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Olivier TaDuc ("Mon Pépé est un fantôme") : « On veut parler aux enfants des choses qu’ils vivent. »

Par Nicolas Anspach le 29 juin 2011                      Lien  
Dessinateur réaliste depuis plus de vingt ans, {{Olivier TaDuc}} s’est renouvelé avec brio dans le registre humoristique avec « {Mon Pépé est un fantôme} » qui met en scène Napoléon, un enfant eurasien hanté par le gentil fantôme de son grand-père. Grâce à ces personnages, Olivier TaDuc et {{Nicolas Barral}}, son scénariste, explorent astucieusement les préoccupations des enfants

Olivier TaDuc ("Mon Pépé est un fantôme") : « On veut parler aux enfants des choses qu'ils vivent. »Regrettez-vous d’avoir abandonné le dessin réaliste pour vous consacrer à « cette nouvelle facette de votre talent » ?

Non. Pas du tout ! Cette série est une parenthèse, qui je l’espère sera longue. C’était aussi une façon de quitter le dessin réaliste. Je dessinais des séries réalistes depuis plus de vingt ans ! J’avais besoin d’avoir une autre vision de mon métier, et de « réapprendre » à dessiner. Bref, de me renouveler. Il y a vingt ans, je n’aurais jamais imaginé réaliser une série comme Mon Pépé est un fantôme. Nicolas Barral m’a fait un formidable cadeau en me proposait ce concept. Je lui avais confié que je souhaitai travailler différemment, et a pensé que j’étais capable de dessiner une série humoristique. Il m’a donc présenté cette idée. Nous étions déjà amis avant de travailler ensemble, mais nous nous sommes vraiment trouvés avec cette série. Quand j’ai lu ses premières histoires, je me suis aperçu qu’il m’offrait la possibilité de faire rire les lecteurs, tout en les émouvant ! C’était un peu nouveau pour moi, même s’il y avait déjà de l’émotion dans Chinaman, la série que je réalisais avec Serge Le Tendre.

Vous avez acquis beaucoup de souplesse dans votre trait…

Oui. Vous avez raison. En commençant les premières planches de Mon Pépé est un fantôme, je pensais naïvement que j’allais tout de suite acquérir un nouveau style. C’était faux ! Mon style était encore prisonnier d’un certain « héritage réaliste ». Je versais facilement dans certains travers. Peu à peu, mon graphisme s’est affiné, s’est arrondi ! Il a fallu que je rentre dans un certain état d’esprit. Aujourd’hui, je pense que mon trait s’est mis en place. Il y a peu de différence de style entre les deux derniers albums.

Planche 1 du T4 de "Mon Pépé est un fantôme".

Vous abordez différents thèmes difficiles dans votre série : la mort du grand père, la première amourette de votre personnage, la psychanalyse d’un enfant, le divorce, l’acceptation que l’un de ses parents soit un Don Juan, etc.

Nicolas souhaitait réaliser une série humoristique, avec un traitement narratif moderne. On voulait parler aux enfants des choses qu’ils vivent. Traiter de ces sujets est aussi un moyen d’exorciser leurs petits malheurs. Nicolas les dédramatise avec son humour. Il y a bien sûr d’autres bandes dessinées qui parlent de ces sujets. Mais pas avec la forme et le talent que Nicolas y met. Il a franchement un ton original…

Vous jouez aussi sur les clichés. Napoléon tombe amoureux d’une… Joséphine !

C’est un clin d’œil. D’ailleurs le directeur d’école qui introduit la petite Joséphine fait lui-même le rapprochement. On y va parfois à fond, en utilisant ces clichés, car cela nous amuse !

Planche 2 du T4 de "Mon Pépé est un fantôme".

Les parents ne rient pas forcément des mêmes choses que les enfants.

Oui, c’est vrai. Il y a un double niveau de lecture. Nicolas est, à son humble niveau, un héritier de René Goscinny. Le scénariste de Lucky Luke et de Astérix avait l’habitude d’inclure un double discours à ses histoires. Il s’adressait aux enfants, mais l’humour n’était pas forcément perçu par ceux-ci dans sa globalité. Les adultes appréciaient plus les éléments subtils. Nicolas voulait suivre cette voie. On aime aussi parler de façon humoristique de choses graves, voire très graves.

Dans le troisième tome, on découvrait que Pépé n’était pas le seul fantôme à être en contact avec l’un de ses proches…

Nicolas a eu rapidement l’idée que Napoléon pourrait devenir un lien entre le monde des vivants et celui des morts. Nous l’avons légèrement exploité dans cet album. Nous avons envie d’y revenir par la suite, et peut-être d’explorer ces deux univers en parallèle…

Avez-vous une idée de l’accueil de votre série ?

Les personnes que nous rencontrons nous disent qu’ils apprécient la série. Parfois Mon Pépé est un fantôme a aidé certains enfants à accepter le départ d’un être proche. Des parents nous ont confié que leurs enfants s’identifiaient à Napoléon et se projetaient dans sa vie et dans la relation qu’il a avec le fantôme de son pépé.

Planche 3 du T4 de "Mon Pépé est un fantôme".

Les personnages principaux de vos séries (Chinaman, Takuan) sont tous asiatiques. Les lecteurs peuvent-ils facilement s’identifier à des personnages issus d’une communauté qui n’est pas la leur ?

Je ne sais pas ! Je n’ai jamais réfléchi à cela. Mais si en tant qu’auteur, je veux m’identifier à ma série. Il faut donc qu’elle me parle. Nicolas m’a directement confié qu’il voulait évoquer le métissage dans son projet. Il avait pensé à un enfant maghrébin. À vrai dire, je ne me sentais pas concerné par cet univers-là. Quitte à parler de métissage, autant bien en parler et donc de se servir de mon origine asiatique. Je suis marié à une française et mes enfants sont métissés.
Les auteurs doivent créer leurs histoires de la manière dont ils les ressentent le mieux. Après, c’est au public de décider.

Quel est le thème du quatrième tome de « Mon Pépé est un fantôme » ?

Les vacances en Corse ! Il s’agit d’une grande aventure en 46 planches. Napoléon, sa mère, et deux de ses copains vont passer quelques semaines chez ses grands-parents. Napoléon va retrouver ses amis corses… Un peu comme mes enfants lorsqu’ils retournent voir leurs propres grands-parents là-bas !

Quels sont vos projets ?

J’avais envie de revenir au dessin réaliste, mais d’une manière un peu différente. Je dessine pour la première fois en couleur directe. La couleur directe est l’une des disciplines les plus exigeantes car, entre autres, les retouches au niveau dessin sont à exclure. Les couleurs sont posées à même l’original, sur l’encrage qui a été fait sur un papier aquarelle. Serge Le Tendre et moi-même préparons une nouvelle série pour les éditions Dargaud qui s’intitulera « La Griffe Blanche ».
Avec « Mon Pépé est un fantôme », Nicolas m’a offert un très beau cadeau. Et j’espère bien à l’avenir alterner les deux séries.

Extrait de "La Griffe Blanche"
(c) TaDuc, Le Tendre & Dargaud.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire une autre interview de TaDuc : "Mon vécu me permettait d’enrichir l’univers de Mon Pépé est un fantôme" (Septembre 2008).
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Lien vers le blog d’Olivier TaDuc

Photo : (c) Nicolas Anspach
Illustrations : (c) TaDuc, Barral & Dupuis

 
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