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Olivier Saive (Les Poulets du Kentucky) - 2/2- : "J’ai de nombreuses histoires dans mes cartons, pas forcément humoristiques "

Par Nicolas Anspach le 7 mai 2010               Les Poulets du Kentucky) - 2/2- : "J’ai de nombreuses histoires dans mes cartons, pas forcément humoristiques "" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">       Lien  
Après avoir signé ensemble quelques albums des Fondus aux éditions Bamboo, Olivier Saive et Hervé Richez mettent en scène deux drôles de flics dans une série humoristique chez Dupuis : Les Poulets du Kentucky.

Garcia, une jeune policière latino, prend sous son aile un jeune homme débarquant de l’Académie de Police. Pepper est le fils du gouverneur et sa réussite à l’Académie semble être davantage due à ses liens familiaux qu’à son talent d’enquêteur et de gestionnaire de crise. Le jeune rouquin est malgré tout de bonne volonté, mais il est surtout un éternel gaffeur. Ce qui pimente leurs enquêtes contre les serial killers et autres mafieux. Dans cette série, Hervé Richez développe un humour trash et déjanté qu’il a qualifié face à la caméra de notre partenaire France Télévision, de « gentiment méchant et vinaigré ». Après avoir évoqué les Foot Maniacs dans la première partie de cette interview, Olivier Saive nous parle de son travail avec Hervé Richez.


Olivier Saive (<i>Les Poulets du Kentucky</i>) - 2/2- : "J'ai de nombreuses histoires dans mes cartons, pas forcément humoristiques "

Comment est née votre collaboration avec Hervé Richez ?

Pour les Fondus, aux éditions Bamboo, il m’avait demandé de créer différents personnages qui pouvaient être repris par d’autres auteurs. J’ai l’habitude de créer des personnages simples, un peu passe-partout. Larbier m’a dit un jour que c’était un régal de les dessiner. En fait, je me base tout simplement sur le contenu d’un livre de Preston Blair, intitulé « How to animate ». Je me suis aussi inspiré par la manière de dessiner des auteurs des années 1950 pour la création des personnages.
J’avais rencontré Hervé des années auparavant. J’étais un fan de L’Effaceur, une série où il racontait les méfaits d’un tueur à gage qui fonctionnait au forfait. Ses contrats étaient plutôt grinçants : Pour cinq mille euros de plus, l’effaceur proposait par exemple de bétonner sa victime, etc. J’adorais ce concept. Nous avons donc commencé à réfléchir à une série. Les Poulets du Kentucky sont nés bien avant les Fondus

Sentez-vous une manière différente d’aborder le gag de sa part ? Hervé Richez signe également des histoires réalistes.

On a parfois l’impression que son activité principale est l’écriture d’histoires réalistes. Mais, en réalité, il préfère écrire des récits humoristiques. Ce dernier genre influence plus ses travaux réalistes que l’inverse. Hervé construit ses gags comme des scénarios de film, en y mettant beaucoup de richesse. Je suis certain qu’il serait capable d’écrire pour le cinéma. J’espère, un jour, voir ses scénarios porté à l’écran.

Comment le définiriez-vous ?

C’est un grand sensible, un écorché vif. Il a osé lâcher son métier de banquier et quitter sa région, le Nord, pour devenir éditeur chez Bamboo et écrire ses scénarios. C’est aussi un grand angoissé qui voit parfois un peu trop le côté noir des choses. Mais cela apporte une force dans son travail. C’est sans doute pour cette raison que L’Effaceur est une série de grande qualité. Sur Les Poulets du Kentucky, j’ai eu quelques soucis avec cette noirceur. Certains scénarios étaient à la limite d’une série tout public…

Effectivement, les gags sont souvent corrosifs.

À un tel point que j’ai hésité à en dessiner un. Il s’est passé un drame dans ma propre famille... Une mère étranglée par son mari. Hervé avait écrit avant ce drame un gag sur une situation similaire, sans savoir que nous allions traverser cette épreuve. En dédicace, je rencontre souvent des personnes qui me disent que telle ou telle situation est arrivée à un proche.

