniacs. J’ai hésité. Avais-je réellement envie de dessiner des personnages que je n’avais pas inventés, d’illustrer un thème que je n’avait pas choisi ? Mais j’ai rapidement décidé de relever le défi ! Je m’amuse beaucoup à faire cette série. En entamant les premières planches, j’ai pensé à la manière dont Franquin dessinait Valentin Mollet dans les Voleurs du Marsupilami. Lorsque j’ai découvert cet album, j’avais été épaté par la manière dont il croquait ce joueur de football. Je me suis donc replongé dans cet album pour mieux comprendre la technique de Franquin.

Les auteurs transfuges des éditions Dupuis qui sont aujourd’hui publiés par Bamboo disent volontiers que cette maison est une vraie famille. Est-ce une réalité ou de la propagande ?

C’est la réalité ! Je vais schématiser et caricaturer légèrement ce qui s’est passé : Les éditions Dupuis s’étaient endormies car les ventes de fond étaient conséquentes. Bamboo a saisi une opportunité et pris une place conséquente dans le registre de l’humour. Les auteurs qui se sont fait jeter chez Dupuis pour cause de ventes insuffisantes se sont retrouvés chez Bamboo. Et là, ils ont trouvé un jeune patron pétillant, plein d’entrain et de sympathie. Olivier Sulpice met « ses couilles et son pognon » sur la table ! Moi, j’ai repensé à Monsieur Dupuis qui mettait son fric dans chaque bouquin qu’il éditait ! Quand il a revendu son affaire, l’ambiance avait changé chez Dupuis.

Olivier Sulpice est le seul décideur, et ne doit pas se référer à d’autres personnes, des actionnaires. S’il édite ton livre, il le fait avec son propre argent. Et donc, cela veut dire qu’il croit en ton bouquin !
Il y a quelques années, Jean-Luc Dupuis, le fils de Charles, m’avait invité chez lui. Il habitait à côté de son père, du côté de Braine-l’Alleud. En sortant de chez lui, j’aperçois une presse d’imprimerie dans le hall d’entrée. Cela m’a ému de la voir. Je lui ai demandé si c’était celle avec laquelle ses aïeux avaient commencé … Il me le confirma. J’ai lui demandé l’autorisation de la toucher. S’il y a bien un objet qui symbolise le fait que je sois devenu auteur de BD, c’était bien celui que j’avais sous les yeux. En sortant, je lui demandé des nouvelles de son père. Il me dit qu’il était alité, mais cela lui fera plaisir si je klaxonne en passant devant sa maison, qu’il prendra soin de lui signaler que c’est moi qui le salue. C’est pour ce genre de choses, ces marques d’amitié, que je vis.

Je n’ai pas donc pas l’impression de travailler pour des inconnus chez Bamboo. Olivier Sulpice est joignable par tous et je ne dois pas passer par un intermédiaire pour lui dire quelque chose. Lorsque je suis près de son domicile, je peux passer le voir… C’est un ami !

Extrait des Foot Maniacs
(c) Saive, Cazenove, Sulpice & Bamboo

On se demande comment il fait pour cumuler ses activités de scénariste avec celui de patron d’une maison d’édition…

Je crois qu’il se rend compte qu’il doit accorder moins de temps à son activité de scénariste. Avec Jenfèvre, il avait créé les Foot Maniacs. C’est d’ailleurs l’une des premières séries de Bamboo. Olivier voulait faire son retour dans cette série qui lui tient à coeur et a commencé à scénariser des gags pour le prochain album. Par manque de temps, il a du appeler Christophe Cazenove à la rescousse. Mais Olivier suit le travail de très près. Il m’envoie les scénarios, commente mes planches. Je n’ai pas affaire à « Monsieur Machin » qui agit au nom d’un patron. Je traite là avec le boss de Bamboo. C’est quand même un must.

Certains personnages de la série Foot Maniacs sont inspirés de personnalités. Est-ce facile de caricaturer et d’animer coach et footballeurs existants ? Avez-vous eu un rôle à jouer dans le choix des rôles ?

Non, ce n’est pas si simple. Les personnalités peuvent du jour au lendemain disparaître de la scène médiatique. On ne retiendra donc que leurs traits marquants. Par exemple, Domenech n’est pas vraiment le type que nous mettons en scène. On utilise son côté mal aimé (Jacquet... Ha !Ha !), valet noir, surpayé et peu efficace. Un personnage ayant ce côté caricatural peut continuer à vivre longtemps, même si dans quelques temps on ne parlera plus de Domenech.
Une BD est censée vivre plus longtemps qu’une notoriété de l’ère zapping. Si un lecteur, dans quelques années, découvre le personnage, il doit pouvoir comprendre le gag même si la personnalité inspirante a disparu de la scène.
D’un point de vue graphique, une caricature trop réaliste va automatiquement "jurer" avec le look traditionnel gros nez des personnages principaux de la série. Je dois donc faire une caricature lointaine, presque symbolique, qui se rapprochera du traitement graphique des autres personnages. Pour rester sur l’exemple de Domenech, on garde les sourcils épais et les cheveux bouclés gris et il est déjà devant nos yeux. Un peu comme certains imitateurs qui singent plus le look que la voix et qui s’arrangent pour citer la personne pour en faciliter la reconnaissance.
Le choix des rôles est plutôt du côté des scénaristes... Mais est surtout déterminé par l’actualité et la notoriété.

Le destin des personnalités influe-t-il sur vos personnages ?

Bien entendu. Mais comme un album de BD est beaucoup moins rapide sur la balle que la presse, on ne pourra reprendre dans nos scénarios que les éléments qui resteront longtemps. Si Domenech se ratatine au mondial et disparaît de la circulation, pas sûr qu’il reviendra dans le prochain tome, forcément.

Hervé Richez & Olivier Saive, en 2007
(c) Nicolas Anspach

Dans la deuxième partie de cette interview, nous évoquerons avec Olivier Saive la série Les Poulet du Kentucky qu’il publie aux éditions Dupuis avec Hervé Richez.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Retrouvez l’interview vidéo d’Hervé Richez et Olivier Saive sur le site BD de notre partenaire France Télévisions.

Photographies : (c) Nicolas Anspach

 
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