Comment est née cette série ?

Elle découle de tout ce que nous avons publié jusqu’à maintenant. Virage !, mon premier album publié chez Magic Strip, la maison d’édition des frères Pasamonik, était déjà un peu noir. J’y racontais l’histoire d’un « petit monsieur tout le monde » qui rate sa vie, et des gens débarquent dans son existence pour lui faire croire quelque chose. Cette thématique m’a toujours intéressée. Pour quelle raison ? Je n’en sais rien. Peut-être parce que Eric Maltaite, Fabrizio Borrini et Colman sont venu mettre un peu de bordel dans ma vie. Hervé, lui, a toujours été intéressé par les meurtres et les tueurs. Nous étions faits pour nous entendre et travailler sur ce sujet. Nous avons choisi de le traiter avec des policiers après être tombé sur un jeu de mot : « Les poulets du Kentucky ». Enfin, là bas, les flics, on les appelle les « Pigs », c’est-à-dire les « cochons ». Nous n’aurions pas pu appeler la série « Les Cochons du Kentucky », car cela n’aurait fait rire personne. Notre série se moque bien entendu de la police américaine et des séries télévisées sur ce thème que l’on nous propose en Europe.

Extrait des "Poulets du Kentucky" T2

Le Kentucky est spécialisé dans le poulet ?

Il n’y a pas d’élevage de poulets au Kentucky. Ils n’ont aucune spécialisation, mis à part les courses de chevaux et le bourbon. Ces deux éléments ne nous ont pas influencés. Ils sont conservateurs, aussi. Ils ne votent pas Obama, là-bas. Quant à mes poulets, je les ai mis dans les cases de notre BD pour faire marrer le lecteur.

Vous jouez sur les clichés : votre duo de flics de choc est composé d’un rouquin d’origine irlandaise, et d’une bimbo latino…

Nous n’allions pas réinventer la poudre ! L’association était parfaite et nous offrait un excellent moyen de caricaturer les États-Unis. J’ai retrouvé dernièrement ces éléments dans un feuilleton télévisé américain qui s’intitule Reno 911. On y relate les enquêtes d’un commissariat de police à Reno. On y retrouve le même décalage que dans Les Poulets du Kentucky. Les policiers qui enquêtent perpétuellement sur des affaires criminelles n’ont pas la même approche que nous d’un cadavre. Cela ne les effraye pas du tout de voir un mort. C’est normal : il s’agit là de leur boulot, de leur quotidien. Mais cela entraîne un décalage par rapport à ce que nous pensons. Et c’est sur çà qu’Hervé et moi-même avons voulu jouer. Dans Reno 911, un gag m’a fait hurler de rire : Deux flics s’enferment dans un sac à cadavre, et font un concours pour savoir lequel restera le plus longtemps dedans ! On aurait bien fait ce gag pour Les Poulets du Kentucky si les scénaristes de Reno 911 ne l’avaient pas inventé. Nous n’avons pas regardé cette série télévisée lorsque nous avons créé Les Poulets, afin de ne pas être influencé…

Pourquoi avoir été chez Dupuis avec cette série, alors que Hervé Richez et vous-même, vous vous sentiez si bien chez Bamboo ?

(Rires). Nous rêvions d’un jour être édité par les éditions Dupuis. Nous avons bien sûr proposé le projet prioritairement à Olivier Sulpice tout en lui disant que notre objectif était d’aller chez l’éditeur de Spirou et Fantasio. Il nous a dit de tenter notre chance là-bas. Rien ne s’est fait dans le dos de Bamboo. Et nous avons accompli notre rêve. Deux de nos albums portent à présent le logo de l’éditeur de Marcinelle.

Votre style graphique s’est imposé facilement ?

Oui. Nous avons recherché à être efficace et a jouer sur les gimmicks pour que le lecteur comprenne que nous sommes dans un registre humoristique. Certains ont trouvé mon dessin trop humoristique par rapport au ton du scénario, qui est plus adulte. Nous avons choisis de poursuivre dans cette voie, et de mettre des petits poulets –les volatiles – dans les cases pour adoucir le propos et bien montrer au lecteur qu’il entrait dans un monde qui n’existe pas. Les poulets apportent un second degré dans l’histoire. Dans un gag du second tome, j’en ai dessiné quelques-uns complètement ivres dans une soirée mafieuse, par exemple.
Nos poulets apparaissent tout le temps, comme s’il n’y avait que cela au Kentucky. Ils sont partout, mais personne n’y prête attention. C’est un peu comme les pigeons dans une grande ville… J’essaie cependant de ne pas en dessiner dans les maisons. Il est logique que les gens ne les laissent pas entrer chez eux. Les petits gags que l’on crée avec les poulets apportent un second degré de lecture amusant. Ils sont aux Poulets du Kentucky, ce que la Coccinelle est à Gotlib ou Spip à Spirou … J’aimerais un jour faire une bande dessinée pour les tout-petits avec ces poulets. Une BD sans parole.

Vous avez également fondé un site Internet de vente de dessin de presse pour les entreprises …

Oui. On avait créé Cartoonbase, un site Internet, avec Luc Cromheecke peu de temps avant l’éclatement de la bulle Internet en mars 2000. On proposait des cartoons que les dessinateurs avaient fait, mais qui ne servaient plus. Un recyclage, en quelque sorte. Malheureusement, l’effondrement des marchés liés à la toile, a hypothéqué notre aventure. Grâce aux fonds des investisseurs, on a tenu au travers de la tempête. Maintenant, on remonte tout doucement la pente. Cette année, on a décidé de lancer CartoonBiz. On privilégie quelques auteurs qui ont marqué leur accord, pour développer du cartoon (dessin, illustration) sur mesure.

C’était déjà un service qui était proposé par CartoonBase, mais beaucoup de gens pensaient encore que nous ne faisions que du replacement. Notre image est à présent plus claire.

L’accueil est toujours très bon concernant l’utilisation de dessins pour la communication. C’est le commerce sur Internet qui a pris son temps. Nous avons donc investi beaucoup et nous ne pouvons pas encore crier victoire. Luc Cromheecke s’est retiré de l’affaire depuis lors. Mais c’est juste administratif.

Quels sont vos projets ?

Les Foot Maniacs continuent. J’ai quelques projets dans mes cartons que je vais bientôt envoyer aux éditeurs. Je rêve également de terminer l’écriture d’un film comique. Celui-ci s’appellera « Non, Merci ! ». S’il ne se fait pas, je transformerai le projet en bande dessinée humoristique. J’ai toujours été passionné par le dessin animé, le scénario, le story-board. J’ai déjà fait un peu de réalisation. Assez étrangement, je ne me sens pas un dessinateur. J’ai dessiné car c’était le seul moyen qui était à ma portée pour raconter des histoires. Je me considère plus comme un raconteur d’histoire. Je suis intervenu dans le scénario de certaines séries que j’ai dessinées. Je suis un laborieux au dessin. J’adore réaliser les roughs, les story-boards, mais après cette étape, j’ai l’impression de réaliser un boulot de forçat. J’ai de nombreuses histoires dans mes cartons que j’espère publier un jour. Et pas forcément dans l’humoristique !

Le bon et le méchant flic, alias Olivier Saive & Hervé Richez
Photo (c) DR.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire la première partie de cette interview

Le blog d’Olivier Saive

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Retrouvez l’interview vidéo d’Hervé Richez et Olivier Saive sur le site BD de notre partenaire France Télévisions.

Photo en médaillon : (c) Nicolas Anspach
Illustrations extraites des "Poulets du Kentucky" (c) Saive, Richez et Dupuis.

 
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